On a rencontré le gars qui trippe tellement sur le métro qu’il en a fait un simulateur
William Gamache

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On a rencontré le gars qui trippe tellement sur le métro qu’il en a fait un simulateur

La STM vous souhaite la bienvenue à bord.

Il y a ceux qui, la mine grise, vivent au quotidien la routine métro-boulot-dodo, où les longs tunnels riment avec ennui. Et il y a ceux qui, comme William Gamache, se délectent de chaque détail architectural ou historique du réseau souterrain de Montréal, et pour qui chaque trajet est une occasion d'en apprendre plus sur le métro.

Mais William ne s'est pas contenté d'apprendre. Il a plutôt décidé de créer.

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Il se souvenait avoir joué avec un vieux simulateur de la ligne verte quand il avait sept ans. Il voulait à tout prix le retrouver. En 2015, après une décennie de recherches sur le web, il a finalement mis la main sur ce logiciel et a décidé de le transformer en ligne orange.

À 21 ans, il estime avoir investi au moins 800 heures de son temps libre à programmer un simulateur du réseau montréalais. À l'aide de son logiciel, on peut s'improviser opérateur de métro et se balader sur les rails pour explorer les sombres tunnels de la métropole. Et ce, à même un cell ou un ordi.

Le travail de William en est un de moine. Chaque détail du métro de Montréal est reproduit dans son simulateur, de la police d'écriture des écrans des wagons à la cloche annonçant la fermeture des portes.

Entre une couple de gommes au savon, William nous a fait tester son simulateur pour mieux nous expliquer sa genèse et son fonctionnement.

L'intérieur d'un train Azur. Crédit: William Gamache

Dis-moi un peu ce qu'on trouve dans ton simulateur.
Tous les sons qui sont là-dedans, ce sont les vrais sons du train. J'ai tout enregistré. Les annonces des stations c'est les vraies; j'ai mis un micro sur les speakers. J'ai synthétisé les fréquences du klaxon; j'ai analysé ses fréquences, je l'ai reproduit électroniquement, et ça a donné ça. J'ai aussi tuné les couleurs. Les pubs, je les ai faites moi-même. Ce sont des vieilles pubs de la STM remaniées pour les remettre dans la nouvelle identité. Tout est pixellisé parce que je veux que ça le soit.

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Comment t'as pris les mesures de tous les éléments? Est-ce que c'est à l'échelle?
C'est à l'oeil. J'invente pas. Je regarde les plans de la STM, qui disent où est-ce que ça monte, où est-ce que ça tourne. Aussi, je vais au bout des stations, je prends une photo, j'observe, « Ça tourne un peu comme ça, à peu près 20 degrés comme ça, ça descend… » Les dimensions sont à l'à peu près. C'est pas si pire que ça. L'illusion est bonne.

T'en es rendu où dans ta programmation?
Récemment, j'ai ajouté les stations de Snowdon à Côte-Vertu, mais ce sont des stations vraiment bâtards. C'est vraiment mal fait pour l'instant, un moment donné je vais travailler dessus.

J'ai pas fait le prolongement à Laval. J'ai commencé à Henri-Bourassa. Fuck Laval! En fait, je vais peut-être faire un expansion pack de Laval. Peut-être. Mais écris « peut-être » en gras italique avec des guillemets.

T'as quelle formation pour faire tout ça?
J'ai étudié en intégration multimédia au Cégep de Saint-Jérôme. Je n'ai pas gradué, c'est ça qui me coupe les jambes. À cause de ça, personne veut m'engager nulle part. Ils devraient faire des auditions pour les jobs. C'est tellement compliqué, avoir une job quelque part ! Je sais pas si ça parait, mais je me cherche une job présentement. Si quelqu'un qui lit VICE peut m'embaucher… (rires).

William Gamache, bien installé dans les bureaux de VICE Québec.

Ça prend combien de temps à faire, un simulateur du métro?
Juste les wagons, ça m'a pris 2 jours complets, répartis sur une semaine. Tout est généré à l'ordinateur; le plancher, le plafond, l'éclairage, tout est fait dans Photoshop, Illustrateur. Ça prend beaucoup de temps.

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Et une station?
Si je suis vraiment déterminé, ça peut me prendre deux à trois jours. Si je suis vraiment vraiment déterminé, ça peut prendre une journée non-stop, avec des refills de cafés.

C'est comme la pierre de Sisyphe, ce simulateur-là. Quand j'arrive en haut, je me dis c'est vraiment malade. Mais là je me dis, « Ce serait malade si je pouvais ajouter ça. » Il y a toujours un nouveau set de marches à monter.

Comment tu as découvert toutes les choses cachées du métro?
On est une communauté de fans de métro.

Ah ouais?
Ça surprend tout le monde quand je dis ça, je sais pas pourquoi! C'est comme les fans d'avion, ça existe. On est au courant de ce qui se passe dans la STM. On doit être au moins une bonne centaine, mais sur différents niveaux de connaissances. Ce sont surtout des gars, je pense qu'il y a une fille.

Mais c'est rendu tellement n'importe quoi cette communauté. Tout le monde se pile sur les pieds.

Qu'est-ce que tu veux dire?
C'est comme l'océan. Tu navigues dessus, c'est une belle étendue bleue. Mais dans le fin fond, c'est plein de bibittes dégueulasse, des araignées pas de yeux et d'affaires de même. C'est le même principe : va pas trop creux, parce que ce que tu pourrais trouver, ça pourrait te surprendre et te faire peur.

Il y a beaucoup de jalousie, de gens qui font des affaires qu'ils sont pas supposés de faire. La communauté de transit fans est très avare d'information. Si t'as une information que eux ont pas, ils veulent l'avoir à tout prix.

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Mais toi, tu viens de Deux-Montagnes. Pourquoi tu trippes autant sur le métro de Montréal?
Il y a tellement de choses que les gens savent pas du métro. Ça mérite d'avoir de l'attention. Notre métro, c'est quand même le premier métro sur pneus en Amérique du Nord. C'est le deuxième au monde, après celui de Paris. On a les wagons de métro les plus anciens en Amérique du Nord, au moins. C'est une merveille d'ingénierie, le métro. Les Azur, c'est tellement complexe! Juste pour que le train soit ouvert de bout en bout… ç'a jamais été fait à Montréal, avant. Il y avait aucune expertise au Québec pour ça.

C'est vraiment important, le métro. C'est le backbone de Montréal. Si t'enlèves le métro, c'est le chaos total partout dans la ville. Il y a rien de plus important que ça.

La station Villa-Maria. Crédit: William Gamache

Est-ce que tu as une station préférée?
Oh seigneur! Il y en a tellement pas. Elles ont toutes un petit quelque chose. Est-ce que tu vas souvent à Verdun? Elle est fascinante cette station-là. Quand t'es dedans, ça paraît en maudit. Quand t'arrives au bout de la plateforme, elle est super petite. Mais pour donner l'impression que c'est vraiment grand, l'architecte a triché la perspective. Plus tu vas vers la direction Angrignon, plus les plateformes rapetissent, le plafond descend, les murs convergent vers le fond, pour donner l'illusion que c'est plus grand.

Et je dois avouer que Georges-Vanier, son architecture me plaît pas mal. Georges-Vanier pis Azur, ils vont bien ensemble, dans ma tête à moi. C'est gris avec des murs en tuile bleue. L'Azur est vraiment bleu bleu bleu, et je peux jouer sur la photo, mettre les murs vraiment gris, et les Azur vont vraiment ressortir colorés.

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Un train Azur dans les tunnels de Montréal. Crédit: William Gamache

Comment tu t'es documenté sur le métro?
J'ai fait de la recherche intensive. L'information vient pas mal de tous les bords tous les côtés. C'est ça qui est le fun, il y a pas de source définie d'information.

La majorité de l'information que j'ai, c'est dans le livre Le Métro de Montréal. Aussi, mes sources ce sont les documents officiels, les communiqués de presse, les archives. Sur le site de la STM, il y a une grosse section dédiée aux archives. Aussi Radio-Canada, TVA. J'ai parlé avec monde à la STM, avec du monde en dehors.

J'ai fait beaucoup de recherche pour Azur. Il y a quelqu'un sur internet, j'ai aucune idée c'est qui, c'était sur un Google Drive quelque part… Il avait posté plein de photos de la construction des Azur et des photos historiques. Ç'a beaucoup aidé. Mucho gracias.

Et juste d'être sur le terrain et d'observer le métro, comment ça se passe, ça peut donner beaucoup d'information. Je me promène dans le métro avec mon appareil photo. C'est pénible.

Ouais. La STM sont vraiment sévères avec la présence des caméras.
Le règlement dit qu'on a le droit de prendre des photos dans le métro sans trépied, sans équipe de tournage. Mais c'est n'importe quoi, prendre des photos dans le métro. Chaque fois que je me fais interpeller, je dois me justifier.

Surtout pour le simulateur, parce que là, j'ai l'air vraiment suspect. Il y a rien de plus suspect que quelqu'un qui prend des photos d'un mur où il n'y a rien qui se passe. « Il prend des photos de l'architecture, il va mettre une bombe là! »

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Ça doit être difficile à ce moment-là de leur faire comprendre que t'es juste un fan du métro.
C'est extrêmement difficile. Ça me fâche tellement, parce qu'on est en train de perdre nos libertés avec ça.

Tu as posté la semaine dernière une annonce sur ta page Facebook qui disait que tu retirais ton logiciel pour l'instant, pour une histoire de droits d'auteurs. Qu'est-ce qui s'est passé?
La licence que j'ai mis sur mon simulateur, ça dit que tu ne peux pas le modifier et le redistribuer, ni l'utiliser de façon commerciale. Le simulateur était publié sur mobile, et il y a une personne qui l'a repris, qui l'a modifié en ligne bleue et qui l'a redistribué. Et cette personne-là en a fait une vidéo Youtube, sur sa chaîne monétisée. C'est deux infractions à mon copyright.

J'ai envoyé une notice de copyright à Youtube, deux jours après la vidéo était plus là. Je trouvais ça dégueulasse. Il l'a fait en sachant ce qu'il faisait, je l'avais averti. Je garde un oeil sur cette personne. Mon application mobile n'est plus disponible depuis cette histoire-là. Quand le projet sera prêt, fini au complet, ça va être disponible à nouveau.

La station Mont-Royal. Crédit: William Gamache

On parle de droits d'auteurs… As-tu peur de te faire poursuite par la STM?
Je dois avouer que c'est toujours dans le fond de ma tête. Je me dis, si la STM ont bon coeur… Je fais aucun revenu avec ça, donc ils ont aucune raison de me poursuivre. C'est pas une pétrolière… Et le métro de Paris, Londres, New York, Tokyo, Séoul, ils ont tous un simulateur. Pourquoi pas Montréal?

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Leur as-tu demandé vraiment clairement : « Je peux-tu faire ça? »
Non. Parce que dans le fond, à travers tout ça, le logo de la STM est pas présent, j'utilise pas leur image de marque directement. C'est pas écrit STM.

Il y a pas l'annonce « La STM vous souhaite la bienvenue à bord » qui joue au bout de la ligne?
(Soupir) On peut gratter longtemps les bobos. Je pourrais dire « Bienvenue à bord », mais ça perd son charme. Et si la STM veulent me sponsoriser, tant mieux. Je les accueille à bras ouverts.

Aimerais-tu ça, être opérateur de métro?
J'adorerais ça. Je fais mes cours de conduite automobile en ce moment, je vais avoir mon probatoire au mois de juin. Pour conduire les autobus, il te faut ton permis complet, donc je dois attendre deux ans.

Et pour être opérateur métro, faut que tu fasses deux ans sur les autobus. C'est donc dans quatre ans que je vais pouvoir appliquer pour le métro. Mais il y a pas vraiment de certitude là-dedans. Peut-être que quand je vais être rendu à 50 ans…

Mais ça te tente pour vrai!
Certain que ça me tente de travailler pour la STM. T'sais, le monde ils chialent tout le temps, « Le métro en retard, il y a une interruption de service ». Va à New York, va à Toronto. C'est pire. Et on n'a pas le métro la nuit, mais il a besoin d'entretien, la nuit! Ils ont juste quatre heures pour réparer ce qui brise dans le jour.

La STM c'est une marque… C'est… Je suis fier de ce qu'on a.

Les propos recueillis ont été édités à des fins de clarté et de concision.