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Dans le futur, nous vivrons peut-être dans des villes en os

Le béton et l'acier ont fait leur temps, il est temps de repenser l'industrie de la construction de A à Z.

La science-fiction nous a conditionnés à imaginer les villes du futur sous forme de gigantesques mégalopoles chromées, composées de monolithes architecturaux surplombant des autoroutes scintillant à la lumière des LEDs et des espaces de verdure en symbiose avec l'environnement urbain. Pourtant, rien ne nous dit qu'elles ressembleront effectivement à ce stéréotype éculé. C'est même assez peu probable. Pourquoi le futur devrait-il ressembler davantage à Blade Runner qu'à Mad Max ?

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Concept d'une mégalopole futuriste. Image: Flickr/Serendigity

Aujourd'hui, la plupart des grands centres urbains sont construits à partir de deux matériaux phrases qui sont aussi les plus délétères pour l'environnement : l'acier et le béton. Leur production représente pas moins de 10% des émissions de gaz à effet de serre sur la planète, ce qui correspond à une empreinte carbone annuelle légèrement plus faible que celle de l'industrie du transport.

Pourtant, si l'on compte sur les estimations montrant que la population mondiale devrait dépasser 8 milliards de personnes d'ici à 2025, les mégapoles comme Tokyo, Londres et New York devront continuer de construire, et si possible de manière durable.

Ce défi pour l'architecture et l'urbanisme du futur a inspiré l'ingénieure Michelle Oyen, spécialiste des constructions biomimétiques. Elle a donc élaboré un projet très spéculatif mais basé sur une idée plutôt astucieuse : utiliser des os comme matériau de construction.

Aujourd'hui, le concept d'une « ville d'os » renvoie avant tout aux visions des ossuaires et catacombes européens, plus qu'à un environnement futuriste. Pourtant, les os et les matériaux aux propriétés similaires pourraient nous permettre de construire des structures plus hautes, plus solides, et plus respectueuses de l'environnement.

« Je fais régulièrement des allers-retours entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis en avion, et j'en tire une certaine culpabilité vis-à-vis de mon empreinte carbone. Je toujours pensé, comme beaucoup d'entre nous, que le voyage aérien contribue énormément aux émissions à effet de serre et qu'il s'agit d'un luxe déraisonnable, » explique Oyen, qui dirige également le département d'ingénierie de l'Université de Cambridge, dans un communiqué. « Mais la vérité c'est que, si les émissions provoquées par le trafic aérien sont importantes, la production de béton et d'acier, elle, est d'autant plus catastrophique. Évidemment, il s'agit des deux matériaux de construction de base aujourd'hui. »

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Le travail d'Oyen consiste à observer la nature, et à y puiser de l'inspiration. Quand le défi consiste à construire une structure solide et soutenable, elle emploie donc la même méthode. Au lieu de dépenser des quantités d'argent pour « verdir » des matériaux non durables, c'est-à-dire leur donner l'apparence de matériaux écologiques dans une démarche purement cosmétique, Oyen a choisi de mettre au point un tout nouveau matériau. Ses recherches, qui ont reçu un financement de l'armée américaine, consistent à crée de l'os et de la coquille d'œuf synthétiques.

À masse similaire, l'os est en réalité plus solide que l'acier, et un décimètre cube d'os peut supporter quatre fois la charge d'un décimètre cube de béton. Cette solidité provient d'un agrégat de protéines et de sel insoluble, ou « hydroxyapatite, » qui lui procure à la fois rigidité, légèreté et résistance. Dans un fémur humain, par exemple, ce minéral participe pour moitié de la masse totale de l'os, tandis qu'une coquille d'œuf contient environ 5% de protéines et 95% du minéral en question.

En utilisant ces ratios comme base de travail, Oyen et son équipe ont réussi à produire des échantillons d'os et de coquille synthétiques en « façonnant » l'hydroxyapatite à partir d'un substrat de collagène naturel.

« Ce qui est très intéressant, c'est que les minéraux « osseux » se déposent le long du substrat de collagène, et les dépôts de coquille, à l'extérieur de l'épaisseur du collagène, et de manière perpendiculaire, » explique Oyen. « Cela permet de supposer que les deux composites pourraient être combinés pour réaliser une structure en treillis, dont la résistance serait encore accrue. C'est en tout cas la piste qui nous intéresse. »

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Les ingénieurs expliquent que cette technique pourra être utilisée à plus grande échelle avec un peu de temps et de travail ; le seul problème est qu'elle exige d'utiliser du collagène animal comme source protéique. Il faudra donc poursuivre l'expérience en utilisant des protéines qui ressemblent davantage à celles qu'utilise le corps humain, comme les polymères synthétiques. Il est également difficile de prévoir si la production d'os artificiel coûterait plus cher que celle du béton ou de l'acier.

L'expression « ville d'os » vous fait-elle penser à ce genre de choses ? Image: Flickr/David Staedtler

Il y a encore beaucoup d'inconnues, et il est impossible de déterminer si nous pourrons construire des bâtiments en os synthétiques dans le futur. On ne sait pas non plus si l'industrie de la construction sera prête à abandonner les matériaux traditionnels au profit de matériaux d'avant-garde qui n'ont pas encore fait leurs preuves et ont un aspect très différent de ce que nous connaissons actuellement. Même le bois, qui est pourtant l'un des matériaux de construction les plus écologiques qui soit, commence tout juste à être adopté par les urbanistes.

« En matière de construction, le béton et l'acier sont maintenant nos seuls repères. Construire des bâtiments avec des nouveaux matériaux signifie repenser l'ensemble de cette industrie, » ajoute Oyen.

« Si vous voulez prendre des mesures radicales pour limiter les émissions de carbone, c'est pourtant ce qu'il faudra faire. Il n'y aura pas de changement léger et graduel possible. Il faut tout remettre à plat. »