Tarterêts, PNL, Corbeil
Toutes les photos de l'article sont issues du clip « Un lion ne meurt pas » de Bizon GBZ. © Nour Dize

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Music

Dans le « nuage noir » des Tarterêts

Les vétérans Bizon et Mental nous racontent le rap au quartier des Tarterêts, à Corbeil, des années 1990 à l'explosion de PNL.

« Corbeil c'est particulier », « le Zoo c'est compliqué », « ils se mélangent pas trop là-bas ».

Plus loin qu'Evry, plus loin que Grigny, la ville de Corbeil n'a jamais intéressé la rubrique culture. Jusqu'à ce qu'un jeune duo du nom de PNL s'impose dans le rap de façon spectaculaire. Aujourd'hui, tout le monde veut y aller - sauf qu'il faut pouvoir y entrer et trouver un interlocuteur, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Parce que tout le monde sait que PNL est l'arbre qui cache la forêt. Le rap a en effet envahi depuis longtemps les rues de la ville et plus particulièrement le quartier des Tarterêts, à la réputation très dure et bien connu en Île-de-France - à tel point que des rappeurs, qui n'y ont jamais mis les pieds, y font référence dans leurs punchlines, de Sefyu à Booba.

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On a eu la chance de se poser avec les rappeurs Bizon et Mental, qui en 2017 font figure de vétérans aux Tarterêts. Actifs depuis les années 90 avec le collectif Clan Haut Style (qui réunissait également Pacha, Sharlee Sharle, Alka 47 ainsi que les deux frères Nezo et Gazel), ils se sont aujourd'hui un peu éloignés du rap, ce qui n'empêche pas Bizon de sortir régulièrement des projets en totale indépendance, le dernier en date étant Iki , dispo depuis fin septembre dernier, où l'on retrouve des piliers comme Mental aux côtés de la nouvelle garde que les fans ont pu retrouver en featuring sur les albums de PNL (Farceur, S-Pion, etc.) Et il poursuivra le 25 décembre prochain avec Public Enemy, nouveau projet encore plus rassembleur pour le rap de Corbeil où seront présents d'autres groupes comme la MMZ et F430.

Bizon et Mental ont vu le hiphop débarquer au milieu des tours et séduire la jeunesse pour ne plus jamais partir. Ils ont également été témoins de l'évolution pas toujours positive de la cité. Une histoire qui méritait d'être racontée et qui pourrait très bien faire l'objet de livres, de films ou même d'une série : entre ses magouilles, sa vie de quartier et ses faits divers, Corbeil n'a en effet rien à envier au Baltimore de The Wire.

Noisey : Bon on va crever l'abcès tout de suite : vous en avez pas marre des journalistes qui vous appellent juste pour gratter des scoops sur PNL ?
Bizon : Ça a été même beaucoup plus loin que ça : des gens étaient persuadés qu'on était leurs managers. Y'avait même des grosses sommes qui étaient proposées, pour eux, donc au début c'était gentil, on les zappait, mais à un moment ça gonfle. Ils font leur chemin, on est super contents pour eux, mais les « allô, c'est pour PNL », c'est bon, contactez-les directement [ Rires].

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Un truc que les gens ne savent pas forcément à propos des Tarterêts c'est que le hip-hop y est arrivé très tôt.
Mental : Oui, il y avait une grosse influence new-yorkaise. L'expression « le Zoo », « Tarterêts Zoo » ça vient de « Brooklyn Zoo » d'ODB, tout simplement. La génération de maintenant a changé un peu, c'est beaucoup plus Young Thug, Lil Durk, etc. Ils ont plus les mêmes références. Mais à la base, Corbeil c'était différent de Grigny. On aurait pu se rapprocher d'Evry, mais on n'aimait pas se mélanger. Ça nous a un peu freiné, mais c'était l'esprit. Au final ça a explosé .Quelque part, on savait qu'il fallait rester comme ça.

Bizon : On a eu plein d'opportunités, avec le label Nouvelle Donne, bien avant les Disiz ou autres, ils voulaient nous signer, on avait refusé poliment parce qu'on bossait déjà entre nous. Par la suite on a bossé avec un frère d'Evry, Ousmane, ça a débouché sur la compilation L'Univers des Lascars.

Mental : Charly et Lulu nous appelaient sur nos portables pour qu'on passe à Hit Hachine ou je sais pas quoi, nous on voulait débarquer à 10 [ Rires] ! Pour eux c'était mort, donc on a dit non.

Bizon : Après y'a notre histoire personnelle : à deux doigts de percer, on a été rattrapés par la vie. Ça c'est un sujet qu'on aimerait développer via un film ou autre, parce qu'il y a plein de choses à raconter.

Là on est fin 90-début 2000 ?
Mental : 98, 99 par là, ouais.

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Bizon : Y'avait aussi un remix avec Pit Baccardi qui était une star à l'époque, tout était lancé, ça s'est pas fait au final.

Mental : Question de mentalité.

Bizon : Faut préciser que PNL, quand ils ont vraiment pété le score, le plus jeune avait 26 ans. Il était plus mature que nous à l'époque. Au moment où on nous a proposé tout ça, on avait à peine 20 ans. Forcément, tu penses pas pareil.

Mental : On n'était pas assez dans l'optique business. Les gens autour de nous nous étaient dans des projets beaucoup trop street, pas vraiment carrés. L'Univers des Lascars c'était ça.

Bizon : Il y a eu des histoires obscures d'argent, des problèmes de paiement…

Mental : On a continué par amour du truc. C'est vrai que comme tu disais, la distance joue aussi contre nous. Des gens disent que Corbeil c'est loin [ Sourire]. Ils voient ça de trop loin, après Corbeil y'a plus rien. Et nous, de notre côté, on était dans des sales histoires, violence, des embrouilles, que de la bagarre… Même avec nos voisins, Grigny et Evry, y'avait pas trop de combinaisons de cette époque, parce qu'on était en guerre avec eux. Après ça s'est calmé, on a essayé de s'ouvrir, faire des trucs avec Disiz, Ol Kainry… On grandit, on n'est pas non plus des sauvages. Tu as pu nous voir sur un morceau avec Alkpote, etc.

Bizon : C'est clair qu'à l'époque, tout le monde vivait en trois dimensions, mais nous ici on était en 1D [rires]. Complètement fermés.

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Si je comprends bien, une signature en maison de disque, c'était inimaginable ?
Mental : Quand on est allés frapper à leurs portes, plusieurs fois des D.A m'ont demandé explicitement de faire des feats avec des têtes de villes voisines, juste pour la notoriété. C'est aussi le genre de trucs qui t'énerve…

Bizon : Because par exemple c'était ça. Et je les soupçonne même d'avoir plagié un morceau à moi mais tranquille. Je viens, je fais écouter mon album, le D.A et son collègue accrochent en particulier sur un son, « Public ». Un mois plus tard Sefyu sort le morceau « Mon Public ». Et au-delà de ça, ils reparlaient encore de faire des trucs avec Eloquence, Disiz, etc. On vient, on te propose notre musique, pourquoi tu nous parles direct d'autres artistes ? C'est relou.

Mental : C'est vrai aussi que le contenu de nos morceaux est violent, pas trop de trucs club. Rien de très grand public. À l'époque on était dans le dur.

Bizon, tu as une particularité par rapport au reste des rappeurs du quartier, je ne sais pas si c'est une question d'âge mais il t'arrive de faire des morceaux plutôt engagés comme « Migrants ».
Bizon : J'ai fait ça parce qu'on est dans le concret. Avant de faire le morceau je suis parti là-haut, à Calais. Jungle, boue, 5000 personnes, c'est hardcore. On me demande des habits, des draps, des chaussures. Je fais plusieurs voyages. Ensuite je me dis que ce serait bien de montrer cette réalité à l'image, d'où le clip. C'est passé inaperçu, les gens s'en battent les couilles. J'aime les trucs un peu engagés, réfléchis. C'est même pas une question d'âge parce que vers l'âge de 10 ans, dans « A faire et à refaire », on parlait déjà de politique.

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Mental : C'est plus une question d'époque. On avait des références différentes, aujourd'hui un jeune va te parler plus naturellement de chicha que de politique.

Et le côté « fermé » dont on parle beaucoup, il s'est arrêté à un moment non ?
Bizon : Oui. Mental a fait Les By de, moi j'ai fait Hard Bling Dynamite, Street Résurrection, c'était des « street-dvd » comme on disait à l'époque, et on a invité tout le monde dessus, de Kamelancien à Joe Lucazz, en passant par Sefyu et Stomy… Pour le dvd on avait même Jim Jones.

Mental : Faut savoir qu'il y en a plein qu'on croisait au quotidien, comme les 2 Bal ou les mecs de la Mafia K'1fry : Mokobe, Manu Key. C'est des gens qui écrivaient leurs textes, on était à côté mais les gens sont pas au courant parce qu'on n'a rien fait d'officiel ensemble. On a des feats avec Les 2Bal qui datent de 97 et qui sont pas sortis, etc. Des souvenirs de freestyle à la maison de quartier des Tarterêts avec Manu Key, on avait 12 ans. Solaar pareil, un grand d'ici a posé sur son album 5 e As [ il fait référence à Don Xeré Delavega sur « HIPHOPALOORAP »]. On voulait pas faire les opportunistes.

Aujourd'hui, quand on parle de rap des Tarterêts on pense direct au côté planant, autotune, etc. On pourrait croire qu'il y a une grosse rupture avec votre style, mais pas vraiment.
Bizon : Je me considère comme un artiste, je donne des idées au beatmaker, je réalise mes clips, si je veux chanter va forcément y avoir une partie avec un peu d'autotune vite fait. Je me lance des défis : pourquoi pas une sonorité dance hall, une sonorité cubain-salsa, et une du bled, Congo ? Trois sonorités différentes, essayer d'en faire des bons morceaux, me mettre en difficulté. Y'a ceux qui sont coincés dans un flow à l'ancienne, mais qui ne peuvent pas poser sur les prods actuelles. Nous, on était influencés par Redman, c'était bien, mais les mecs de maintenant sont influencés par d'autres modèles, et c'est pas un problème. Le seul truc que je trouve relou, c'est les gens qui racontent de la merde au micro. Ça a jamais été aussi facile de poser que maintenant : tu peux faire 4 phrases et en sortir un couplet, avec les silences, les échos et les ponts, les répétitions trap, franchement ça va. On a commencé en bas d'un bâtiment avec un pote qui faisait du beat box, c'était chaud ! Aujourd'hui, tu te régales.

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Mental : On est très hip-hop en fait, et le hiphop ça évolue en permanence, donc si tu commences à vouloir rester figé dans un style, c'est très contradictoire. Il y a toujours une continuité.

Comment le hiphop débarque aux Tarterêts, vous vous en souvenez ?
Mental : Les Tarterêts c'est comme si tu avais une ville dans la ville. On oublie presque que c'est juste un quartier. Il y a plusieurs équipes, plusieurs endroits clés, etc. Chacun a son délire.

Bizon : T'avais les équipes de voleurs, les équipes de bagarreurs, et aussi les artistes, les sportifs. Nous on était un mélange des deux, artistes et bagarreurs.

Mental : Moi j'étais DJ quand j'étais petit. On était petits mais on suivait.

Bizon : On rappait à 12-13 ans, on s'incrustait avec les grands.

Mental : La musique a toujours été au cœur du Zoo. Seulement les gens ne peuvent pas le savoir parce que ça ne sortait pas à l'extérieur. On a fait tellement d'albums qui sont jamais sortis. Même les Kery, Rohff, Rim'K et Booba, ils savent.

Bizon et Mental

« Ton rappeur préféré parle du Zoo dans ses ceaux-mor », c'est toi qui rappe ça dans ton feat avec PNL sur « De la fenêtre au ter-ter ».
Bizon : Exact. Je parle des Booba, Rohff, etc. Ils nous connaissent, ils placent parfois des petits trucs par rapport aux Tarterêts, et c'est toujours par rapport à la réputation du quartier.

Mental : Et puis c'est un quartier avec une histoire. Maire milliardaire, avec tous les fantasmes et la corruption que ça engendre… Là tout ce qu'on raconte c'est même pas le millième de tout ce qu'il y aurait à dire.

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Vous avez pu profiter un peu de tout ça ou même pas ?
Bizon : On était trop gamins : bagarres et concerts. Des mecs plus âgés et rusés ont beaucoup encaissé, par contre.

Mental : Nous, on a eu le studio au milieu du quartier, entièrement financé par monsieur le maire. La compilation Galactik Beat et d'autres trucs ont été faits là-bas. J'étais le responsable du studio avec un pote. On l'a fait danser le maire, nous. Avec un micro, on l'a fait danser. Les gens étaient surpris [ Sourire].

Concrètement, l'évolution du secteur vous la voyez comment ?
Mental : Franchement, ça s'arrêtera jamais. La violence des petits entre eux, y'a encore eu un mort y'a quelques temps… C'est ancré. On essaie de stopper ça parce qu'on a pris de l'âge mais c'est difficile. C'est trop gratuit, ça part en couilles, y'a pas d'argent ou de drogue derrière, c'est gratuit.

Bizon : Paradoxalement, ça regorge de talents, mais c'est tellement chaud que c'est presque mission impossible d'organiser ne serait-ce qu'un concert dans la ville, ça va partir en couilles. Même la chanteuse Atheena alias Maguette Niang, elle vient de chez nous. La ville l'a jamais vraiment mise à l'honneur, pourtant maintenant c'est une artiste internationale !

Bizon : On est arrivés à la fin des gangs, les bandes d'ici c'était les Fight et les Félins. Fin 80, début 90, c'était la fin de la chasse aux skins. Peut-être que notre goût pour la bagarre vient directement de cette influence là d'ailleurs.

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Mental : Nos après-midi, c'était ça. On se voit deux heures dans un bâtiment, on s'enferme et on se péta. Après on partait, on allait rapper. C'était spécial.

Bizon : On appelait ça le jeu de jambes. On se donnait rendez-vous et on avait droit seulement aux coups de pieds, genoux, jambes.

Mental : C'était un délire, après on se serrait la main, on se captait à l'école ou au foot.

Mental

Ah ouais… C'était le Fight Club avant l'heure.
Mental : C'est parce qu'on était trop dans le quartier en vérité. On est quoi ? 16 000 aux Tarterets ? C'est trop. Les keufs rentraient pas. Des mecs d'Evry ou autre, quand ils étaient pris en course-poursuite avec les flics, ils venaient chez nous. Ils savaient que les flics les lâcheraient avant. Tu vois, y'avait une rue qui s'appelait la rue de la mort. Là, ils faisaient demi-tour. Et puis c'était construit de façon à ce que tu rentres dans un bâtiment et tu pouvais ressortir presque à l'autre bout, c'est vraiment ouf.

Bizon : En fait, y'avait une seconde vie au sous-sol. En passant par en bas, tu pouvais tout esquiver et ressortir de l'autre côté complètement. Tous les souterrains des Tarterêts, c'est comme un second quartier.

Mental : On s'est trop amusés avec ça quand on était petits. Les keufs pouvaient strictement rien faire. Y'avait des endroits sombres, même nous on avait peur d'y aller. Tu descendais au -3, -4, t'ouvres une porte, tu vois que de l'obscurité frère [ Rires]. Corbeil c'est une ville classée comme ils disent, avec des découvertes archéologiques et tout. On parlait de « nuage noir », nous.

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Bizon : C'était notre façon de dire qu'on pensait qu'on était maudits. Des super joueurs de foot qui n'ont pas de carrière, des mecs qui font des longues études et qui font rien, des putains de rappeurs talentueux qui percent pas… Le nuage noir.

Ça me fait beaucoup penser à ce que disent les rappeurs de Grigny, et pareil, leur ville est construite sur une nécropole…
Mental : C'est très possible, même si je les connais pas trop, ça a l'air d'être un peu ça.

Bizon, tu es toujours actif, tu as sorti le projet IKI récemment, c'est quoi ton rapport au rap après toutes ces années ? Parce que tu t'appliques pour obtenir des albums propres.
Bizon : Hmm… Ouais, quand même. Même juste en terme d'image, j'en ai clippé plein des morceaux. Ils me coûtent mes projets [ Rires] Mais sinon j'ai un club de MMA, je suis éducateur au service jeunesse, je m'occupe des petits… Le soir, je fais de la sécurité. Le rap me rapporte pas d'argent. Il me doit des thunes plutôt [ Rires]. C'est un luxe, un truc de bourgeois : un son te revient à 400 balles avec le clip, etc.

Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération ?
Bizon : Les petits sont chauds, mais nous aussi à l'époque. On avait peut-être un peu plus de principes, grâce à nos parents. Là, même les parents sont dépassés. Les jeunes, je me revois dans leur insouciance, le côté je m'en bats les couilles. La différence c'est qu'ils sortent pas du tout du quartier. Ou alors juste dans Corbeil même, pour des embrouilles. Mais ils ont pas le côté vaillant de notre époque où tu débarquais dans une autre ville ou sur Paris pour régler tes problèmes. Ils font plus de tête-tête non plus, c'est tout en groupe. Alors que nous, bon, c'était plus rare. En fait, même quand tu te déplaçais en équipe, c'était très « duel ». On se retrouvait avec les mecs de Grigny, d'Evry, de Paris ou d'ailleurs, tous en ligne, face à face, vers le quartier des Epinettes, très souvent. On faisait des one-one. Tu t'en souviens Mental, c'est là qu'un mec avait sorti un sabre, tout ça, tu l'avais arraché. Bref… [ Rires] Mais y'avait des principes. Là, ils sont passés à la vitesse supérieure.

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Mental : D'un côté faut pas jouer les grands trop vite. Être mort pour rien à 16 ans, ou finir handicapé… C'est moche. Ils voient que le court terme, pas plus loin. C'est pas ça la vraie vie.

Mental

Côté musique, il y a une filiation directe entre vous et les plus jeunes que ce soit F430, S-Pion, et même MMZ ou PNL : contrairement à la plupart des rappeurs, vous êtes rarement dans la glorification. C'est plus « blues du voyou pauvre » que « on veut des Porsches et des putes ».
Mental : C'est vrai, ils ont un peu gardé ce côté-là. Nous dans nos textes on va jamais glorifier la drogue, la violence. Parce qu'on sait vraiment ce que c'est, pour de vrai. Donc on va pas s'amuser à conter ça pour engrainer les petits. Les mères, les familles, tout le monde se connaît dans le quartier. Le rap et la vie, c'est deux choses différentes. C'est vrai que même la nouvelle génération, ils ne mettent pas tant que ça en avant le côté « on est des fous, on vient des Tarterêts, nous teste pas », alors qu'il pourrait jouer sur la réputation. Mais quand tu vis le truc, t'as pas envie de t'amuser avec. Ça c'est un gros point commun qu'on a tous, t'as raison.

Bizon : J'ai fait un morceau « N'appuie pas sur la gâchette ». Donc le message est clair, faut se tenir à l'écart de la violence. J'avais mis des petits du quartier dans le clip. Bah ça a pas loupé, y'en a un qui a fini appuyer sur la gâchette, plus tard dans sa vie. Le son « La mort ou la trahison » c'est tiré d'une histoire vraie : suite à une embrouille dans un quartier voisin où on s'était battus avec un mec, retour de flamme, on finit par se faire tirer dessus lors d'un concert et un grand de chez nous a été touché. C'est la preuve par l'exemple que ça mène à rien. Même l'ensemble de mon précédent projet Silence des agneaux, c'est un concept autour de la prise de parole, des paroles qui marquent. « Esmeralda » c'est l'histoire d'une fille qui a toujours été discrète, silencieuse, mais les gens lui ont fait une sale réputation, et vu qu'elle ne parle pas, elle finit par se suicider. « Elle rêve », c'est parti d'une institutrice qui m'avait dit « toi tu vas aller en prison », sur le coup t'es trop petit pour comprendre, mais après t'y repenses et ça te marque.

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Il y a toujours ce côté lucide en fait.
Mental : On peut pas mentir, faut rester fidèle à ce qu'on a vécu.

Bizon : On regrette rien, et artistiquement on n'a rien à envier à personne. Il y a des carrières dans la lumière, d'autres dans l'ombre, c'est pas grave.

C'est marrant, vous avez un discours qui se rapproche un peu de celui d'Alpha 5.20.
Mental : On le connaît très bien, il nous dédicaçait souvent. La vérité c'est qu'on se côtoyait même si sur disque on n'était pas ensemble à collaborer artistiquement.

Bizon : Y'a toujours eu un respect. Même à l'époque des mixtapes et des dvd, il les mettait toujours à son stand aux puces, il soutenait. C'était un peu la même mentalité que nous, on se comprenait.

Mental : Y'en a plein dans le rap, qui percent et qu'on a connus.

Bizon : Y'a tellement d'anecdotes. Youssoupha, quand il est venu enregistrer, concrètement des petits de chez nous qu'on citera pas, sont arrivés et voulaient poser avec lui sauf qu'il avait pas le temps. Du coup ils voulaient plus le laisser partir lui et son équipe. C'est nous qui les avons faits sortir, parce que c'était pas bien de faire ça : au bout d'un moment ça suffit. Seth Gueko quand il est venu enregistrer, il était pas très serein non plus, mais quand il m'a vu, il était rassuré, c'était carré. Mais attention : d'autres ne sont carrément pas venus, ils voulaient pas venir ici et l'ont dit clairement. Rim'K et Kery, pour la compil Galactik Beat, ils ont dit qu'ils voulaient bien poser, mais qu'il enregistreraient de leur côté. Et en même temps faut comprendre aussi : à un moment Intouchable, toujours Mafia K'1fry, ont fait un concert, y'a eu une embrouille qui n'avait rien à voir, ça a tiré, ils étaient en panique.

Mental : Ça a fait une très mauvaise réputation tout ça, ça a fait du mal. Après c'est normal que les rappeurs hésitent à venir et ça isole la ville encore plus.

Maintenant que Dassault n'est plus là, vous voyez des changements à votre échelle ou…
Mental : Il est plus là, mais son esprit hante encore le tieks [ Rires]. Il a mis son gars à lui de toute façon, c'est lui le successeur.

Bizon : Il est toujours là pour appuyer sur les boutons, pour les décisions importantes.

Mental : Ça a causé beaucoup de dégâts, son passage à la mairie. Il y a eu tellement d'histoires et tellement d'embrouilles, d'affaires illicites… et paradoxalement, de bonnes choses aussi. La question qu'on s'est toujours posée c'est : pourquoi il a choisi Corbeil ? Yérim Sar est sur Noisey.