Le monde entier ignore son existence : l'izikhothane d'Afrique du Sud

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Le monde entier ignore son existence : l'izikhothane d'Afrique du Sud

Ce qui a démarré en 2010 sous forme de battles de danse entre des groupes de gamins qui bougeaient sur les rythmiques lourdes de house sud-africaine et de kwaito, donne désormais lieu à de choquants étalages de richesses entre crews.

Il y a quelques mois, alors que je me dirigeais vers la plage de Cape Town, en Afrique du Sud, deux adolescents sont passés devant moi en marchant fièrement. Tous deux portaient des chemises en soie avec des motifs floraux ultra voyants, des jeans orange, et des mocassins en cuir brillant : imaginez Jazzy Jeff dans un publireportage de Versace en 1993. Mais c'est pas leur goût pour la sape qui a attiré mon attention. Mes yeux se sont instantanément dirigés vers leurs poings, refermés sur une grosse liasse de billets qu'ils tenaient comme s'il s'agissait d'un jeu de cartes. Les deux gars faisaient admirer leurs billets en se dirigeant vers le centre-ville, feignant de se rafraîchir avec un éventail de biftons au plus chaud de l'été sud-africain.

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Ils appartenaient à une sous-culture connue sous le nom de izikhothane (un terme Zulu qui signifie « fanfaronner » ou « frimer ») qui rencontre un grand succès parmi les jeunes Noirs des townships d'Afrique du Sud. Ce qui a démarré en 2010 sous forme de battlesde danse entre des groupes de gamins qui bougeaient sur les rythmiques lourdes de house sud-africaine et de kwaito, donne désormais lieu à de choquants étalages de richesses entre crews. Avec des noms de gangs comme The Overspenders [les surdépensiers] et FBI (Full Blooded Italians [Italiens pur sang], en référence à leur goût pour les marques de luxe), des groupes de jeunes rivaux prennent part à la destruction publique ostentatoire et cérémonielle de leurs biens de valeur. Ils dépensent des milliers de rand [des centaines d'euros] dans des costumes haute couture pour ne les porter qu'une fois avant de les réduire en charpie. Ils piétinent du KFC et de la crème anglaise [tous deux vus comme de la nourriture de luxe par les Noirs qui vivent dans les townships] sous les yeux d’enfants affamés. Ils mettent le feu à des billets de 200 rand, et comme on pouvait s'y attendre, ils prennent des photos de toute la cérémonie avec leurs portables avant de les poster sur Facebook. Du remplissage de l'arrière d'un pick-up avec de l'eau et du gel douche pour faire une soirée mousse aux smartphones passés sous le robinet, les groupes Facebook consacrés à la culture izikhothane offrent une impressionnante quantité d'images de ces étalages de richesse et de destruction des plus obscènes.

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Cette sous-culture sud-africaine semble également être une forme de mutation de la culture hip-hop américaine, une culture qui compte sa part d'étalage arrogant de richesses. Mais le fait qu'il s'agisse d'enfants noirs nés dans l'Afrique du Sud post-apartheid et qui viennent des coins les plus pauvres du pays – un pays où les inégalités sont les plus fortes à travers le monde – donne a toute cette histoire une saveur plus désagréable encore que l'écoute de Drake quand il raconte qu'il porte toutes ses chaînes en même temps, même quand il est chez lui.

Pourtant, au-delà du côté choquant de leur mode de vie nihiliste et décadent, ces enfants comprennent probablement mieux que beaucoup d'autres la valeur de l'argent. Ils grandissent dans des cahutes faites de carton et de tôle ondulée, sans eau ni électricité, où il faut chaque jour lutter pour survivre. L'Afrique du Sud post-apartheid a encore beaucoup de progrès à faire en ce qui concerne sa capacité à offrir à ces jeunes les chances que leur promettait le Congrès national africain. En replaçant l'izikhothane dans son contexte, on a l'impression que ces jeunes hommes et femmes ont créé une hyper-réalité pour eux-mêmes, rejetant le style de vie misérable des townships pour gagner en notoriété à travers un étalage insensé de richesses, suivi de leur destruction. D’un extrême l’autre.

Jamal, qui a pris les photos pour cette article, voulait dire un mot sur l'izikhothane : « Je fais partie d'une groupe d'artistes qui s'appelle Cuss, on travaille sur un épisode de la websérie Johannesburg, et ma contribution à l'épisode, c'était une petite vidéo en réponse à la sous-culture izikhothane.J'ai pris quelques photos pendant que je tournais la vidéo. Une grande partie de la sous-culture izikhothane s'appuie sur l'arrogance et j'ai été victime de cet état d'esprit, c'était parfois assez embêtant. Mais en même temps, c'est cet état d'esprit qui rend leurs compétitions captivantes. »

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Vous pouvez écouter et télécharger des sons izikhothane, ici.

Nabihah fait de la musique électronique aux influences sud-africaines sous le nom de Throwing Shade. Écoutez ça, ici.

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