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Music

Le top Noisey de fin d'année des deux derniers mois

30 morceaux de reggae de blanc, de post punk sans couilles, de boogie triste et de techno punitive pour résumer une année riche en soubresauts foireux et en pantalonnades fumées.
top, fin d'année, playlist
pochette d'album de « Dodo Prémonition » de Victime

Anthem - Dwerk (Mind Records)
Punitive comme un tractopelle lancé à pleine balle sur les Champs, sale et décadente comme un mashup porno de Cruising et des Damnés, cette récente sortie de Mind Records, surtout si on la compare aux dernières, nous aiguille sur la nouvelle direction prise par le label parisien depuis un moment : une politique éditoriale de la terre brûlée dont on se délecte toujours autant du nombre de morts. MAB

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Mary Bell - Be A Mom (Le Turc Mécanique)
« Les couilles, voilà ce qui, pour commencer, a ruiné le rock et la politique, et j’exige que le monde soit immédiatement confié au sexe féminin. C’est le seul espoir. » Lester Bangs écrivait ça en 1981 dans un article intitulé « Meilleures que les Beatles (et DNA aussi) », dédié aux Shaggs et leurs descendantes. Son bel espoir a moins été récompensé dans le champ politique que celui du rock, encore qu’on soit loin du compte, mais quatre décennies auront permis aux Mary Bell d’accueillir un garçon dans leur groupe d’amazones (hard) sans qu’il n’ait moyen (ni besoin, ni envie) de gâcher la fête. Sur les 13 minutes de leur nouveau disque, on pourrait écrire « Meilleures que Nirvana (et Future of the Left aussi) », sans y mettre beaucoup plus de mauvaise foi que papy Lester en son temps. MP

Chris Cohen - Edit Out (Captured Tracks)
Dans ses clips, Chris Cohen a toujours l'air de débouler dans le champ avec l'air désolé du mec qui se faisait taper dessus au collège. Sur la pochette de son nouveau disque, il tourne le dos aux quolibets, car il sait très bien qu'il n'a pas à se justifier de faire la plus belle musique de victime du monde. MAB

Tropical Fuck Storm - A Laughing Death in Meatspace (Joyful Noise Recordings)
OK, on a déjà écouté en boucle tous les morceaux de TFS, le nouveau groupe de Gareth Liddiard et Fiona Kitschin (The Drones), souvent agrémentés de clips homemade aussi débraillés que peuvent l’être ces descendants des Stooges et de Kurt Vonnegut. Ce n’est pas une raison pour oublier de rappeler, maintenant que A Laughing Death in Meatspace est disponible en dur, qu’il s’agit du meilleur album de rock australien de l’année. Donc du meilleur album de rock tout court. MP

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Gregor - Fishing Net (Chapter Music)
Le (deuxième) meilleur truc sorti d'Australie du mois dernier est un petit mec un peu souffreteux qui vise la grande pop des années 80 mais qui atterrit en plein dans le bac à sable lo-fi, la faute (ou pas d'ailleurs) à une production de bric et de broc qui nous aiguille assez vite sur l'origine de la marchandise - probablement sa chambre, son placard à balai ou le garage de sa daronne. Et comme tous les fans de Q Lazzarus (enfin j'imagine) qui ont les yeux plus gros que le ventre, Gregor finit fatalement par ressembler un peu à Buffalo Bill qui se trémousse devant sa glace dans le Silence des Agneaux en murmurant « t'es une belle petite pute, toi ». Mais ce n'est absolument pas un jugement de valeur : si elle est un poil creepy, sa musique a pour elle le charme étrange de l'ambition inassouvie et du boogie triste, lunettes fumées vers l'horizon et petits pas chaloupés de circonstance. MAB

Mark Stewart + The Maffia - Paranoia (Mute)
Mais si c'est important, le reggae. La preuve, il a été classé au patrimoine culturel immatériel de l'Humanité par l'Unesco pour sa dimension « cérébrale, socio-politique, sensuelle et spirituelle ». Et surtout, il se fait piller par les blancs depuis la nuit des temps. MAB

The Scorpions & Saif Abu Bakr - Farrah Galbi Aljadeed فرح قلبي الجديد (Habibi Funk)
Le habibi funk, source intarissable de funk, électronique et affiliés du Moyen-Orient, est-il le nouveau hand spinner des baisés de musique arabe ? Ce disque enregistré au Koweït en 1980 et fruit du dénommé Seif Abu Bakr et de ses Scorpions, vu sa propension à virevolter au-dessus de nos têtes et à rester en main, a plutôt tendance à nous répondre que oui, mais qu'il est bien plus qu'une tendance de saison. MAB

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La Chica - Sola (La Chica / Bendo)
En attendant de décider une fois pour toutes (l’album sort le 8 février) si on tient là autre chose qu’une Bonnie Banane latina, on conserve avec soin cette pop song déstructurée et vibrionnante, solitairement sensuelle et hyper(bien)produite, dans notre playlist du verre à moitié rempli. MP

Tôle Froide - Pour Nous 2 (Le Turc Mécanique)
Si la pop de Tôle Froide a l'apparence des ritournelles C86 et des gazouillis, ses reprises de Mylène Farmer et ses airs de vouloir rester paresser en enfance ne cachent pas une certaine mélancolie dans la régression (ou l'inverse) : avec ses chansons qui parlent de dessiner des bites et de ne pas voir la mer, ses mélodies pluvieuses et ses bribes d'anglais LV2, le trio sait marier le chaud et le froid, réconcilier la joliesse des sentiments et les chiens de la casse, le punk colin-maillard et l'indie pop qui rêvasse sous la bruine. Ça ressort sur le Turc Mécanique, après une première salve épuisée chez les indispensables stéphanois AB Records. MAB

Steve Monite - Only You (His Master's Voice)
Tame Impala s'est associé à la pipe Theophilus London pour sortir une reprise parfaitement inutile d'un classique de disco nigériane. Du coup on vous remet l'original. MAB

JD Twitch presents Kreaturen der nacht (Strut)
Va-t-on un jour faire le tour des incunables post-punk méritant d’être compilés et revendus sur un marché saturé de groupes vivants faisant exactement la même musique ? Pas sûr, si on en croit cette nouvelle collection d’archives allemandes circa 1979-1985, quand les jeunes Berlinois en rogne n’avaient aucun # à disposition et compensaient l’absence de moyens par l’inventivité et la radicalité, ce qui est à peu près impensable maintenant qu’un bon synthé coûte moins cher qu’un traitement complet contre les puces de lit. MP

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yvanko - Azumaton (Le Cabanon Records)
Vue la conjoncture économique actuelle et l'état de plus en plus compliqué de la club music, voici sans doute sur quoi se buteront les jeunes de 2056, toujours plus loin de la lumière du soleil, les narines pleines de poudre de glyphosate et de résidus de carte-mère. MAB

Tanz Mein Herz - Au Bregançonnet Blanc (Mental Groove Records / Musique pour la Danse)
On ne sait pas trop si les gens de Tanz Mein Herz sont des post hippies férus de Saravah et Shandar ou simplement des visionnaires qui préparent dans leur coin l'apocalypse jazz-rock, mais l'un dans l'autre, ça donne envie d'être dans leur équipe. MAB

Pearl & The Oysters - Mermaid Parade (Requiem Pour Un Twister / Burger Records)
En pleine période grisaille & barricades, des exilés français « de l'autre côté de l'Atlantique » se piquent de sunshine pop californienne, de psychédélisme fleuri à la Todd Rundgren et de pianocktails comme si l'espace temps n'avait jamais quitté le campus de Berkeley de l'été '72. Aussi inconséquent et délicieux qu'un épisode de Flight of the Conchords ou qu'un bonbon acidulé qui fond en bouche comme une enfance qu'on n'aurait jamais vécue, cette « Mermaid Parade » des dénommés Pearl & The Oysters (avec Alex Brettin de Mild High Club en renfort à la guitare) ne pouvait sortir que chez Burger Records et Requiem Pour Un Twister, les seuls mecs qui trempent encore leur buvard dans leur easy listening en 2018. MAB

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JPEGMAFIA - Puff Daddy (EQT Recordings)
Le mec qui avait les meilleurs titres de morceaux de 2018 a encore frappé. Cette fois, il sample du Filthy Frank sur une production toujours aussi crade. On ne sait pas si c'est une pure arnaque ou un aperçu de comment le rap « sonnera en 2030 », rempli de références absconses et de niggards lâchés l'air de rien, mais pour l'instant, ça fait (encore) illusion. MAB

Straight Arrows - Headache (Agitated Records)
Quelles que soient l'époque ou les modes en cours, le garage 60's (école proto punk et post beatnik) trouvera toujours preneur. Tournez une mappemonde en fermant les yeux, arrêtez-vous sur n'importe quel pays et choisissez un nombre au hasard entre 1967 et 2018, et vous tomberez toujours sur des tas de groupes correspondant qui n'ont pas lâché leur fuzz et qui ont la même coupe de cheveux que Liam Gallagher - ou The Creation, c'est pareil. Je ne sais pas ce que ça dit sur l'incapacité du rock à créer depuis le summer of love, mais il n'est pas impossible qu'il nous resserve la même tambouille jusqu'à l'effondrement terminal. MAB

ROSALÍA - NANA (Sony Music)
Immaculée conception ou pantalonnade post-flamenco farcie façon coquille vide ? Les paris sont ouverts. MAB

Victime - Dodo Premonition (October Tone)
Pire nom de groupe, pochette ultra pétée, titre de morceau tellement nul qu'on se demande s'il n'y a pas un fond de masochisme dans l'air. La musique pourtant, sorte de dance punk aux relents no wave et free, me rappelle un peu ce groupe super, Guerilla Toss, qui a eu une carrière un peu languissante en sortant sa bite et qui a fini par signer chez DFA. La morale de l'histoire ? Même avec un (a)battage de couilles de force 8 et les meilleures (ou pires, c'est selon) intentions du monde, vous n'êtes jamais à l'abri de finir chez les vendus et le cul à l'air. Faites gaffe, Victime, il se pourrait que vos airs nonchalants dans la tempête vous jouent de sacrés tours. Dans le monde dans lequel on vit, on n'est jamais sûr de rien. MAB

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Muslimgauze - Eleven Minarets (Kvitnu)
La productivité de l'Anglais Bryn Jones fut telle qu'on continue de retrouver des morceaux vingt ans après sa mort. Cette nouvelle pépite du monomaniaque génial (pour ceux qui ne seraient pas au courant, il a sorti sous le nom de Muslimgauze près d'une centaine d'albums qui tournent tous plus ou moins autour du conflit israélo-palestinien) a été dénichée par un obscur label ukrainien basé à Vienne. Comme toujours, on se pose toujours les deux mêmes questions : pourquoi Bryn Jones n'a jamais été reconnu de son vivant, et quel degré de folie il lui aura fallu pour tourner autour du seul et même sujet musicalement pendant une quinzaine d'années. MAB

Carrageenan - The Midnight Hour (Cold Moss)
Pas impossible que la moitié de Pizza Noise Mafia ait été influencée par le mec juste au-dessus (après tout, qui ne l'est pas dans le petit cénacle de la techno industrielle contemporaine ?), ce qui n'empêche pas sa musique de sonner autrement qu'un décalque d'influences bien digérées, bien recrachées, emballez c'est pesé. C'est une musique au final toute simple, qui donne juste envie de se taper la tête contre les murs ou des CRS en se dépouillant, à mesure qu'avance le disque, de tout sentiment de confort. Et en attrapant, au travers de ses titres de morceaux-marteaux, cette dualité toute contemporaine : « Life Ain't No Banger », « Everybody Loves When It Hurts. » MAB

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MAHY - Antilles méchant bateau (Born Bad Records)
Olé Coltrane. MAB

Felicia Atkinson & Jefre Cantu-Ledesma - Indefatigable Purple (Shelter Press)
Ils ont l'air tranquille dans leur coin, Felicia Atkinson & Jefre Cantu-Ledesma. Ils ne trusteront sans doute jamais les tops de fin d'année, personne ne les fera chier et ils seront condamnés à errer dans le cosmos à comparer leurs points de solitude avec leurs meilleures anecdotes imaginaires sur Brion Gysin. Tant mieux pour eux, tant mieux pour nous. MAB

Eszaid - Eurosouvenir (Collapsing Market)
Me donnerait presque envie d'aller écouter du Emmanuel Todd. MAB

BOOBA - BB (Tallac Records)
Un peu d’adversité n’a jamais fait mal au D.U.C., au contraire : photo de chatte sans soucis sur Youtube, ton mélanco-badin, ruptures de registres et punchlines à la file, sur l’une de ces prods à boucle retournée, infrabasses synthétiques et beat trap réverbéré qui lui vont si bien. Comme un upgrade de « Baby » passé sous Nero Nemesis ou un « Friday » lo-fi avec les deux mains sur le pli du survête. Vaut tous les bouquins-gadget du monde. MP

V/A - Wavecore 6 (Anywave)
Les petits labels qu’on chérit souffrent, et le fait que cette sixième compilation Wavecore se présente comme la dernière de la série n’est pas très rassurant. Qui désormais aura la passion et le temps nécessaires pour tirer les perles rares des musiques en « wave » du Blob mondialisé en constante expansion où elles se cachent farouchement ? Si c’est la dernière pêche d’Anywave, cette double compilation a des allures (monumentales, déchirantes) de grand requin blanc. MP

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Tim Presley - I Have To Feed Larry's Hawk (Drag City)
Mini-scoop en prévision de notre interview à paraître avec le stakhanoviste américain : Tim Presley a arrêté la dope. Observation conséquente et radieuse : ça ne se ressent pas dans sa musique. De moins en moins garage, de plus en plus pop british (Kinks, Barrett, Wyatt), celle-ci est toujours aussi allumée qu’inspirée. MP

Sheck Wes - Mindfucker (Interscope Records)
Le lazy rap (on vient de l'inventer) est cette tendance des MC à ne plus se contenter de marmonner au ralenti du slang en paronomases, mais à vouloir en faire encore moins, le moins possible, quelques courtes lignes (respect OT Genasis), quelques inflexions infectieuses (bien vu Smokepurpp)… Le risque, bien sûr, c’est de finir par ânonner « bitch » ad libitum sur un beat ramolli en se disant que ça va forcément passer pour du talent. Et ça fonctionne parce qu’au fond, on a tous envie de rester sous la couette avec une cargaison de sirop pour la toux. MP

Arne Vinzon - Jeremiah Johnson (Dokidoki)
Il nous manquait, Arne Vinzon, et on est d’autant plus content de le retrouver qu’il est en possession de l’antidote la plus efficace au syndrome « variété chic » dont souffre notre pop nationale. Sur le maxi La Dernière Flèche , il en arbore sans crainte certains stigmates (chant très en avant, synthés laidback), mais seulement pour mieux les guérir à coups de poésie minimaliste et de mélodies à l’os, sifflotées intérieurement pour éviter de se flinguer, avec la dérision amère et le goût de l’auto-sabordage qui distinguent les vrais dandys de la petite bourgeoisie. MP

Bad News From Cosmos - Like The Flames (Anywave)
Allons, ça ne va pas si mal que ça chez Anywave, qui sort aussi le nouvel album des fidèles Bad News From Cosmos. Quatre titres chantés (parfaits) pour sept instrumentaux (plus décoratifs) suffisent au duo ukrainien pour rappeler leur supériorité dans la catégorie embouteillée de la dream pop. Fans de Beach House, filez-leur donc vos thunes, c’est le début du mois et c’est bon pour votre karma. MP

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