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Wovenhand navigue toujours entre sacré et profane

L'ex-leader de 16 Horsepower revient sur son éducation chrétienne, ses potes Amérindiens, ses fans satanistes et son dernier album, « Star Treatment », qu'on vous fait écouter en intégralité.

David Eugene Edwards a toujours été un personnage extrêmement énigmatique, et ce depuis qu'il a commencé à jouer ce mélange de country, d'Americana et de dark folk. Ça a commencé avec 16 Horsepower, à l'époque de l'émergence du « Denver Sound » au milieu des années 90, avant de se gorger d'influences nouvelles pour devenir Wovenhand, projet encore plus intense et intime. Originaire du Colorado, Edwards se sert également de sa musique pour exprimer une vision du monde assez peu conventionnelle. Fils d'un biker sans foi ni loi, issu d'une famille fondamentaliste, Edwards est un chrétien à l'ancienne qui s'assume pleinement, avec une tendance à l'insoumission. Fonctionnant selon un paradigme musical très sombre, il développe une œuvre à la dynamique mystérieuse, dans laquelle rien n'est réprimé. Sans retenue aucune, et en laissant les choses trouver leur place d'elles-mêmes, Edwards crée une musique qui mêle avec sincérité allégories bibliques, gros riffs, folk éthéré, et esthétique empruntée aux indiens d'Amérique.

Avec son nouvel album, Star Treatment, composé par les vétérans Chuck French et Neil Keener (guitariste et bassiste de Plans Mistaken For Stars), le batteur Ordy Garrison et le pianiste/claviériste Matthew Smith (de Crime & The City Solution), Wovenhand a signé le disque le plus radical de la discographie de Wovenhand. Cette progression vers un son plus lourd et plus puissant a fait du groupe une figure unique parmi la scène dark, lui permettant de s'inviter à l'affiche de festivals rock et metal eu Europe et aux USA. Ajoutez à cela la présence du producteur Sanford Parker, sommité du metal américain, derrière les manettes du Electrical Audio, le légendaire studio de Steve Albini, et vous obtenez un son qui attirera autant les braves gars à chemises écossaises que les misanthropes brûleurs d'églises. Au-delà de la sincérité et de la dévotion qui l'habitent, cet album regorge de riffs poignants, de percussions rugissantes, de vibrations psychédéliques, de rythmes ethniques, et de méditations libres sur les mystères qui résident dans les cieux.

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Dans la discussion qui va suivre, Edwards révèle, stoïque, quelques-unes de ses inclinations spirituelles, sa méfiance envers la modernité, et la manière de trouver une place pour le son qui résulte de la collision de tout cela. Parcimonieux dans la production et les arrangements, les détails de Star Treatment se découvrent lentement, écoute après écoute. Et si vous n'avez pas encore commencé, ça tombe bien, l'album est juste là :

Noisey : Tu as dit un jour que ton objectif était de répandre la parole de Dieu à travers ta musique. Sur scène, tu es possédé, quasiment en transe. Est-ce qu'on doit considérer Wovenhand comme de la « musique chrétienne » ?
David Eugene Edwards : Je ne sais pas. Moi, je ne le vois pas comme ça – je le vois juste comme la musique qui sort de mes mains, de ma voix, de mon âme. Il y a une forte dualité au sein de Wovenhand : l'influence de ton père d'un côté (les motos, le refus des lois, la liberté), et celle de ton grand-père de l'autre (la piété, la communauté religieuse, le sens du devoir). Tu te situes où, entre ces deux extrêmes ? Et Wovenhand sous sa forme actuelle se place où parmi tout ça ?
Hmm, nulle part [Rires]. Personne n'a pas de place toute trouvée. C'est comme ça. Ce n'est pas le but, et on s'en fout de trouver notre place ou pas. Je suis trop chrétien pour le monde moderne, et je suis trop impliqué dans le monde moderne pour les vrais chrétiens. Je n'ai donc ma place nulle part, de quelque côté que ce soit. Mais ce n'est pas nouveau – c'est comme ça depuis que j'ai commencé. Je ne dis pas que c'est mieux, ou quoi – c'est juste l'état des choses. Je n'essaie pas de faire se réconcilier deux éléments d'une dualité. Je crois déjà en la réconciliation de toutes choses. Je n'ai pas besoin de le faire. Je laisse juste sortir la musique qui doit sortir, et je parle des choses qui me préoccupent. En ce moment, la communauté Sioux de Standing Rock, à la frontière du Dakota du Nord et du Dakota du Sud, est en lutte contre des sociétés pétrolifères qui veulent faire passer un oléoduc à travers leurs territoires sacrés, ce qui nous rappelle gracieusement à notre passé – et présent – peu glorieux. Les allusions aux indiens d'Amérique, qui sont une constante chez toi, sont plus présentes que jamais sur cet album. Quelle place cela occupe-t-il dans ta vie, et dans ta musique ?
Être Américain, pour moi, c'est vivre sur la propriété de quelqu'un, ou habiter chez lui. Les choses qui t'entourent, qui font partie de cet environnement, et qui constituent les lieux de ta vie, parce qu'évidemment, c'est aussi là où tu es né, tout ça a été très présent tout au long de mon évolution – les Amérindiens, l'histoire familiale, l'histoire locale. Ça ne veut pas dire que j'y suis directement mêlé, ça fait simplement partie de ma vie. D'un point de vue esthétique, et pour tout le reste, je vis chez quelqu'un d'autre. Tout ce que nous, le peuple qui avons colonisé cet endroit, avons à offrir, pour moi, c'est du pipeau. De A à Z. Que ça soit les médecins, ou Walmarts, ou les trains. C'est du pipeau. Alors je me contente d'observer les choses qui viennent d'ici, et qui ont un vrai lien avec les lieux, et je me concentre là-dessus.

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Wovenhand suscite l'engouement de fans appartenant à des courants spirituels antagonistes – par exemple, beaucoup de membres de grands groupes de metal satanistes ont ouvertement déclaré leur admiration pour ton travail. Comment tu expliques cette fanbase aussi antithétique ? Qu'est ce qui les attire à ton avis ?

Cela remonte même aux débuts de 16 Horsepower. Je pense que la musique folk en général est populaire dans la communauté dont tu parles, que ça soit en Suède, en Norvège, ou au Portugal, peu importe. Ces gens vont creuser dans le folklore et dans la culture de leurs origines, et ils utilisent ce matériau. C'est quelque chose qu'on faisait avec 16 Horsepower, et c'est quelque chose que je fais encore, la voilà la connexion. Chanter sur des thèmes spirituels, que ça soit antagoniste ou pas, ça reste du spirituel. Je m'identifie à l'agressivité qu'ils adoptent dans leur positionnement face à la représentation de moi que se font les gens. J'aurais tendance à être d'accord avec ceux qui s'opposent violemment à quelque chose, plutôt qu'avec ceux qui diront juste « Euh, je crois que je vais plutôt chanter sur un autre sujet. »

Étant donné que, comme je l'ai dit, on n'a jamais vraiment de point d'attache, avec Wovenhand ou 16 Horsepower, on ne trouvait pas notre place dans la country alternative, même si c'était ce qu'on faisait : ce sont des instruments folk, mais la musique n'intéressera pas les gens qui écoutent de la folk. On a jamais eu d'ancrage musical. Mais maintenant, on a été adoptés par la communauté metal, et je m'en réjouis. C'est agréable, d'avoir un chez-soi [Rires]. Tous les gens que j'ai rencontré sont tellement flatteurs, gentils et accueillants. Star Treatment est un album mâtiné de folk, de country et de world music, mais ça reste un album de rock pur et dur. On a l'impression que ta musique portera toujours cette touche « Denver Sound », qui a d'abord été développé par le travail collectif de Bob Ferbrache, Slim Cessna, Munly, et par tout ce qui tournait autour des studios Absinthe. Est-ce que cette nouvelle direction est une volonté consciente de s'en détacher ?
Pas du tout. Ce truc est toujours présent en moi, mais il ne sort pas à tous les coups. Quand je joue avec les mecs avec qui je joue en ce moment, Chuck French et Neil Keener, ils viennent totalement de cet univers heavy. C'est la touche qu'ils apportent, et bien entendu, j'en suis conscient. Ils complètent ce qui serait du Wovenhand typique, mais ils complètent aussi vraiment ce côté de moi qui fait des trucs plus violents. C'est plus facile pour nous de collaborer. Rester dans cette direction heavy, ça facilite les choses, pour communiquer et faire quelque chose de neuf. Que peux-tu nous dire sur la période fondatrice de ce mouvement du « Gothic Country », en plein essor à Denver ? J'ai entendu des rumeurs qui parlaient de sessions de prières intensives, sous influence psychédélique, de participation à des rituels spirituels amérindiens, et d'autres pratiques qu'on pourrait considérer comme non-orthodoxes. Quel est le degré de vérité de tout ça ?
Non, ce n'est pas vrai – je ne sais pas d'où ça sort, vraiment ! J'assiste tout le temps à des pow-wows avec mon fils, partout en Amérique : dans le Wyoming, e Dakota du sud, le Montana, au Nouveau-Mexique, mais jamais je n'envisagerais ne serait-ce que de pénétrer dans ce qu'ils considèrent comme sacré. Je n'ai aucune raison de le faire, je n'y pense même pas. J'aime juste aller là-bas, et y dépenser mon argent. L'argent que je gagne, je le dépense avec eux. J'achète les choses qu'ils fabriquent. C'est comme ça que j'aime occuper mon temps, quand je ne joue pas de la musique. Rien de vaudou ! [Rires] Mais oui, j'ai pris beaucoup de drogue et tout le merdier ! [Rires] Et c'est du vaudou en soi, j'imagine. Mais rien qui n'ai été entrepris avec un voyage spirituel comme objectif direct. Je ne crois pas en ce genre de trucs.

Star Treatment dégage un sentiment d'expansion, de sublime, comme quand on regarde le ciel la nuit – les étoiles, les corps célestes. Quelle forme revêt cette thématique dans ta tête, et sur ce disque ?
Elle prend toute les formes possibles ! C'est le message de cet album – les étoiles sont tout pour nous. Les corps célestes, depuis l'apparition des humains, c'est ce qu'on a au-dessus de nous, les lumières qui éclairent nos vies, les lumières qui guident les saisons, et tout le reste y est lié. En gros, toutes les religions du monde sont des religions astrologiques. Elles se fondent sur les étoiles, leur mouvement, elles leur affilient des personnages, dans le Zodiaque. Ça a une ampleur mondiale, ce n'est pas localisé. Des gens se retrouvent tous avec les mêmes images de ce qu'ils voient dans le ciel et tout ça se transmet dans leur vie quotidienne, dans l'art, la littérature, la culture, et comme je l'ai dit, dans la religion, qui est le socle de tout ça. Impossible d'y échapper. Je m'y suis confronté frontalement, et j'ai commencé à en parler de manière très abstraite. C'est une imagerie multicouches. C'est très éthéré. Comme le ciel. En regardant les étoiles, en imaginant des mondes au-delà du nôtre, ça t'arrive d'envisager la fin de celui-ci ? Ça peut être une leçon d'humilité, surtout quand on voit l'environnement tellement instable et effrayant dans lequel on vit aujourd'hui. Est-ce que qu'on assiste à la fin des temps ?
Je ne suis pas très branché par ce sujet. Je ne crois pas que les gens sachent vraiment ce que tout cela signifie. Ma vision du monde est très différente de celle de la majorité des gens avec lesquels je discute. Je ne crois pas qu'il existe des milliards et des milliards d'univers. Je ne crois pas à tout ça. Je pense qu'on nous ment constamment, pour beaucoup de raisons. Les raisons principales étant l'argent, et, hmm… le contrôle. Ils se nourrissent simplement de toutes les peurs des gens, et s'emparent des histoires et des choses pour contrôler ces gens. Je crois que l'univers entier est centré sur la Terre, et pas que nous tournons autour du Soleil ou quoi que ce soit. Je crois que le Soleil, et tout le reste, tournent autour de la Terre, et qu'ils ont été créés pour la Terre. La Terre est au centre de toutes choses. Qu'on soit arrivés à la fin des temps ou pas, ça dépasse ma capacité d'entendement.

Mais je pense clairement que nous sommes au centre de tout, ouais. Nous ne sommes pas une simple forme de vie sortie de nulle part, paumés sur une planète qui fonce à 100 000 km/h dans l'espace sans raison apparente. On fonce à travers l'Espace, et tout ça est arrivé juste comme ça ? Pas ma vision, bien entendu. Pour moi, la Terre est au centre, l'Homme lui-même, et la Création autour de lui, tout ça est au centre de toutes choses – pas les étoiles.

La tournée française de Wovenhand, avec Emma Ruth Rundle :
10/10 : LILLE @ L'Aéronef
11/10 : PARIS @ La Maroquinerie
13/10 : ORLEANS @ L'Astrolab
14/10 : GRENOBLE @ La Belle Electrique
15/10 : FEYZIN @ L'Epicerie Moderne
16/10 : TOULOUSE @ La Rex Shawn Haché n'est pas sur Twitter, mais un de ses groupes y est, en revanche.