Bol de ramen de Tokyo

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Food

Le guide des ramens de Tokyo par les étrangers qui les mangent

Si vous ne savez pas lire le japonais, débusquer la meilleure soupe de nouilles tokyoïte est une putain de gageure. Mais ça, c'était avant l'application Ramen Beast.

Tokyo est une ville « bon délire ». Parmi les obsessions qu’on y développe, la plus visible et envahissante concerne la bouffe. Une multitude de restos et de sous-cultures culinaires permettent de satisfaire les tribus de « nerds », mais une cuisine de niche se distingue par sa grande diversité et la ferveur de ses paroissiens : les ramens.

Pour les touristes – ou n’importe quel quidam qui ne lit pas le japonais – débusquer la meilleure soupe de nouilles de la ville est une quête méga intimidante. Au peu d’informations disponibles en anglais s’ajoutent les constantes et rapides mutations de la scène locale. Ça, c’était avant que Patrick Brzeski et Abram Plaut ne débarquent. Ces deux fondus de ramens sont immergés dans le dashi depuis plus d’une décennie, s’imprégnant de la « food mania » tokyoïte.

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Brzeski est un gars du Wisconsin – accessoirement rédacteur en chef du bureau Asie au Hollywood Reporter. Plaut déboule de Californie. Il tenait une rubrique hebdomadaire sur les ramens dans la version japonaise de Playboy. Aujourd’hui, il apparaît régulièrement à la télé sous l’étiquette d’expert es pâtes nippones et vient d’ouvrir son propre restaurant de ramens à San Francisco, baptisé Mensho Tokyo. Avec leur complice japonais Hiroshi Shimakage, ils ont décidé de lancer Ramen Beast, la première application en anglais qui offre un vrai panorama de la nouille. Grâce à une base de données d’environ 10 000 bols engloutis, l’appli sera disponible mi-avril et répertoriera 150 adresses : du délicieux à l’audacieux en passant par le plus chelou.

Niboshi ramen du Tsujita Oku No In à Niboshi. Le bouillon est fait à base de petites sardines séchées. Un concentré de saveurs.

MUNCHIES : Ça fait plus de dix ans que vous êtes à Tokyo. Qu’est-ce qui vous a séduit ? Abram Plaut : C’est le « turfu ». On ne boxe pas dans la même catégorie. C’est tellement dingue et si différent de ce qu’on peut trouver partout ailleurs dans le monde. La qualité de vie est exceptionnelle, les choses sont gérées sans anicroche, c’est propre, sécurisé – et en plus de tout ça, on y trouve la meilleure bouffe du monde, selon moi. Tokyo, c’est la Mecque des ramens. C’est le meilleur endroit du monde si vous aimez ça.

Dans cette ville obsédée par tant de bouffe différente, pourquoi les ramens ? Abram Plaut : Dans la cuisine japonaise, la plupart des autres spécialités n’ont pas la liberté des ramens. Il y a une bonne et une mauvaise manière de cuisiner donc si vous restez cantonné à un genre, qu’importe l’endroit où vous allez, vous constaterez que les saveurs ne changent pas énormément. Avec les ramens, vous n’avez pas ces limites.

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Patrick Brzeski : Une des choses que j’adore avec la scène culinaire ici, c’est que le chef d’un petit resto peut être super connu – genre célébrité locale – vous pourrez toujours manger chez lui pour 7 $. À l’origine, le bol de ramens est un plat destiné à la classe ouvrière et je crois qu’il a gardé cette identité aujourd’hui. La seule comparaison qui me vient à l’esprit, c’est la bière artisanale : un truc de travailleur élevé à un haut niveau d’expertise avec parfois des déclinaisons farfelues mais qui reste accessible pour tous. En plus, se retrouver au milieu de la nuit dans un resto de ramens, entouré par quelques salariés se sifflant des Asahi, ça a son charme.

Katsuura Tantanmen agrémenté d’huile de poivrons et de ciboulette chinoise, chez Bingiri in Ogikubo. Ça arrache.

L’appli propose un large spectre de ramens, des versions traditionnelles et d’autres à la pointe de la création. Quel est le ramen le plus fou que vous ayez testé ? Abram Plaut : Le monde des ramens est tellement inventif et fou, c’est sans fin. Rien qu’à Tokyo, il y a entre deux et trois cents endroits qui vendent uniquement des ramens. Dans le lot, vous allez automatiquement tomber sur des trucs bien barrés. Certains restos ont des règles un peu chtarb. D’autres sont tenus par des gros coincés de la soupe qui n’utilisent que des ingrédients chelou. Certains cuisiniers portent des masques et des déguisements assortis.

Je connais un célèbre chef qui a lancé des invitations pour venir déguster en privé un ramen de criquets. Je pensais qu’il allait nous servir un bol classique au poisson ou au porc avec des criquets par-dessus. Mais en fait, les criquets étaient la base du dashi, et c’était le porc qui servait de « topping » ! Quand on est rentré dans le resto, ça sentait vraiment l’animalerie – vous voyez cette odeur un peu moisie. C’était dégueulasse. [Rires.] Mais il voulait surtout nous prouver que c’était une alternative viable. On peut vraiment faire un ramen avec des insectes. Il voulait juste nous montrer l’étendue des possibilités.

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Patrick Brzeski : Il y a des ramens à l’ananas, à la téquila, un resto appelé « big boobs » où l’on est servi par une ancienne star du porno qui porte des décolletés ultra plongeants et, euh, secoue sa poitrine en même temps qu’elle mélange les nouilles. Il y a aussi des ramens à la pizza, des ramens à la crème glacée. Il y a un spot où tout ce qui est servi est vert… Il se passe des trucs dingues au Japon.

Kurogi shio ramen cuisiné par Nagi, lel chef du Nagi Golden Gai. Le dashi soup contient des criquets japonais futahoshi crickets—ce qui donne au bouillon sa couleur marron foncée. Au-dessus, on voit quelques criquets séchés et du lard de porc.

C’était quoi votre plus longue attente pour choper un bol ? Patrick Brzeski : Moi, je dirai trois heures. C’était à Michi, dans un coin qui sert des tsukemen. C’était l’été et la chaleur était intenable. Mais ça valait vraiment le coup. Je sais qu’à Tsuta, le resto à Sugamo qui a obtenu une étoile au Michelin, il faut attendre au moins quatre heures.

Abram Plaut : Je n’aime pas particulièrement faire la queue, donc si je sens que je vais devoir mariner plus d’une heure et demie, je me dis « Va te faire, tant pis ». Plus que l’attente, c’est le trajet qui est important. J’en suis arrivé à un stade où j’ai testé tous les endroits qui sont à moins d’une heure de trajet de chez moi. Maintenant, je m’attaque à ceux qui sont au moins à une heure et demie. Je mets entre quatre et cinq heures pour quinze minutes de dégustation. Chaque bol est une aventure.

Merci pour cette discussion.

Le Guide Ultime des Ramens tokyoïtes par Ramen Beast

Impossible de prétendre qu’il s’agit là des meilleurs ramens de tout Tokyo, mais voici une petite sélection de différents styles de ramen, entre tradition et innovation. Il y a trop d’excellentes gargotes pour en sortir une du lot. Les différents endroits choisis ne sont pas trop excentrés du centre-ville, ce qui en fait une liste adéquate pour des gens qui n’ont que quelques jours pour visiter Tokyo.

Kikanbou et son miso épicé, à Kanda Ce lieu ose tout, que ce soit dans la déco ou dans le bol. Kikanbou signifie « batte cloutée », une arme utilisée par les « oni », les démons dans le folklore japonais. Ces sheitans locaux nous accueillent en peinture à l’extérieur du resto. À l’intérieur, la sono balance en continu le rythme d’un tambour taiko. Kikanbou est surtout connu pour son ramen miso épicé avec du tonkotsu – avec assez de poivre du Sichuan pour paralyser l’intérieur de votre bouche. Vous pouvez choisir votre degré de souffrance. Un morceau d’épi de maïs grillé trône au-dessus du bol. Le resto facile d’accès se situe à Kanda, sur la ligne Yamanote.

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Tonkotsu à la hakata chez Buta Yarou à Nakano. Crémeux comme il faut.

Mugi To Olive, à Ginza L’adresse est encore une fois assez centrale et accessible. Son atmosphère correspond parfaitement au quartier « posh » de Ginza. Mugi to Olive propose une délicieuse soupe mélangeant poulet, palourdes hamaguri et niboshi (des bébés sardines séchés). Arrivé à la moitié du bol, vous ajoutez une lichette d’huile d’olive qui change carrément tout le goût des ramens. C’est un bon exemple des innovations de la scène culinaire qu’on a vu émerger depuis une dizaine d’années.

Wontonmen chez Hayashimaru à Koenji. Les nouilles et les wontons sont faits maison. Nickel.

Michi, à Kameari Il faut aller au Nord-Est de Tokyo, donc c’est une petite escapade. Le lieu a été désigné « meilleur resto de ramens de 2015 » sur l’un des forums en ligne dédié à la bouffe les plus utilisés au Japon. N’espérez pas attendre moins de deux ou trois heures. Michi est l’un des meilleurs spots à tsukemen – notamment son tonkotsu-gyokai (à base d’os de porc et d’algue). Rien à dire niveau présentation. On se croirait devant un kaiseki – le top level de la gastronomie japonaise. De la découpe des ingrédients au service, tout est impeccable. C’est bizarre que Michi n’ait pas obtenu d’étoile au Michelin, parce que c’est vraiment une expérience de gourmet.

Chashumen chez Sobayoshi à Kashiwazaki, Niigata.

Menya Shichisai, à Hatchobori En plein cœur de Tokyo. On y sert un très bon ramen kitakata au shoyu. Ce qui démarque le resto des autres, c’est un truc qui sort de l’ordinaire. Toutes les nouilles teuchi temomi sont préparées après la commande du client. Des nouilles faites maison, c’est assez courant dans l’élite des restos de ramens, mais là, elles sont faites devant le client, en temps réel. C’est un concept novateur et plutôt « badass » pour la scène culinaire tokyoïte. Leurs nouilles font partie des meilleures. Point barre. Essayez donc de choper une place près de l’endroit où ils font les pâtes pour ne rien rater du spectacle.

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Yamaguchi, à Nishi-waseda Vous pourrez y déguster l’une des déclinaisons du ramen les plus en vogue de Tokyo depuis deux ans : le tori soba. C’est un ramen shoyu avec de l’huile de poulet et de très fines nouilles. Avec ce genre de base, on a des toppings généralement assez classes : du chashu très bien préparé, du tori chasu, un œuf et du menma.

Higashi Ikebukuro Taishoken, l’inventeur du tsukemen.

Ramen Snack Bar Izakaya, a.k.a. Oppai Ramen En Japonais, Oppai signifie « gros seins ». La propriétaire du lieu est une ancienne star du porno/mannequin de charme, qui est devenue pote avec plein de maîtres ramen. Elle porte des décolletés très échancrés et semble volontairement accentuer son inclinaison quand elle sert des bols aux clients. Elle est très marrante, daube sur tout le monde et gère autant un « snack bar » qu’un resto de ramens. On ne peut pas débarquer et commander des nouilles comme ça. Il faut commander quelques verres avant – c’est typique de la culture du « snack bar » au Japon. Ce serait très impoli de grignoter et de vous tirer. Elle vous proposera un ramen naturellement si elle apprécie votre compagnie. C’est un shio clair avec du negi et un peu de citron vert. Très satisfaisant au goût.

Hiyashi chūka, chez Senrigan à Higashi-Kitazawa. Ce bol n’est servi qu’en été pendant deux mois. Abram a pu le déguster alors qu’il tournait une émission pour la télé japonaise dans lequel il faisait office de gaijin expert en ramen.

Hayashi, le meilleur ramen de Shibuya Les quartiers branchés de Tokyo sont souvent dépourvus de bons endroits où manger des ramens parce que les loyers sont bien trop chers. Il n’y a que les grandes chaînes qui peuvent se permettre de s’implanter à Harajuku ou à Daikanyama. Hayashi fait donc exception : vous pouvez y manger un très bon bol à cinq/dix minutes à pied du métro Shibuya. Le chef sert un ramen double, tonkotsu et gyokai. Le chashu est très consistant et l’œuf cuit à la perfection. C’est ouvert tous les jours mais seulement pour le déjeuner. Et il y a la queue tout le temps.

Chuka soba avec du shoyu noir chez Yoshikawa à Kita-Ageo, Saitama.

Mensho Tokyo, à Korakuen près du dôme de Tokyo C’est le restaurant phare de maître Shono, le partenaire d’Abram pour son restaurant de ramens qu’il a ouvert à San Francisco, Mensho Tokyo SF. Shono possède sept restaurants à Tokyo. Chacun propose une carte différente et fait salle comble. Ici, c’est la maison mère. La spécialité ? Le tonkotsu à l’agneau. Et comme le dit Abram, c’est une « putain de bonne idée ».

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