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Hockey

« Les sports d’intérieur sont le futur du mouvement ultra »

Comment le CS Noisy, un club de hockey sur patins de banlieue parisienne, est devenu le refuge de supporters du PSG et d’ailleurs.

Dans la foulée du plan Leproux de 2010, mis en place pour « pacifier le Parc des Princes et restaurer l’image du club », on savait que les ultras du PSG s’étaient dispersés. Certains sont restés fidèles, d’autres sont derrière des clubs dans les petites divisions. Maintenant, les ultras ont aussi infiltré un sport confidentiel en France : le rink hockey. Du hockey sur patins à roulettes, joué sur un terrain de handball, en deux mi-temps de 25 minutes, par des équipes de quatre joueurs de champ et un gardien. Un sport né en Angleterre à la fin du XIXe siècle, qui peine à se professionnaliser dans l’Hexagone et dépend de la Fédération française de roller sports. Pourtant, avec son prix attractif et sa dose de spectacle, le rink hockey a déjà trouvé son public.

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Ce samedi 26 mai était le dernier match de la saison pour Noisy-le-Grand, principal club de la région parisienne. C’est aussi le repère des « Ultras Noisy Fans », groupe de supporters parmi les plus actifs de cette discipline. « On est pionniers dans le monde du hockey ! », clame Nicolas, étudiant en commerce de 20 ans et cofondateur du groupe il y a près de deux ans. « J’ai lancé un "Liberté pour les ultras !" lors d’une soirée alcoolisée. Des supporters du PSG ont sympathisé avec moi et, de fil en aiguille, on a décidé de monter un vrai groupe. » Ce supporter du Sporting Portugal explique sa stratégie : « Comme pour tous les groupes d’ultras, on a d’abord recruté des jeunes à la sortie du CFA et du lycée. Ils sont venus une fois, ils ont kiffé le sport. Depuis, ils ne manquent plus un match. » Le groupe compte maintenant une quarantaine d’actifs, avec une moyenne d’âge d’une vingtaine d’années.

« On mange avec les joueurs après les matchs, on est même partis en Bretagne dans le même car qu’eux » – Nicolas, 20 ans

La plupart d’entre eux sont des jeunes dégoûtés par le foot-business, qui a atteint un nouveau sommet l’été dernier avec le transfert de Kylian Mbappé et du brésilien Neymar au PSG, respectivement pour 180 et 222 millions d’euros. « King Kong », pseudonyme d’un étudiant de 18 ans, l’assure : « Je viens clairement pour l’ambiance, qui est beaucoup plus familiale qu’au foot. Nous sommes proches des joueurs, la plupart sont même des amis. » Nicolas appuie : « On fait partie de la même famille. On mange ensemble après les matchs, on est même partis en Bretagne dans le même car qu’eux. » Un état d’esprit qui rompt avec la starification des joueurs parisiens.

Retour au match. Ce soir, une trentaine de supporters sont présents. Et dans le gymnase des Yvris où a lieu la rencontre contre l’équipe de Nantes, on n’entend qu’eux. Tambour, chants à la gloire de chaque joueur ou tifos : on retrouve dans les gradins tout l’attirail des ultras. « Chacun s’inspire de son club d’origine : l’OM, le PSG ou même du handball, explique Nicolas. Il y en a qui ont déjà la culture ultra, d’autres qui n’ont jamais chanté dans un stade. » Pendant des semaines, ils ont peint dans des squats ou dans un garage, parfois durant la nuit. Nicolas, lui, a même pris l’avion du Portugal spécialement pour assister au match.

« Je peux aller voir un match à 17 heures au Parc, et venir trois heures après à Noisy » – King Kong, 18 ans

Pour Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste des publics de football, ce phénomène de report est « à la fois important, et infinitésimal en termes de nombre de supporters ». « Cette dynamique est très spécifique. Dans d’autres pays, la question ne se pose pas car des clubs sont omnisports. Mais il faut que les disciplines se développent pour faire exploser le nombre d’ultras ! » Quoiqu’il en soit, des associations de foot font maintenant appel aux Noisy Fans pour « mettre l’ambiance ». Mais Nicolas prédit : « Le mouvement ultra verra les grandes lignes de son futur dans les sports d’intérieur comme le futsal et le rink hockey. » Ce capo, des gouttes de sueur coulant de son crâne rasé à son large t-shirt gris, hurle au mégaphone pour mobiliser ses troupes. King Kong aussi s’en donne à cœur joie. Habitué au Parc des Princes, il trouve « l’acoustique différente à l’intérieur ». Il faut dire que ce grand brun baraqué supporte le PSG depuis toujours. S’il continue à se rendre au Parc, il assiste quand même à toutes les rencontres du CS Noisy. « Le foot et le rink hockey n’entrent pas en concurrence. Je peux aller voir un match à 17 heures au Parc, et venir trois heures après à Noisy. »

À la fin du match, malgré tous les efforts des supporters, rien n’y fait : Nantes remporte la victoire. Peu importe : Noisy conserve sa 4e place en N1 Elite – l’équivalent de la Ligue 1 – soit la meilleure place de son histoire. Les ultras montent en furie sur le terrain à l’appel des joueurs. Dans l’allégresse, Nicolas conclut : « Le foot est le berceau du mouvement ultra, mais il s’en écarte de plus en plus. Nous, on veut avoir une ambiance de feu avec des billets à dix balles ! Et ici, on est totalement libres de nos actions. Pas de flic, pas de tonfa. »