Le producteur derrière plusieurs classiques du rap keb sort de l’ombre
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Culture

Le producteur derrière plusieurs classiques du rap keb sort de l’ombre

DJ Manifest souhaite profiter de 2018 pour se mettre sur le devant de la scène.

Avec plus de 15 ans d’expérience dans le hip-hop, DJ Manifest est principalement connu pour ses talents de DJ et de producteur pour le rappeur Koriass. VICE est allé rencontrer celui qui se cache derrière certains classiques du rap keb d’hier et d’aujourd’hui.

« Un des souvenirs les plus marquants de ma carrière remonte en 2008, à l’époque des Racines dans le béton , le premier album de Koriass. Dès le départ, on pensait que ce projet allait faire beaucoup de bruit. On avait fait beaucoup de concerts dans des petites salles, mais on n’avait pas encore eu véritablement de gros bookings. On s’est retrouvés invités aux FrancoFolies pour jouer devant près de 4000 personnes. C’était énorme pour des gars qui n’avaient jamais connu ça! Chaque artiste qui a vécu ce type de show s’en rappelle toute sa vie. Tu restes sur un high pendant plusieurs jours. C’est comme une drogue, t’as envie que le buzz ne s’arrête jamais », se souvient DJ Manifest.

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Pour tout bon fan de rap keb qui se respecte, il est difficile de passer à côté de la carrière de Félix Bourdon, alias DJ Manifest, qui vient de fêter sa 16e année d’activité. Après avoir été influencé par des classiques comme La force de comprendre de Dubmatique et Mentalité Moune Morne de Muzion, il se lance dans le djing à travers la radio communautaire CIBL en 2000. Cette aventure lui permettra de sortir son premier classique en 2001, la mixtape Free 4 All rassemblant autant des rappeurs francophones qu’anglophones. « C’est une de mes mixtapes les plus populaires, il y a des gens qui m’en parlent encore aujourd’hui! »

Avec ce premier succès et son ambition grandissante, il s’intéresse davantage à la production, notamment sous l’influence de ses deux modèles : DJ Choice et DJ Jazzy Jeff. « C’est très demandant d’être à la fois DJ et producteur, les meilleurs sont souvent ceux qui s’appliquent à 100 % dans un seul de ces domaines. T’es pas forcément un bon producteur si t’es un bon DJ, et vice-versa, mais moi je voulais être les deux! »

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Alors qu’il est investi à fond dans la production, il connaît son premier véritable succès avec le groupe de rap l’Assemblée et le titre à saveur reggae Turn Your Head Around, devenu tube de l’été 2005. « On avait réussi à placer cette track à la radio commerciale et notre vidéoclip jouait en boucle sur MusiquePlus. C’était assez fou comme feeling. » Un succès qui l’a étiqueté producteur reggae quelque temps. « Ce genre de production est devenu à la mode et plusieurs artistes m’ont demandé de leur produire des instrumentales dans cette vibe. J’ai ensuite voulu un peu m’en distancier parce que j’avais d’autres objectifs en tête dont essayer d’exporter ma musique aux États-Unis. »

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Un souhait qu’il tente de réaliser au milieu des années 2000. Son plus grand fait d’armes : le placement d’une de ses chansons dans la bande originale du célèbre jeu vidéo d’Electronic Arts Def Jam: Fight for NY. Un jeu de combat où vous pouvez incarner vos rappeurs préférés de l’époque comme Method Man & Redman. « Dans ces années-là, je travaillais avec le rappeur montréalais Bless. Il faisait beaucoup de voyages à New York et il avait beaucoup de facilité à se vendre, lui et sa musique. À travers les contacts qu’il a développés, il y avait beaucoup de gens influents, dont certains qui travaillaient chez Def Jam Recordings. Une chose en entraînant une autre, un des morceaux que j’ai produit pour lui s’est retrouvé dans le jeu. Là où il est très fort, c’est qu’il a non seulement réussi à placer de la musique, mais aussi eu droit à son propre personnage dans le jeu. Ça reste pour le moment le seul rappeur montréalais anglophone à avoir percé aux États-Unis! »

Une occasion qui lui a permis de pousser encore plus pour travailler aux États-Unis. « Il y a des A&R de Def Jam à qui j’ai pu faire écouter ma musique. J’ai eu des productions qui ont été mises en attente sur des projets de Ludacris et de 50 Cent, il y avait de l’intérêt, mais finalement ça ne s’est pas fait. » Il retentera l’expérience américaine à travers deux collaborations avec son ami Frenchi Blanco et deux membres du Wu Tang Clan : Inspectah Deck et Killah Priest. « C’était vraiment un sentiment unique d’être en studio avec des gars du Wu Tang! On a même pu faire une tournée de quelques dates au Québec avec Killah Priest. C’était le fun, mais ça n’a pas vraiment débouché sur autre chose. »

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Puis vint l’aventure avec Koriass qui fut un tournant dans sa carrière. « Je me suis associé avec lui en 2008, il voulait faire un album, et moi, j’avais du succès en tant que producteur, donc on a décidé de team up. J’étais très affilié à lui parce que j’étais son DJ en spectacle en plus d’être son producteur. Il y avait un petit côté Gang Starr : il était Guru et moi DJ Premier. On s’est démarqués assez rapidement notamment grâce à nos concerts où on réussissait à raconter une histoire et tout le public embarquait dans notre univers. Je me souviens que notre chanson Pump It Up faisait lever les foules. »

Une collaboration de presque dix ans qui a pris fin l’année dernière. « J’en garde que des bons souvenirs, mais on arrivait à la fin d’un cycle. Il a progressivement produit la quasi-intégralité de ses instrumentales et sur scène il a commencé à jouer avec un band. Il n’avait plus forcément besoin de moi. Notre plus grand but, c’était de percer en France, on est allés quatre fois ensemble en 2015 et ç’a été difficile. On a pris ce qu’on nous donnait, mais ça n’a pas forcément fonctionné autant qu’on aurait voulu. »

Après quelques mois de répit, il a repris du service auprès de la nouvelle génération, que ce soit en tant que DJ de Lary Kidd ou à travers son association avec le beatmaker Lowpocus. « Pour moi ça a toujours été important d’avoir un œil sur la relève parce que je suis un fan de musique et j’aime découvrir ce qu’il y a de nouveau ou de peu connu. C’est quelque chose d’important pour moi et ça me motive en tant que producteur à sortir de ma zone de confort pour pourquoi pas travailler avec des artistes plus jeunes si je trouve qu’une collaboration peut être intéressante. J’essaye de ne pas être le gars qui va dire que le rap c’était mieux avant. »

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Une implication avec la jeune génération qui pourrait accoucher de futurs classiques, comme la chanson Réel de Joe Rocca qu’il a produite avec Lowpocus. « On est arrivés à saisir un moment bien spécial en plus de réunir trois générations de rappeurs sur la chanson avec Joe, Mike Shabb et Imposs. Sur cette track, tu vois vraiment que le rap n’est pas une question d’âge, mais une question de talent. Ça vient de sortir, c’est tout chaud, l’avenir nous dira si c’est un classique. »

Après avoir été un homme de l’ombre au service du rap keb toute sa carrière, DJ Manifest souhaite profiter de 2018 pour se mettre sous les projecteurs. « Je vais utiliser cette nouvelle année pour me mettre davantage en valeur. Je prévois de sortir un EP avec Lowpocus dans les prochains mois, continuer mes placements auprès des meilleurs rappeurs de la province, mais aussi essayer de produire pour des rappeurs français, belges ou suisses. J’ai travaillé avec tout le monde ici et c’est bizarre, mais j’ai l’impression d’avoir un peu fait le tour. Je cherche désormais à ce que ma musique dépasse les frontières du Québec pour de bon. »

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