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Avec la nonne qui fait des lancers de baseball parfaits

Sœur Mary Jo était ma prof au lycée et elle terriblement cool.
nonne baseball
Photo : Quinn Harris/ Icon Sportswire via Getty Image

Depuis son parfait coup d’envoi lors d’un match des White Sox de Chicago en habit intégral au mois d'août, Soeur Mary Jo Sobieck a fait le buzz et voyagé à travers le pays pour donner des conférences de presse. La religieuse, qui enseigne la théologie au lycée catholique de Chicago a réalisé un lancer parfait après avoir fait rebondir avec confiance la balle sur l’intérieur de son coude. La manœuvre, impressionnante, a attiré sur la jeune et confiante religieuse la curiosité des médias.

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Sportive de haut niveau dans trois disciplines à l’université et depuis toujours fan des Twins du Minnesota, célèbre franchise de baseball, l’habileté de Sœur Mary Jo à envoyer un lancer parfait n’avait pour elle rien de choquant, contrairement à ce qui a suivi. Sœur Mary Jo était ma prof au lycée donc je lui ai passé un coup de fil pour la féliciter pour son lancer. Elle m’a raconté comment le fait de faire le buzz avait perturbé sa première semaine de cours et comment cette histoire pouvait enfin la pousser à réaliser le rêve de toute sa vie : faire passer un message.

VICE : Raconte-moi cette folle journée.
Sœur Mary Jo Sobieck : Je ne pensais même pas rester jusqu’à la fin du match. Je voulais juste donner le coup d’envoi, me balader un peu, papoter avec les amis du lycée et rentrer à la maison parce que les cours allaient bientôt reprendre. Je voulais préparer deux trois choses pour l’école parce que j’avais deux jours de libres avant la rentrée. Ça a été le week-end le plus fou de ma vie.

Avec ta nouvelle célébrité, la rentrée a-t-elle été difficile ?
Le proviseur du lycée Steve Tortorello m’a proposé de me trouver un remplaçant. J’étais fatiguée et je l’ai pris au mot. J’avais juste besoin de me reposer, j'étais épuisée. J’ai beaucoup d’énergie mais si je continuais comme ça j'allais m’écrouler et je ne pouvais pas me le permettre.

Est-ce que tu as réduit les interviews télé et les interventions dans les médias maintenant que l’année scolaire a commencé ?
En fait non. J’en ai de plus en plus.

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Comment combines-tu ça avec l’école ?
On se débrouillera, parce que, c'est une opportunité incroyable. Franchement, je me dis que tout arrive pour une raison. C’est Dieu qui me conduit sur un autre chemin. Suis-je appelée à faire quelque chose d’autre ? Qui sait. On ne peut pas le savoir. Je prends les choses comme elles viennent et les gens jouent le jeu quoi qu'il arrive.

Comment tu l’interprètes si tu le vois comme un message ? Est-ce que tu comptes prendre davantage la parole en public ou faire des apparitions dans les médias pour propager un certain message ?
Je ne sais pas. On parle de choses comme ça en cours. On dit qu’il faut toujours rester ouvert à l’appel de Dieu. Même rien qu’avec mon attitude en classe, je suis extravertie, j’essaie d’inspirer les élèves pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. On ne sait jamais. Au lycée, quand un intervenant venait pour parler dans la classe, j’ai toujours pensé : « Je peux faire ça. ça me plairait de faire ça. »

Tu as toujours été extrêmement extravertie et énergique. Et maintenant tu as une nouvelle opportunité avec les médias qui s’intéressent à toi. As-tu essayé de l’utiliser pour transmettre quelque chose ?
Bon, comment dire ? Rien que le fait de porter un habit de religieuse pendant le match a attiré l’attention. Le fait que je sois une fille aussi. C’est la même histoire qu’avec Sœur Jean [Sœur Jean est la religieuse de 99 ans qui est devenue célèbre durant le Final Four de basket pour lequel l’équipe Loyola-Chicago a été qualifiée début 2018]. Avec elle, nous faisons le pont entre deux générations. Tout cela, l’athlétisme, la joie que nous procure le sport et l’amour de notre communauté, on se rejoint vraiment là-dessus.

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J’aimerais que les gens se rendent compte que je me contente de faire ce que j’aime. Le fait que je sois bonne en sport, ça me rapproche des enfants, et [c’est cool] qu’il y ait une sœur sportive qui connaisse le jargon. J’espère qu’ils pourront voir qu’il ne s’agit pas seulement de la performance sportive mais que c’est juste ma joie de vivre. Mon don, mon talent naturel et don de Dieu, a toujours été mon agilité athlétique. Ce n’est pas juste que je suis une bonne athlète, mais j’ai accepté que Dieu en fasse un instrument pour créer de merveilleuses relations avec les gens. Je veux que les gens voient que si l’on est fidèle à soi-même et ouvert aux dons qui nous ont été donnés, Dieu le fera germer et ce sera merveilleux.

Il suffit d’être fidèle à soi-même et authentique. Je pense que c’est ce que les gens ont retenu de mes interviews. Ils ont réagi en disant : « Elle est vraiment authentique et sincère. » S’il fallait que les gens retiennent quelque chose, je voudrais que ce soit : « Sois toi-même, simplement. » Dieu t’as créé que pour que tu sois toi-même et personne d’autre. Sois toi-même, c’est tout.

Ce message tombe à un moment où beaucoup d’enfants, en particulier les élèves de lycée, sentent la pression de devoir afficher leurs vies d’une certaine façon sur les réseaux sociaux. Est-ce quelque chose dont vous parlez avec les enfants en cours ?
J’ai porté cela dans ma prière ce matin : quel est le plan de Dieu dans tout ça ? Tout notre message [au lycée catholique marial] se résume en un mot : la vérité. Veritas. Du temps de Saint Dominique, on parlait beaucoup d’hérésie. Dominique devait la combattre par la vérité. Il expliquait aux gens de quoi parle l’Évangile et il leur disait ce qui était vrai. Il parlait aux gens du dualisme et leur expliquait pourquoi ce n’est pas bien. Et maintenant, dans notre culture, on en est toujours à la vérité et la veritas, mais pensez à tous les « fake » que nous avons sur les réseaux sociaux. [Les enfants] publient des choses [sur les réseaux sociaux] et disent qu’ils veulent se montrer sous un jour particulier, mais est-ce tout à fait fidèle à leur vraie nature ? Peut-être que la vérité ne reflète pas ce que l’on dit mais ce que l’on vit.

Essaie-tu toujours de partager cet enthousiasme et cette énergie positive comme un message encourageant à être soi-même?
Je suis juste naturelle. Je suis juste moi-même. Parfois en cours - j’enseigne la religion et la théologie - je me dis que je serai pour ces enfants le seul témoignage de qui est Dieu. Quel message je veux leur passer ? Je veux leur transmettre la solidarité, la tolérance, le pardon. Cela ne veut pas dire que les enfants peuvent faire ce qu’ils veulent. On attend toujours certaines choses : qu’ils aient bon caractère, conservent une morale vertueuse et ce genre de choses, mais si j’attends cela des autres, je dois aussi le vivre. Et là encore, il m’arrive d’échouer. Je ne fais pas tout le temps de mon mieux et quand ça m’arrive, je le dis à la classe. Je reviens dessus le lendemain et j’avoue aux enfants, « hier, je n’ai pas fait de mon mieux. Je le sais et je vais faire des efforts. » ça leur parle, ça, aux enfants, ça leur apprend quelque chose sur la responsabilité.

Je voudrais aussi leur dire qu’il ne suffit pas d’être heureux. Vous pouvez être une personne joyeuse même dans les difficultés, quand vous n’êtes pas accepté dans l’équipe de basket ou que votre petite-copine vous quitte. Comment garder la joie après ça ? Il faut vraiment réussir à gérer cette tension : garder la joie de vivre tout en étant prêt à accepter le chagrin. Quand ils arrivent à faire ça, la joie n’est plus quelque chose d’extérieur qui donne le tournis, mais une intime certitude que tout va bien aller et que nous allons nous en sortir quoi qu’il arrive. J’espère que mon enthousiasme se transmet à travers tout ça. C’est ce qui m’a permis d’avoir assez confiance en moi pour monter les échelons et d’être assez nerveuse pour faire de mon mieux.

Qu’est-ce que toute cette histoire nous apprend sur le fait que l’habit ne fait pas le moine ?
Je dirais que ça nous dit d’être ouvert à toute éventualité et nous apprend à laisser les choses se faire, à être ouvert aux expériences. Je vais être honnête avec vous, je ne me dis pas : « Oh my God, pourquoi les gens sont si surpris ? » Pour moi, il faut une certaine audace. Ce n’est pas de l’arrogance, c’est juste que je m’amuse. Mais ça m’aide à rester dans la partie. Surtout avec les garçons et les athlètes, je pense que ça me donne une certaine crédibilité, en particulier avec ceux qui débarquent et qui ne me connaissent pas encore. On verra. ça me conforte davantage dans le fait d’être moi-même et ça me donne d’autant plus la permission de le faire.

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