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Culture

Une interview de Michael Tully

Après la diffusion du trailer de Septien qui a été programmé à Sundance, j'ai décidé de me préparer un peu avant de parler au scénariste, au réalisateur et à l...

Après la diffusion du trailer de Septien qui a été programmé à Sundance, j'ai décidé de me préparer un peu avant de parler au scénariste, au réalisateur et à l’acteur principal barbu du film qui ne sont qu’une seule et même personne, à savoir Michael Tully. J'étais assez curieux de voir comment les critiques de Park City allaient réagir face à cette comédie d'horreur dramatique. Manohla Dargis l’a qualifié d’« amusant et excentrique ». C'est sympa, mais ça reviendrait au même de dire que la scène de sodomie de Délivrance est « un peu » perturbante.

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Septien a une structure en trois actes assez déroutante qui entraîne le spectateur dans les averses bucoliques du sud et l'hypnotisme des insectes bourdonnants.

Le cinéaste Jeremy Saulnier (Putty Hill) a filmé ça au 16mm, ce qui fait que les couleurs et les ombres ressortent magnifiquement bien. Les personnages principaux constituent un trio de frères isolés. L'un deux est un athlète qui s'appelle Cornelius (Tully) et qui revient dans la ferme familiale après vingt ans d'absence. Son grand frère est un artiste bourru et ventripotent, Amos (joué par l'acteur/peintre Onur Tukel). L'aîné, Ezra, (Robert Longstreet) est un type qui vacille entre la vulnérabilité et la rage et dont le complexe œdipien se manifeste par des TOC étranges. Tout le confort familial qu'on pourrait voir dans une réunion de trois frères adultes qui boivent des bières et se remémorent de bons souvenirs est effacé par le détachement de Cornelius, qui semble avoir transféré l'affection cynique réservée habituellement aux parents (les siens étant mystérieusement morts et/ou absents) sur ces deux losers, dont la quête existentielle semblait dépendre de son retour. On a tellement aimé ce truc qu'on est allés de suite parler à Michael quand le film s'est terminé.

Vice : Vous vous êtes senti obligé de vous faire repousser la barbe pour Sundance ? Si c'est le cas, vous auriez pu répondre à toutes vos interviews dans la peau de votre personnage. Et d'ailleurs, pourquoi est-ce que votre personnage avait besoin d'une barbe aussi imposante ?

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Michael Tully : Si je me suis fait pousser la barbe pour le film, c'était pour frimer. Ça n'avait rien à voir avec le personnage. C'est le même principe que le hustling sportif. C'est pour ça que j'aime parler de Septien comme étant le projet le plus idiot et le plus vaniteux de toute l'histoire du cinéma indépendant. Pour Sundance, je me suis rasé régulièrement pour m'affranchir du weirdo barbu du film.

Vous n’avez aucun remords, alors.

Quand j’ai appris que la sélection de Sundance était une compétition de ping-pong opposant les cinq films participants les uns contre les autres, je me suis dit que j’aurais aimé avoir ma barbe. Mais la personne qui a programmé cette partie de ping-pong ne devait pas penser à notre film. J'ai dû abandonner après avoir remporté haut la main le pile ou face afin d’aller à la première mondiale du film. Peut-être que les autres équipes avaient vu Septien et ont payé quelqu'un.

D'ailleurs, vous n'avez pas prévu de faire un film sur le ping-pong ?

Si. Je rêverais de faire une comédie dramatique des années 1980 qui s'appellerait Ping-Pong Summer. Ce serait un mélange de Wild Style, de Karate Kid et de Gagner ou Mourir. Vu que c'est un truc d'époque, on va probablement avoir besoin d'un budget plus conséquent, et il faut que j'arrive à rassembler assez de thunes pour que ça se fasse…

On y reviendra. Qu'est-ce qui vous a donné envie de combiner les sportifs d'une petite ville avec l’ambiance des films d’horreur des années 1980 ?  Surtout dans le premier acte où Cornelius est présenté de façon ambiguë. Au début, je n'arrivais pas à savoir s'il tenait plus du Billy Hoyle ou du Michael Myers…

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Honnêtement, je ne sais pas d'où tout ça est venu. Je pensais que je n'aurais pas le courage de faire un film après celui-ci, et je voulais bourrer Septien de tous les genres et de toutes les influences que j'appréciais. Le but était de développer l'histoire naturellement, mais avec un voile de mystère. C'est seulement au milieu du film que je voulais montrer la souffrance de Cornelius. Mais ce n'était pas dans le but d'aliéner le public ou de le manipuler, c'était simplement pour faire un film marrant. Je ne pense pas que quiconque se risquerait à regarder le film deux fois, mais si quelqu'un le fait, il verra que le premier acte prend une tout autre dimension quand on se rend compte de la douleur de Cornelius. Et l'humour repose aussi sur un second visionnage, enfin j'espère. Le côté fourre-tout est une expérience personnelle. Je voulais voir si ma sincérité et mon engagement pouvaient permettre à mes influences diverses de ressortir unifiées.

Votre frère aîné dans le film, Ezra, est complètement fou. Je ne pensais pas que votre film serait aussi pervers. Parfois c'est presque angoissant, parce que Ezra marmonne quelques phrases que ma mère me disait quand j’étais petit. Quelle expérience Robert Longstreet (acteur/co-scénariste) et vous partagez avec les mères du sud ?

Robert vient de la Caroline du Sud. Je viens de Mt. Airy, dans le Maryland. Je n'ai pas rencontré la mère de Robert, mais je pense qu'elle vient du sud. Je ne qualifierai pas ma mère de « sudiste », mais certains dialogues sont inspirés de ma propre enfance, ou du moins des souvenirs que j'en ai. (« Pourquoi est-ce que tu es énervé et négatif comme ça ? Tu te rends compte que ce n’est pas du tout attirant ? ») Les mères sont comme ça, et elles resteront ainsi jusqu'à la fin des temps.

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Je vis actuellement à Brooklyn, mais comme je l'ai dit, je me sens plus proche des petites villes. Quand j'ai commencé à travailler avec Brooke Bernard et Ryan Zacarias de Nomadic Independence Pictures, on a décidé de tourner le film dans leur ville natale, Nashville. J'étais soulagé de voir que les alentours de la ville - notamment Whites Creek, où on a tourné - ressemblaient pas mal au lieu où j'ai grandi. J'espère que les gens ne voient pas ce film comme venant d'un hipster urbain qui se déguise, parce que dans mon cœur, je serai toujours un gros paysan.

Votre film est bien au dessus de ça. Cette année, les révélations de Sundance semblaient être l'actrice Brit Marling, et Robert Longstreet. Il était impliqué dans quatre films qui ont été bien reçus par les critiques (le vôtre, Take Shelter, The Oregonian et Catechism Cataclysm). Qu'est-ce qui fait de Longstreet un excellent acteur ?

En tant qu'acteur, Robert Longstreet a un don rare et inexplicable qui me donne envie de voir tout ce qu'il peut faire à l'écran. Peu de gens ont ce talent. Cela dit, c'est l'énergie et l'enthousiasme de Robert qui font que tout le monde veut travailler avec lui. En tant qu'artiste, aussi bien qu'en tant qu'individu, personne ne l'égale.

J'ai pensé à trois réalisateurs en regardant Septien : Jeff Nichols, pour le côté « frères isolés » qui m'a rappelé Shotgun Stories. Hormis le fait que Rachel Korine joue dans le film, l'expérimentation VHS et la scène de tennis m'ont fait respectivement penser à Trash Humpers et Gummo. Et la profondeur des sentiments que vous avez capturée dans la nature et les paysages humbles m'a évoqué les premiers films de David Green, qui se référait lui-même à Malick. Vous considérez ces types comme des influences directes ?

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Je n'ai pas honte de dire que j'ai une admiration profonde pour Nichols, Korine et Green.  C'est curieux parce que mes références littérales et mes inspirations viennent d'œuvres plus anciennes, comme L'Esprit de la Ruche, La Nuit du Chasseur, Nashville, Bad Ronald, Let's Scare Jessica to Death et ainsi de suite. Mais j'adore le travail de ces mecs, et c'est certain qu'ils ont eu un grand impact sur le genre de film que je voulais faire.

Quelle était la réaction de Green ?

Comme c'est un ami, il était très enthousiaste. Après avoir regardé la première version de Septien, il m'a envoyé un mail que j'ai conservé. Je ne le citerai pas mot pour mot, mais j'ai adoré sa description du film : « un mélange entre Greaser's Palace, Arizona Junior et Massacre à la Tronçonneuse ». Il m'a également dit que j'étais sur la même longueur d'onde que le monteur, Marc Vives.

Est-ce important pour vous, en tant que réalisateur, de créer de nouvelles images et de nouveaux tons ? Vu que vous écrivez pour Hammer to Nail, vous devez probablement regarder énormément de films indé. J'ai ressenti une urgence palpable dans Septien, presque une frustration.

Je pense que vous avez raison quand vous dites que ce film est né de ma frustration à jouer un rôle de « critique » pendant plusieurs années. À force de voir autant de réalisateurs ne jamais prendre de risques ou chercher un ton qu'ils ne maîtrisaient pas, j'ai fini par en avoir marre. Pour Septien, je me suis placée entre l'art et le divertissement, donc le plus grand défi de ce film était d'en faire quelque chose d'artistique sans me foirer. J'ai fait beaucoup de marathons au cinéma. Donc je savais que faire un film drôle qui avance très vite serait très apprécié par les nerds râleurs qui allaient assister à la séance.

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J'ai beaucoup rigolé devant la scène où vous volez de l'essence pour aller la sniffer dans la forêt. Vous n'aviez pas peur que la scène en question se rapproche trop de votre vie ?

Elle est pas drôle ta question, connard. Je n'ai jamais sniffé d'essence… mais il paraît que c'est une manière efficace de se défoncer.

C'est facile et pas cher. Vous buviez vraiment de la malt liquor quand on vous filmait ? C'est quoi votre marque préférée ?

Je carbure à l'Olde English 800. Étant donné que je ne suis pas acteur,  je ne suis pas vraiment un adepte de l'Actor's Studio, mais en ce qui concerne ce genre de scènes, je préfère m'investir. Je pense qu'il a fallu six prises, et je me descendais un grand verre à chaque fois. À la fin j'étais un peu bourré, mais il restait pas mal de boulot, alors on est passés à la scène suivante. Il y a aussi une scène de vomi dans le film, qui a été tourné un autre jour. Elle était réelle aussi, sauf que je n'ai pas vomi à cause de l'Olde English. C'est parce que j'avais bu deux litres de lait et mangé un sachet de moutarde. Un de seuls regrets que j'ai, c'est de ne pas avoir bu quatre litres. J'aurais dû pousser mes limites encore plus loin.

Où avez-vous trouvé le puzzle du film ? C'était un impératif pour vous de trouver le puzzle parfait ? Ça colle étonnamment à l'histoire et aux couleurs du film.

Ce puzzle est une réplique parfaite de celui que j’avais quand j’étais petit. J'avais une routine très zen, où j'écoutais des cassettes de rap en boucle en essayant de terminer le puzzle. Et quand on a eu l'idée de faire ce scénario un peu étrange, je me suis dit que ce serait intéressant d'intégrer des objets de mon enfance afin de voir si une profondeur subconsciente s'ajouterait au processus.

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L'histoire est racontée de quel point de vue ? Vous y avez pensé ? Ce film aurait considérablement perdu de son humour si on le voyait à travers les yeux d'un des frères.

On voulait s'assurer de ne pas avoir une perspective trop lourde avec notre caméra et notre façon de raconter. Pendant le montage, je voyais le film comme un de ces téléfilms pourris des années 1980. C'est vrai que si l'histoire était racontée du point de vue d'un des personnages, le film aurait été très différent de ce qu'on voulait faire. Une merde, peut-être.

Vous étiez criblé de dettes à cause de votre dernier film. Je me demandais si ça avait empiété sur votre créativité avant que vous décidiez de vous y remettre.

Je m'étais dit que je n'allais pas faire d'autre film avant de rembourser l'argent que je devais à cause de mes deux autres films (Silver Jew, Cocaine Angel). C'était pendant l'automne 2009. C'est marrant, parce que j'ai voulu m'y remettre juste après. Mais avec Septien, je n'avais pas appris de mes erreurs, et j'ai replongé dans des dettes stupides, encore une fois. Je savais que c'était un sacrifice à faire pour que ce film voie le jour. Et je dois remercier les producteurs exécutifs, Andrew Krucoff et Mr. Longstreet. Ils m'ont gentiment donné un chèque en m'assurant qu'ils comprendraient totalement s'ils ne revoyaient jamais la couleur de leur argent.

Quel conseil donneriez-vous aux enfants d'aujourd'hui en ce qui concerne les rêves d'Hollywood VS les cauchemars MasterCard ?

Chers enfants : le seul conseil que j'ai pour vous est de rester fidèles à vous-mêmes et de faire ce que vous voulez vraiment. C'est seulement ainsi que vous serez récompensés. Et même si ça n'arrive pas, vous aurez eu le mérite d'essayer. C'est le plus important.

Sauf que Septien a déjà remboursé ses frais de production cette fois-ci. Et maintenant, vous allez enfin gagner des thunes. Vous êtes d'ailleurs en train de tourner un nouveau film, Ping-Pong Summer.

Je sais qu'on va le tourner à Ocean City, dans le Maryland. Ce sera bien plus facile de recréer une ambiance années 1980 dans cette ville, vu qu‘elle a l'air d'être restée coincée dans une faille spatio-temporelle. Mon fantasme serait d'avoir une B.O. hip-hop du milieu des années 1980, mais c'est quasiment impossible d'obtenir les droits de ce genre de musique. Ma solution de secours - qui est potentiellement plus excitante - est de demander aux meilleurs artistes de hip-hop old school de recréer cette ambiance pour la B.O de PPS, un peu comme Top Shelf 8/8./88.