Skryptöm ravage les dancefloors depuis 10 ans

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Skryptöm ravage les dancefloors depuis 10 ans

Piloté par Electric Rescue, acteur émérite de la scène électronique française, Skryptöm Records fête ses 10 ans d’activisme au service d’une techno de haut vol.

Gravitant dans la technosphère parisienne depuis la toute fin des années 1980, avec le Rex comme épicentre, Electric Rescue (Antoine Husson, dans le civil) dessine une trajectoire d'une impeccable cohérence, orientée vers une musique de club à la fois prospective et intensive. En dehors de ses activités de DJ et producteur, de plus en plus diversifiées ces dernières années (voir par exemple le projet W.LV.S, mené avec Manu le Malin), il trouve encore le temps et l'énergie pour s'occuper de labels.

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Il y a d'abord eu Calme Records, en guise d'échauffement, de 1999 à 2006. Bilan : une quinzaine de sorties, dont un EP du légendaire Chaotik Ramses. Arrive ensuite sans transition Skryptöm Records, qui décroche direct la timbale avec sa première galette, lancée en décembre 2006 : Air Conditionné du jeunot Julien Jeweil – le morceau-titre s'imposant comme l'un des fleurons de la techno mélodieuse et vaporeuse qui régnait alors, sous l'influence déterminante des Anglais de Border Community.

Après cet envol de rêve (et de rave), Skryptöm a su maintenir les opérations à un niveau élevé, en se concentrant sur un petit nombre de producteurs, majoritairement français (Julien Jeweil, Scan X, Maxime Dangles, Traumer, Paul Nazca, Leghau…) et tous rassemblés autour du pilote Electric Rescue. Aujourd'hui, le catalogue du label affiche une quarantaine de (solides) références, avant tout des EP mais aussi quelques albums – le dernier en date étant l'excellent Parallel Behaviours (2016) du maître de maison.

10 ème anniversaire oblige, 2017 s'annonce particulièrement fertile. En ce mois d'avril paraît une compilation spéciale, riche de 15 robustes morceaux, signés d'habitués ou de proches du label, parmi lesquels Laurent Garnier (ami de longue date d'Electric Rescue), Inigo Kennedy, Truncate et Zadig. Plus tard doivent aussi surgir deux albums très attendus par ceux qui suivent Skryptöm de près : celui du jeune Toulousain Kmyle et celui du duo parisien Wlderz.

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Plusieurs soirées vont également émailler l'année, en France – à commencer par les soirées organisées tous les deux mois au Rex Club – et ailleurs (Allemagne, Belgique, Hongrie, Chine…). À cette occasion, nous sommes allés passer un moment avec Electric Rescue, un matin de mars, à l'ombre de l'arche de la Défense – manière de bien poser l'ambiance.

Noisey : Qu'éprouves-tu à l'heure de ce 10 ème anniversaire ?
Electric Rescue : En fait, avec tout ce qu'il faut gérer au niveau du label (sorties, événements, etc.), je n'ai pas encore eu le temps d'y penser vraiment. J'ai tout de même ressenti une vraie satisfaction quand tous les artistes sollicités pour la compilation des 10 ans m'ont répondu « oui », y compris Laurent Garnier, malgré toutes les demandes qu'il reçoit. C'était un peu la cerise sur le gâteau.

Quels sont tes souvenirs les plus marquants – bons ou pas – sur cette période ?
Franchement, je n'ai pas de mauvais souvenirs. En revanche, beaucoup d'heureuses surprises, et cela dès la première sortie, Air Conditionné de Julien Jeweil, qui a été un vrai petit tube techno. Le disque s'est vendu bien au-delà de ce que j'escomptais. La deuxième sortie s'est faite avec Popof, qui négociait à cette époque son virage du hardcore vers la techno. A l'arrivée : un autre tube ! La troisième sortie a été le EP Midnight de Scan X (avec un edit de Laurent Garnier) : encore un coup gagnant ! Ça m'a donné confiance, j'ai senti que j'allais pouvoir développer quelque chose sur la durée avec ce label. Au début, il y a eu une part de chance, sans aucun calcul de mon côté, et ensuite ça s'est construit progressivement, toujours sans calcul, en cherchant à créer des liens étroits avec tous les artistes.

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Vu de l'extérieur, Skryptöm donne l'impression d'une petite famille, fonctionnant de manière très artisanale.
C'est complètement artisanal. A la base, je n'étais pas destiné à me retrouver dans le milieu de la musique. Je suis issu d'une famille ouvrière. Après avoir suivi des études d'ingénieur, j'ai commencé à bosser mais j'ai compris assez vite que ça ne me correspondait pas du tout… Au bout d'un moment, comme j'avais déjà la musique à côté, j'ai quitté mon boulot d'ingénieur pour pouvoir me consacrer pleinement à ce que j'aimais – et m'y consacrer dans des conditions agréables. Quand je fais de la musique, je travaille énormément mais dans un climat détendu. Ça se retrouve dans Skryptöm : le label nécessite beaucoup de travail et de sérieux mais il implique aussi de savoir faire des blagues pourries [Rires]. La petite famille s'est formée et soudée naturellement, sans rien forcer. Actuellement, nous sommes trois à travailler pour le label : moi, Caroline Battu, qui prend en charge la communication/promotion, et ma femme Virginie, qui gère la partie administration/comptabilité.

Quand Skryptöm a démarré, avais-tu des labels de référence – en termes de musique ou de fonctionnement ?
Pas en termes de musique. Par contre, j'avais clairement en tête le modèle de la petite équipe unie par un même esprit – et un même goût pour les blagues pourries [Rires]. A l'époque, par exemple, je ressentais vraiment cet esprit de famille à la cool chez BPitch Control.

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Si le maxi reste le format de prédilection du label, plusieurs albums ont déjà vu le jour et pour cette année sont déjà annoncés ceux de Kmyle et des Wilderz. Le développement du format album ne va pas vraiment dans le sens des habitudes d'écoute d'aujourd'hui… En quoi ce format est-il important pour toi ?
Il permet de creuser au maximum le rapport avec un artiste, d'aller au fond des choses. Quand je travaille sur un EP, j'aime offrir la vision la plus large possible de la musique d'un artiste. En écoutant des EP de techno, j'ai souvent l'impression de me trouver dans des tunnels, très monolithiques, où tous les morceaux se ressemblent. Je peux y trouver une utilité en tant que DJ mais ça ne me stimule pas tellement par ailleurs… Je cherche à proposer autre chose avec Skryptöm – et ce qui est vrai avec un EP l'est encore plus avec un album. Le format long permet de prendre des risques, d'essayer des choses et de balayer tout le spectre sonore d'un artiste. L'idée sous-jacente est d'inciter les auditeurs à découvrir et explorer autant que possible.

Comment choisis-tu les artistes que tu signes ?
Faire un « one shot », sortir seulement un disque de tel ou tel producteur, ne m'intéresse pas. Ça me semble s'inscrire dans une logique mercantile qui ne me correspond pas tout. Je reçois et j'écoute beaucoup de promos et de démos. Dès que je flashe sur un artiste, je prends contact avec lui et je lui demande de m'envoyer tout ce qu'il a en stock. Si au moins 60-70% des morceaux qu'il m'envoie me titillent, je lui propose de nous rencontrer. Pour moi, il est essentiel que l'accroche ne se fasse pas seulement au niveau musical mais aussi au niveau humain. Plus généralement, j'essaie de toujours me remettre en question, de ne pas me cantonner dans une zone de confort, quelle qu'elle soit.

Depuis le début, le label est intimement lié au Rex Club.
Mon lien personnel avec le Rex est beaucoup plus ancien : j'y traîne depuis 1990… J'y ai passé tellement de temps que je le vois un peu comme mon deuxième salon… C'est un lien très fort, non seulement musical mais également affectif, associé à l'excitation des premières sorties, de la découverte des raves. Le Rex était vraiment le lieu de rendez-vous des gens de ma génération. J'ai commencé à y jouer au milieu des années 1990. Ensuite, au début des années 2000, j'ai eu une résidence avec mon premier label, Calme Records, qui s'est prolongée naturellement avec Skryptöm – sous forme d'une soirée tous les deux mois. Skryptöm sans le Rex, ce ne serait pas tout à fait la même chose. Astropolis tient également une place très importante dans mon histoire et dans celle du label. Nous partageons la même vision : donner la priorité à la musique et perpétuer les valeurs fondamentales de la rave.

Pour terminer, la question qui tue : comment définirais-tu la musique du label en trois mots ?
Hum… C'est assez difficile… Ça pourrait enclencher une discussion de trois heures, fais gaffe [Rires]. Bon, allez, disons : Energie, voyage et partage.

La prochaine soirée Skryptöm aura lieu au Rex ce vendredi 7 avril, avec en tête d'affiche Möd3rn (trio formé par Electric Rescue, Maxime Dangles et Traumer), dont le superbe premier album sort fin mai sur Möd3rn Records, division de Skryptöm Records.