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Tribune

Je suis surveillante dans une prison pour hommes

Si c'est un boulot qui ne fait pas rêver, il n'est pas aussi horrible que ce qu'on pourrait en penser.

La journée commence toujours par le même rituel : l'appel. Elle est ensuite rythmée par les différents mouvements quotidiens qu'il peut y avoir dans une prison : les promenades, les activités, les rendez-vous à l'infirmerie, les parloirs, les détenus qui partent à l'atelier pour travailler, sans oublier la distribution des repas et du courrier.

J'ai 26 ans, je m'appelle Laura* et, depuis quelques mois, je suis stagiaire surveillante pénitentiaire dans une prison pour hommes.

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Rien ne me prédestinait à exercer ce métier. Alors que je venais d'obtenir mon baccalauréat STG, l'opportunité de passer le concours de gardien de la paix-surveillant pénitentiaire s'est présentée. Tous les surveillants pénitentiaires suivent une formation à l'École nationale de l'administration pénitentiaire, à Agen, accessible après un concours interne. La formation dure huit mois et propose différents cours et ateliers – self-défense, psychologie, sport et autres. Nous sommes aussi formés dans un bâtiment de simulation (un bâtiment qui représente des cellules), accompagnés d'acteurs jouant le rôle de détenus qui nous confrontent à des situations auxquelles on pourrait faire face. Deux stages sont nécessaires pour valider le concours final : un stage de découverte du milieu carcéral et un autre de mise en situation. J'ai choisi cette voie car je voulais un métier dans lequel je serais physiquement active ; je ne voulais pas rester derrière un bureau toute la journée.

J'ai dû formuler des vœux pour choisir la prison dans laquelle je souhaitais exercer mes stages. Je voulais à tout prix éviter des prisons surpeuplées comme celle de Fleury-Mérogis. Je pense que le travail n'est pas du tout le même et la gestion des détenus y est beaucoup plus compliquée.

En milieu carcéral depuis maintenant quelques mois, mes journées sont régulées par un planning bien précis. Du lever au coucher, j'accompagne et surveille les détenus au cours de leurs déplacements et pendant leurs différentes activités. Mes horaires de travail varient selon les semaines. Quand on bosse de nuit, on alterne entre les rondes et les relèves au mirador.

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Dans la prison dans laquelle je travaille, les cellules sont destinées à quatre personnes mais n'en comptent parfois que trois. Il y a toutes sortes de détenus : des criminels, des dealers, mais aussi des pédophiles qui purgent une peine plus ou moins longue en fonction de la gravité de leurs délits. Les tueurs et les voleurs à l'étalage cohabitent. Personnellement, je préfère ne pas savoir pour quelle raison ils ont été incarcérés. Cela me permet de les traiter tous de la même manière, quel que soit le délit qu'ils ont commis. Par exemple, il y a quelques jours, un tueur en série passait le balai à côté de moi, à la blanchisserie. Je l'ai salué normalement en ignorant qui il était. Un collègue m'a mis au courant seulement quelques heures après. Entre collègues, nous ne nous appelons jamais par notre nom devant les prisonniers, par mesure de sécurité. Les pédophiles sont mis à l'écart des autres détenus. Ils sont les premières victimes en milieu carcéral et certains n'osent même pas sortir en promenade par peur de se faire lyncher.

En prison, on remarque immédiatement qu'il y a des « leaders » et des « suiveurs ». Certains tempéraments ressortent. On ne voit pas clairement les trafics qu'ils peuvent mener, même si on en est conscients qu'il peut y en avoir. Les détenus sont malins et ont de très bonnes planques. Si on les surprend en flagrant délit, on doit en rendre compte et prévenir notre hiérarchie afin qu'une fouille soit organisée dans la cellule du coupable. Le plus souvent, lors des fouilles, on retrouve des téléphones, du shit ou des clés USB – mais huit fois sur dix, ce qui est recherché n'est pas trouvé. Si un détenu se fait choper en possession de l'un de ces objets, on l'envoie au quartier disciplinaire. Le quartier disciplinaire regroupe plusieurs petites cellules individuelles. La durée de détention dans ce quartier dépend de la faute commise. L'équipement y est limité au minimum vital : un lit, un lavabo, des toilettes et une petite table. Le détenu ne sort de cette cellule que pour prendre sa douche et n'a le droit qu'à une heure de promenade par jour qu'il effectue dans une petite cour individuelle. Le parloir et les appels téléphoniques sont chacun réduits à un par semaine.

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« Certaines se sont déjà laissées charmer et ont succombé, jusqu'à avoir des rapports sexuels avec les détenus. »

Lors des fouilles, il m'est parfois arrivé de faire face à des situations délicates à gérer. Une fois, un détenu a essayé d'agresser l'un de mes collègues avec une fourchette. Je suis intervenue, on a réussi à le mettre à terre et on a appelé du renfort, avant de prévenir notre supérieur hiérarchique.

Nous devons avant tout faire attention à la sécurité des détenus. Certains sont plus fragiles que d'autres et peuvent subir des pressions. Quelques-uns ont déjà tenté de se pendre aux barreaux de leur cellule avec leurs draps. Dans d'autres prisons, les tentatives de suicides sont malheureusement beaucoup plus fréquentes.

J'ai été surprise de voir certaines choses se dérouler au parloir. Pour rencontrer un prisonnier, les amis, la famille, doivent obtenir un permis de visite. Certains permis prévoient un nombre limité de visites, d'autres sont permanents. Outre les disputes et les insultes que l'on peut entendre, j'ai déjà surpris une femme enjamber un détenu et coucher avec. De nombreuses femmes attendent pour le parloir : des conjointes, des sœurs, des mères mais aussi des prostituées qui se font passer pour les femmes des détenus. Certains ont le droit à des parloirs privés, une salle minuscule où ils se retrouvent à deux. Le surveillant peut se ramener à n'importe quel moment et surveiller ce qu'il se passe par la porte vitrée. En général, les rapports sexuels ont lieu sur la table des parloirs privés. Des bébés sont conçus en prison chaque année alors que, en théorie, le sexe y est interdit.

Je n'ai jamais eu de soucis particuliers dus au fait que je sois une femme. Je pense que ce n'est pas qu'une question de sexe mais plutôt de tempérament. Bien sûr, certains nous font parfois des compliments voire des avances, mais il suffit généralement de les recadrer. Toutes les surveillantes ne sont pas aussi fortes psychologiquement. Certaines se sont déjà laissées charmer et ont succombé, jusqu'à avoir des rapports sexuels avec les détenus. On les côtoie tous les jours et l'attachement n'est pas inévitable. Je pense qu'une femme dans un centre pénitentiaire apaise l'atmosphère car il existe souvent un rapport de force entre hommes qui n'existe pas dans une relation homme-femme.

Je ne ressens aucune crainte vis-à-vis de mon métier ; je ne vais pas au boulot avec une boule au ventre. Si c'était le cas, j'aurais arrêté immédiatement. Je n'oublie cependant pas qui sont les gens auxquels je fais face. Mais si tu as peur, le détenu le ressentira. Pour l'instant, je suis heureuse dans mon boulot.

*Le nom a été changé

Anthony est sur Twitter.