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Culture

Qui remplacera les hipsters?

L'heure est venue de faire notre deuil de cet archétype calomnié.
Illustrations : Alex Jenkins

Le hipster est mort. Les gars portent encore la barbe, mais tout le reste est dépassé ou n'est plus exclusif. Le terme hipster signifie maintenant « un nouveau truc que je ne comprends pas » ou « quelqu'un qui fait quelque chose que je ne fais pas. »

Si vous ne prenez pas de drogues, ceux qui le font sont des hipsters. Si vous ne conduisez pas de voiture électrique, ceux qui le font sont des hipsters. Les végétaliens sont des hipsters. Ceux qui adorent les barbecues sont des hipsters. Les gens qui portent des chapeaux sont des hipsters aux yeux de ceux qui n'en portent pas (qui sont aussi des hipsters).

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Le hipster était une cible facile : prétentieux, mal habillé, iconoclaste qui essaie trop fort. Ils étaient comme un petit frère en quête d'attention, mais sans faire grand-chose pour la mériter. Aujourd'hui, le terme hipster englobe un énorme ramassis de gars différents, certains inspirants, d'autre pas, connectés ou pas. Et l'heure est venue de faire notre deuil de cet archétype calomnié. Et comme on aime se faire remarquer de façon hautement compartimentalisée, déterminons les étiquettes sur lesquelles le monde pourra s'acharner dans les mois et années à venir, ainsi que, pour chacune, ce qui va et ce qui ne va pas.

Les cutesters

Les cutesters sont, pour faire simple, des adultes qui accordent trop d'importance à l'enfant qui réside en eux. En conséquence, ils sont très chiants. Comme nous le savons, l'infantilisation des adultes est une épidémie qui ravage la culture occidentale et n'a pas l'air près de s'arrêter. Ces apôtres du mignon sont des adultes qui achètent des livres de coloriage, regardent Cartoon Network et Adventure Time alors qu'ils n'ont pas d'enfants, vont à l'école pour apprendre à devenir adultes ou se rendent régulièrement dans des bars à céréales, des bars à chats, ou n'importe quel bar-concept proposant autre chose que des pintes de bière.

Ils se laissent aller dans leur mode de consommation et leurs activités; ce sont aussi des adultes avec des salaires et des loyers à payer qui commandent des châteaux gonflables pour leurs fêtes d'anniversaires.

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Le cutester n'a sûrement pas propension à se développer ailleurs que dans la Silicon Valley. Dieu merci, cette espèce est vouée à s'éteindre parce que l'homme est un loup pour l'homme et parce que c'est l'évolution qui nous le dit. Fini les obséquieux et les fans de Dora l'exploratrice pour nous dire que c'est cool d'avoir 25 ans et de posséder des peluches Bob l'éponge.

Les goths santé

Pendant un court moment, une page Facebook Health Goth a fait son apparition et on s'est tous demandé si c'était vraiment un truc. La réponse, malheureusement, est positive. L'esthétique Health Goth (est c'est un phénomène purement esthétique) se définit essentiellement par des vêtements de sport (joggings, coupe-vent et chaussures de course) tout noir, avec un semblant de couleur parfois, et des trucs brillants comme du néoprène ou du PVC.

Ce phénomène a-t-il autant de légitimité que le hipster ou cutester – c'est-à-dire est-il assez représentatif? Eh bien non, pas vraiment. Le Health Goth est trop transparent. Il n'existe pas vraiment dans l'esprit du consommateur. Dès qu'on lui a donné un nom, il est devenu une relique du passé; ainsi est la nature de la #Mode et du #Cool. Il n'attirera sûrement jamais une plus grande partie de la population, même pas les haters, parce qu'il est simplement trop aliénant pour ceux « qui ne savent pas ». On laissera les Health Goth aux Tumblrs et les diplômes d'art unisexes.

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Les guerriers de la justice sociale et #Gamergaters

Les-gens-en-colère-sur-internet, en quête de justice sociale – vous savez, ceux qui crachent leur venin sur les sujets polémiques, qui ont un avis sur tout et n'importe quoi – sembleraient être un bon choix pour remplacer les hipsters : ils n'existent que dans une communauté bizarrement myope et nombriliste qui, d'une certaine manière, ressemble à celle enfantée par l'idéologie hipster. Mais d'un autre côté, pas vraiment.

C'est vrai, en regardant le problème de façon radicale, les deux font office de parias culturels en l'absence desquels le monde se porterait mieux. Mais si on considère ce problème avec plus de subtilité, on se rend compte que ce sont simplement des types qui n'ont qu'une envie : être écoutés pendant qu'ils déversent leur colère en ligne. Ont-ils un intérêt à exister ailleurs que sur Internet? Non. Au moins, chez les hipsters, on avait une certaine tangibilité, des fringues déconneuses et une démarche pseudo-artistique.

Ils sont simplement hautains, narcissiques et pleins de mauvaises intentions. Ils refusent d'accepter le fait que leur vie est misérable. Ils ne sont pas vraiment un phénomène de mode, plutôt le symptôme d'un monde confus et désespérément ouvert dans lequel rien n'est mauvais ou bon ou horrible ou beau. Qu'ils aillent se faire foutre, ils ne méritent même pas d'être les nouveaux hipsters.

Les nu-bros

Un nu-bro, c'est un mec qui a fait le tour du soleil en fusée, est allé où aucun autre être humain n'est allé auparavant. Malheureusement, il est tellement en avance qu'il a fini par retourner à son point de départ — avec un gros sentiment de supériorité en plus, même s'il aime les mêmes trucs que tout le monde. Oui, il est plastiquement beau et regarde la NFL tous les dimanches, mais il achète des polos produits du commerce équitable. Il soutient les Seahawks parce que ça lui donne un côté avant-gardiste. Il écoute Taylor Swift et Justin Bieber, mais lui seul sait les apprécier à leur juste valeur — contrairement à vous. D'ailleurs, il aime rabâcher que le meilleur moyen de changer le système, c'est en s'y mêlant et en le démantelant de l'intérieur. Mais ça reste un bro. Ces gens se prennent pour des guides touristiques culturels pour les gens normaux; autrement dit, ce sont les pires.

Les yuccies

Le problème des hipsters, c'était ce qu'ils représentaient. Ces hommes et femmes pouvaient se permettre de se faire tatouer une moustache sur leur index sans avoir à se soucier de leur avenir professionnel. Les gens pour qui s'habiller comme une version bon marché d'un personnage de Boardwalk Empire ne le faisaient pas par manque d'argent, mais par choix : ils pouvaient potentiellement faire carrière en vendant du lait alternatif à des idiots.

Mais aujourd'hui, tout ceci a changé et pour certains, alors que les tropes visuels existent toujours (ressembler à l'image qu'un enfant aurait d'un marin dur à cuire, par exemple), la mentalité a changé. L'entrepreneuriat est à l'ordre du jour, pas la paresse et les moustaches. C'est ainsi qu'ont débarqué les Yuccies, les « jeunes urbains créatifs ». Ils côtoient des graphistes et des gens qui passent leur temps à écrire du contenu de marque. Ils symbolisent une marchandisation du « branché » et prétendent qu'être cool, c'est être soi-même; tant pis si ça signifie d'être l'incarnation d'un dangereux credo ultra-capitaliste. Ils offrent une vision de la vie dans laquelle est absente la lutte auto-imposée de la décennie passée du hipster, où être pauvre était quand même perçu comme cool. Les Yuccies préfèrent un carriérisme sans scrupules, toujours caché derrière le désir d'être vu comme un mec branché, même si cela passe par des soirées de promotions payées par Nike.

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Les honnêtes

Au moment où on est arrivés au sommet de l'hipsterisme, on a aussi atteint le sommet de l'ironie. Les gens que j'évoque ici ne s'en sont pas rendu compte. Ils estiment que le monde est un endroit suffisamment horrible pour que l'on pense à autre chose que vivre au jour le jour.

Beaucoup de photos Instagram de randonnées, de #VraieVie, de jus détox, d'heures à danser comme si personne ne regardait, de sobriété, d'ambitions au premier degré en paraphrasant Amel Bent et de blogues sur les émotions… Leur vie manque cruellement d'ironie.

Ils ne sont pas voués à perdurer, bien entendu. Personne n'est parfait. Au final, la pression sera tellement grande qu'ils finiront par s'autodétruire; tout prendra fin par un acte automutilatoire nourri par une rage délirante, comme dans Black Swan.

Alors voilà. Plus besoin de décharger notre haine et notre ressentiment sur une seule cible : la société post-hipster nous en offre une flopée. L'autosatisfaction, le nombrilisme et le narcissisme volontairement ignorant mais affirmant transcender l'idée même de culture existent toujours, mais ces vices sont désormais répartis et amplifiés.

Si vous voulez mon avis, le hipster était une plaisante cristallisation des maux de la culture occidentale moderne. Maintenant qu'ils ne sont plus là et qu'ils se sont mués en prétentieux diversifiés, ils me manquent un peu. Où sont passés mes albums de Sunn O)))? Je suis DJ ce soir pour l'ouverture d'un magasin qui ne vend que des paniers en osier.

Joe Bish est sur Twitter.