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Alex Cameron a sorti le meilleur disque de 2016 que vous n'avez pas écouté

Pendant que vous vous pignoliez sur Nick Cave, un autre Australien sortait un chef d'oeuvre de pop synthétique post-apocalyptique.

On en connaît tous, des drogués de la synth musique qui zonent dans la cité interdite en hurlant « Mais quand reviendra John Maus ? Mais quand reviendra John Maus ? ». En attendant le retour non programmé de l'empereur de l'électro minimaliste, on cherche régulièrement des produits de substitution. Surprise, celui de 2016 était déjà disponible en 2013. Mais pour le choper, il fallait déjà suivre l'actualité du chanteur puisqu'il l'avait mis en téléchargement gratuit sur son site. Pas forcément gagné, donc. L'univers de la pop synthétique ne ressemblant à rien à une session de Koh-Lanta, Jumping The Shark a droit à une deuxième chance. Et c'est le label Secretly Canadian qui s'y colle, permettant à tout un nouveau public de découvrir ce qui s'imposera comme une des grosses surprises de l'année. Une raison plus que valable pour en parler avec son auteur, Alex Cameron.

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Noisey : Que fais-tu en France ? J'ai l'impression que tu y passes beaucoup de temps.
Écoute… Je passe pas mal de bon temps avec une française. Avant ça j'étais à Berlin, et encore avant à Los Angeles. Je voulais essayer quelque chose de nouveau en attendant de repartir en tournée, alors je suis venu ici. Finalement, je suis ici pour deux raisons : les femmes et la musique.

Tu n'as quand même pas fait de la musique pour pour séduire les femmes ?
J'ai commencé à écrire des chansons pour convaincre une fille très spéciale de tomber amoureuse de moi. Elle adorait la musique, alors j'ai absolument voulu être dans un groupe. Et puis j'ai toujours adoré la musique depuis tout petit. Ma mère me disait toujours qu'elle possédait un pouvoir magique et procurait des émotions aux gens. Comme celle de Toy Story. Et puis je suis tombé amoureux de cette fille, et je me suis mis dans un groupe. Puis j'ai commencé à jouer du synthé pour un autre groupe. J'ai fini par chanter. J'avais envie de raconter des histoires aux gens. C'est pour eux que je fais de la musique aujourd'hui. Pour les gens.

Raconte moi une histoire, alors : celle de ton groupe.
Au départ, c'était vraiment un projet solo. Je devais être le seul maître à bord. Et puis j'ai commencé à associer d'autres personnes, des amis proches. Je voulais faire un album avec eux. Mais manager différentes personnalités, des ego affirmés, c'était vraiment trop compliqué. Encore plus dans un projet qui porte mon nom. Je finissais par devenir complètement taré. Alors j'ai contacté mon plus vieil ami, Roy Molloy, que je connais depuis que j'ai 5 ans. On a décidé de faire du 50/50 pour tout, et j'ai viré tout le monde. Aujourd'hui, tout est plus fluide. Même pour l'argent, puisqu'on a le même compte. C'était plus simple, et beaucoup plus efficace. Moi et Roy. Roy et moi. Rien de plus. Et surtout pas un groupe à gérer. Ça fonctionne très bien comme ça. Niveau ego, c'est aussi plus simple puisqu'on est exactement sur le même plan. Il n'y a aucune magie là-dedans ou de furie créative, c'est avant tout beaucoup de travail.

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Même si ça peut sembler stupide de dire ça à ce stade de ta carrière, peut-on dire que Roy est un peu ton Martin Rev ?
Oh… Je serai ravi que l'un de nous deux soit le Martin de l'autre, mais je crois qu'on en n'est pas là. À mon avis, on ressemble plus à Jay & Silent Bob, les personnages des films de Kevin Smith. Ou à ceux de Midnight Cowboy, le film avec Jon Voight  et Dustin Hoffman.

Je disais ça car ta musique contient pas mal de clins d'oeil à Suicide.
Bien sûr. Je ne te dirais pas le contraire. En 2012, j'ai trouvé un vieux synthé ici, à Paris. C'était un EKO, une vieille disco box italienne, une sorte de boîte à rythmes. Je jouais énormément avec cette batterie synthétique. Je ne voulais pas programmer mes batteries, je voulais quelqu'un qui en joue. Je l'ai beaucoup compressé pour obtenir un son plus brutal. Je crois que c'est à partir de là que j'ai construit et utilisé ces sons qui ont pu te rappeler des morceaux de Suicide.

« Take Care Of Business » sonne vraiment comme « Cheree Cheree », par exemple.
Ça me va très bien, je suis ravi que ça évoque ça. Suicide est quelque chose de tellement spontané, de si légendaire. Je n'évoquerais jamais ce groupe pour parler de ma musique. Que quelqu'un le fasse me paraît complètement dingue. Tu me parles de la fin des années 70, là. Une période où ce qui sortait était si puissant que c'en est presque effrayant quand on écoute tout ça aujourd'hui. C'était de la musique d'aliens, et ça l'est encore.

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Même s'il était déjà sorti de façon plus confidentielle en 2013, ton album a bénéficié d'un bon accueil. Pourtant,on connaît assez mal ton parcours.
Je ne connais pas bien mes origines. Peut-être des immigrants chinois ? J'ai 27 ans. Je dois être encore vivant parce que je ne suis pas célèbre. Beaucoup de rock stars sont mortes à cet âge-là. Je viens d'Australie, et je passe la moitié de l'année dans l'océan. Mon père était pêcheur et réparait aussi des bateaux. Ma mère était enseignante. Dans les années 70, ils ont acheté une maison en bord de mer. J'y suis né en 1988. Après quelques mois là-bas, je suis allé vivre dans une ferme avec ma mère, des tracteurs, des camions, ce genre de choses.

Et ensuite ?
On a aussi vécu à Sydney. Avec une télévision qu'on ne regardait que pour se tenir au courant des dernières informations. Sinon, on utilisait énormément une chaîne hi-fi avec un multi-lecteur de 10 cd's et un double lecteur cassette. Chaque soir, ma mère remplissait ce lecteur. Et appuyait sur random. C'est comme ça que j'ai rapidement découvert Bob Dylan, Randy Newman, les Doors, les Beatles, les Stones…

Et Flash and The Pan peut-être ?
Non. C'est venu plus tard. Mes parents venaient des 60's, pas des 80's. C'était des amoureux de rock psychédélique. Ils n'avaient pas forcément la culture du synthétiseur. Même s'ils appréciaient quelqu'un comme Rod Stewart, ils ne connaissaient rien à la new-wave. J'ai découvert Flash and The Pan quand j'avais 20-21 ans. Je connaissais leurs morceaux avant, mais je ne savais pas de qui ils étaient. Un ami à moi est venu me voir un jour et m'a dit « Alex, je dois absolument te faire écouter un truc ». Il m'a entraîné dans une voiture, et en me conduisant vers une plage, il a passé « Walking In The Rain ». J'étais scié, si fier d'apprendre qu'ils étaient australiens. Parce que généralement, la musique australienne, c'est assez pourri. On a beaucoup de mauvaise country ou de pop foireuse là-bas. Severed Heads, Flash and The Pan, c'est des pionniers, tu comprends, ils ont quasiment lancé un mouvement musical à eux seuls. Tu sais, une bonne partie de la musique australienne était bonne pour la décharge. Quand j'ai découvert Flash and The Pan, j'étais estomaqué. Surtout par leur côté explorateur, presque avant-gardiste.

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Tu es bien rude avec la musique australienne. Il y aussi de très bonnes choses, non ?
Quand j'étais DJ, j'en passais souvent. Parce qu'il y a aussi énormément de très bonne musique là-bas, c'est vrai. J'aime prendre des risques quand je fais de la musique parce que je crois que la meilleure musique australienne est celle qui a su sortir des sentiers battus. L'Australie a aussi un côté sombre que les gens ignorent, et j'essaye de le mettre en avant dans mes morceaux. La pire musique, c'est quand même celle qui est outrageusement évidente, vulgaire. Je veux tout faire pour éviter ça. Je détesterais que des gens horribles apprécient ma musique. Alors j'essaye d'être clair dans mes paroles, limpide. Je veux que les auditeurs comprennent parfaitement ce que je chante.

C'est pour ça que ta voix est mixée très en avant ?
Oui, c'est une des raisons. Je n'ai pas peur de ça, j'ai confiance en ce que j'écris. J'aimerais vraiment être à l'origine d'un mouvement où les gens redécouvrent la beauté au travers de mots bien écrits, recherchés. Quand une tragédie se produit, par exemple, il faut être capable d'écrire dessus. C'est ce qu'arrivaient à faire certains chanteurs de folk. On entend mal les voix dans la plupart des productions actuelles. Pourquoi les cacher ? Par inhibition ? Je ne partage pas cet avis, je ne fais pas du shoegaze.

Sean Nicolas Savage essaye également de remettre la voix et le chant au centre des morceaux.
Je connais bien Sean, c'est un ami. C'est un mec passionné, pas timide. J'apprécie son comportement  sur scène. Que ce soit devant 500 personnes ou devant 5 mecs perdus au fond d'un club miteux, il donne tout et met la même intensité dans son concert. Et ça, j'apprécie. Énormément. Il est très exigeant, peu importe le public. Quand j'ai commencé à chanter, j'ai pas mal écouté les anciens crooners, les Bing Crosby, les Frank Sinatra, Paul Anka, Elvis Costello, Burt Bacharach, Roy Orbison, Springsteen, Leonard Cohen… Les maîtres. Pour moi, c'est évidemment les plus grands songwriters de l'histoire. Little Willie John aussi d'ailleurs. Tiens, si je devais décrire ma voix, je dirais qu'elle est pile entre celle de Chet Baker et celle de Little Willie John.

Manifestement, tu n'es pas vraiment du genre « loser magnifique ».
Non. Je ne pense pas être un loser. Je veux avoir du succès, exprimer mes craintes, mes peurs. Le truc, c'est que quand tu prends des risques en voulant avoir du succès, tu as des chances de te taper une méga honte et la possibilité de devoir un jour rentrer en Australie la queue entre les jambes n'est pas nulle. Les gens ont peur de l'échec, alors que cette peur doit être une motivation. J'expérimente les chutes, j'exprime mes doutes. Pour cette raison, je ne peux pas me définir comme un loser puisque j'assume ce que je pense.