Caillasser des CRS à Rennes

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Caillasser des CRS à Rennes

Nuit d'émeute anti-FN sur la place Sainte-Anne.

photos : Gaspard Glanz / Rennes TV

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Samedi 8 février à 18h30, deux appels au rassemblement avaient été lancés pour protester contre la tenue d’un meeting du FN dans la salle de la Cité, à Rennes.

Syndicats et partis politiques – Front de Gauche, Solidaires, Sud… – avaient appelé au rassemblement place de la Mairie. Le rendez-vous antifa, diffusé sur les réseaux sociaux par le Collectif antifa rennais, nantais et brestois, était quant à lui place des Lices.

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Les deux rassemblements s’opposaient à la tenue d’un meeting du FN dans la salle de la Cité : cet endroit est symbolique pour les Rennais ; baptisé la « salle du Peuple », il a été le haut lieu de l’histoire ouvrière et syndicale rennaise, la maison mère de la CGT au XXe siècle. Que le meeting du FN ait lieu là-bas, un samedi soir à 20 heures, en plein cœur du quartier étudiant, a été vécu comme une provocation, comme en témoigne le communiqué de Daniel Delaveau, l’actuel maire de Rennes.

Pour bien comprendre la situation, il faut connaître le contexte rennais : dans cette ville où les gauchistes sont très largement majoritaires et où le FN n’a qu’une très faible implantation, c’est la première fois que le parti à la flamme tricolore présente une liste aux élections municipales, menée par Gérard Mellon.

J’ai rejoint le rassemblement antifa à 18h30 sur la place des Lices. Une centaine de personnes étaient présentes. Les CRS faisaient le tour de la place et vidaient les sacs, confisquaient les armes potentielles qu’ils y trouvaient. Les manifestants de la place de la Mairie ont progressivement rejoint les manifestants place des Lices.

À 19 heures, la nuit était tombée, le vent s’était levé et la pluie a commencé à s’abattre sur la place, où s’étaient réunies entre 500 et 600 personnes. Soudain, une partie des manifestants s’est équipée pour se transformer en black blocs : masques de ski, pulls à capuche, cagoules, écharpes… En quelques minutes, une centaine de soldats en noir, armés de marteaux, de bâtons, sont apparus comme par magie parmi la foule.

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Le cortège s’est ébroué et s’est d’abord dirigé vers la place de Bretagne, dans le but d’atteindre le siège de campagne du FN, boulevard de la Tour d’Auvergne. Sur la route ont eu lieu les premiers affrontements avec la police. Les poubelles ont volé. Les CRS abrités derrière leurs boucliers ont formé plusieurs lignes afin de bloquer la rue au cortège de protestataires menés par les black blocs. Derrière eux, une vingtaine de camions, gyrophares allumés, attendaient en renfort. Les antifas ont chargé les gendarmes. Pendant deux à trois minutes, manifestants et CRS se sont retrouvés au contact, échangeant coups de matraque contre coups de bâton. Les gendarmes sont parvenus à faire reculer les manifestants à coups de grenades assourdissantes et de gaz lacrymo. Ensuite, ils ont chargé, et les ont repoussé 100 mètres plus loin, sur la place de Bretagne.

Décision a été prise par les manifestants de se diriger vers la salle de la Cité. Ils ont fait demi-tour en direction de la place Saint-Anne. Sur la route, ils ont arraché le mobilier urbain, les pavés, dont ils ont rempli des caddies et des bennes. Le long du chemin, les vitrines des agences immobilières et des banques ont été systématiquement brisées. Les vitrines des commerçants, elles, ont été épargnées.

Le cortège est passé dans la rue Saint-Michel, surnommée « la rue de la Soif » par les jeunes Rennais, et les manifestants ont scandé : « Saint Michel, avec nous. » Plusieurs dizaines de clients des bars se sont sentis concernés par l’appel et ont quitté leur bière en terrasse pour renforcer le cortège, poing levé.

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Aux alentours de 20 heures, soit le début théorique du meeting du FN, les manifestants ont atteint la place Sainte-Anne en travaux, du fait de la construction d’un nouveau métro. Les antifas se sont affrontés aux CRS qui protégeaient le meeting derrière des barrières métalliques. Ils les ont harcelés à coups de fusées, de pavés et de pétards. Au premier pétard, les CRS ont ouvert le canon et la lance à eau. La foule a reculé, mais les Bretons, habitués à la flotte, se sont immédiatement rapprochés pour continuer à caillasser. Deux ou trois cocktails Molotov très amateur ont été lancés, et sont tombés au sol sans péter.

Pendant une vingtaine de minutes, ça a été le chaos place Sainte-Anne. Les CRS tiraient de loin des lacrymo pour tenter de disperser les manifestants, et la confusion régnait. De leur côté, les manifestants s’attaquaient aux vitrines. C’est quand ils se sont attaqués à La Poste et au Commissariat de la place – qu’ils ont tenté d’incendier en brisant la vitrine et en jetant un cocktail Molotov à l’intérieur – que les gendarmes ont chargé. La compagnie de CRS a débarqué par le côté est de la place Sainte-Anne pour évacuer la place, en repoussant les antifas au nord. La baston a duré trois minutes, les barrières, les bouts de bois, les pavés de la place en chantier ont volé, avant que les antifas ne décident de battre en retraite rue de Saint-Malo.

Quatre personnes se sont retrouvées bloquées dans une impasse par les CRS, puis arrêtées. Les coups de matraque ont plu sur un manifestant à terre. Au bout de l’étroite rue de Saint-Malo, pour bloquer l’avancée de la police et protéger leur extraction, les antifas ont retourné une voiture et y ont foutu le feu, ce qui a effectivement bloqué l’avancée des gendarmes. Les black blocs se sont dispersés. Tout s’est passé en 30 secondes : les marteaux ont été jetés dans les buissons, les pulls noirs dans les poubelles, et les anarchistes se sont fondus dans la foule du samedi soir. Ils se sont évanouis dans la nature, aussi vite qu’ils étaient apparus. Aucune arrestation supplémentaire n’a été à déplorer.

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Le meeting du FN a pu se tenir le soir même, avec une petite heure de retard. À 21 h 30, les derniers protestataires avaient été dispersés par la police. Le meeting a eu lieu sous protection militaire, jusqu’à évacuation du dernier participant.

Ce niveau de violence dans les affrontements entre manifestants et CRS n’est que rarement observé à Rennes. Le bilan officiel établi par la préfecture fait état de 5 policiers blessés et de 4 arrestations. Par ailleurs, 2 militants ont été blessés par des éclats de grenades assourdissantes, 10 vitrines brisées, 2 voitures brûlées et la place Sainte-Anne a subi de nombreux dégâts. Les quatre manifestants arrêtés ont été relâchés lundi. Ils ne feront pas l’objet de poursuites.

Guettez la sortie de notre report vidéo de la manif, demain sur VICE.com