DHK : « À Lima, pour survivre, tu dois te comporter comme un rat ! »
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DHK : « À Lima, pour survivre, tu dois te comporter comme un rat ! »

Malgré le trafic de drogue et la corruption qui gangrènent le Pérou, DHK, un des meilleurs groupes punk d'Amérique du Sud, veut croire à un avenir positif.

« Lima est une merde ! ». C'est la chanson la plus connue de DHK, sans aucun doute une des meilleures formations punk péruviennes, voire sud-américaines. Pilier de la scène punk de Lima, le trio D-Beat de San Juan de Lurigancho, la banlieue la plus dure de la capitale péruvienne, vient d'effectuer sa première tournée européenne, pas moins de trente dates avec un passage blitzkrieg en France (deux concerts dans l'Est).

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C'est toutefois chez eux que nous les avons rencontrés, quelques heures avant leur départ, chez Don Lucho, l'incontournable troquet du Centro Historico de Lima, où se côtoient rockers metalheads, étudiants et gangsters dandys fans de salsa. À une extrémité de la rue, la police anti-émeutes surveille les profs en grève qui manifestent depuis une éternité sur la Plaza San Martin. De l'autre côté du Jirón Quilca, le groupe de joyeux travelos qui tapinent indique le début du quartier rouge.

Devant le bar, Burro et Teo, le guitariste/chanteur et le bassiste de DHK retrouvent leurs potes. Une armoire à glace s'arrête à leur hauteur pour saluer chaleureusement les deux punks. Hilares comme des gosses, ils racontent qu'ils viennent de se chamailler avec un groupe de skins. Un peu tendue au début, la situation s'est finalement calmée d'elle-même. Tant mieux, un des tondus semblait fondu dans le même moule qu'un char Tigre.

Teo et Burro. Photo - Karen Müller

Noisey : Comment vous êtes-vous mis au punk ?
Teo : On s'est rencontrés en 2001 dans la rue. À l'époque, il y avait plus de concerts. On traînait souvent dans la rue, on participait à des manifs, ce genre de trucs. Avant DHK, on jouait dans Despareunia. J'étais attiré par le style de vie keupon. Pour moi, c'est une façon de protester sur fond de musique. Mais, plus que la musique, c'est vraiment le lifestyle punk qui me branche. Grâce au punk, j'ai l'impression que ma vie est plus intéressante et plus cool. Burro : J'ai une tante qui avait des disques de Rock subterr á neo [ rock underground]. Elle avait aussi des magazines rock. J'écoutais ses disques et lisais ses journaux. J'aimais le fait que les punks se rebellent contre le système et le nucléaire. C'est à ce moment que j'ai été séduit par l'anarchie, la rébellion punk et sa musique.

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Teo : Je suis très influencé par Generación Perdida. J'aime leurs paroles qui sont dures et intéressantes. Ils étaient très actifs dans la scène. Musicalement, nous sommes inspirés par MG 15, Anti Cimex et surtout Discharge.

Au fait, que veut dire DHK ?
Teo : Destruye – Huye – Krea : Détruis – Fuis – Crée.

La scène punk de Lima bouge bien mais elle semble moins importante que celles d'autres pays d'Amérique du sud comme la Colombie…
Burro : La scène de Lima n'est pas énorme. Les groupes sont surtout dans les barrios. Bien que Lima soit énorme [ la capitale du Pérou est la deuxième ville la plus étendue d'Amérique du Sud après S ã o Paulo], la scène punk est loin d'être aussi balèze qu'à Medellin [ ville qui compte pas loin d'une centaine de groupes punk]. Chez nous, il doit y avoir à peine 20 groupes, sans compter les trucs pop à la Offspring. Je trouve que c'est bien comme ça. Je ne partage pas le point de vue des gens qui estiment que plus il y a de groupes, mieux c'est. Quand tu as un paquet de groupes, il y a plus de merdes, de jalousies, etc. Ici, tout le monde se connaît, c'est agréable. Je trouve que c'est bien comme ça.

Dans les années 80, les punks et metalleux de Lima se fritaient allègrement. Ces jours-ci, la situation s'est calmée et les chevelus n'en ont plus rien à foutre de vous…
Burro : C'est dépassé tout ça ! Je cherche à être loyal envers les gens qui le sont avec moi, peu importe ce qu'ils écoutent ou comment ils se fringuent ! J'apprécie le metal et je suis très cool avec les metalleux, ils sont les bienvenus !

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Et les skins ? Ça avait l'air un peu tendu avec eux tout à l'heure devant le concert…
Burro : Il y a une scène skinhead qui est active depuis les années 90 voire les années 80. Ils font leurs propres trucs, ont leurs propres collectivos. Au début, ils étaient cools mais, au bout d'un certain temps, on en a vu qui ont commencé à faire des choses ridicules comme se promener dans les rues avec des drapeaux péruviens pour montrer qu'ils étaient fiers d'être Péruviens. Pour nous, ce comportement est assez risible. Mais on sait que tous les skins ne sont pas comme ça même s'il arrive qu'il y ait des bastons avec les boneheads. Là, comme quelques spécimens emmerdaient un pauvre gars, on s'est fait une joie d'intervenir… Rien de bien méchant !

« Lima de mierda ! » , votre hymne, donne une bonne idée de vos textes, qui sont plutôt abrasifs, disons.
Burro : Nos paroles parlent de notre vie. Nos textes peuvent être violents quand ils parlent de politique ou des flics. On essaie d'être créatifs mais souvent on privilégie l'impact des mots. Certains groupes parlent de choses qu'ils ne vivent même pas. Pour nous, faire un groupe est un moyen de raconter ce qu'on vit et ce que nous ressentons.

Photo - Karen Müller

Avec le gramme de coke à moins de six euros, la pasta à de s prix symboliques, on imagine que la drogue est partout dans le milieu rock…
Burro : Les drogues sont effectivement partout. Je pense qu'elles n'apportent rien à la vie mais je respecte les gens qui en prennent pour combattre leurs problèmes. Je n'ai aucune légitimité pour les juger. Les gens doivent affronter tellement de merdes… Mais il faut savoir que la cocaïne est nuisible. Au-delà de la violence qu'elle génère, cette merde contamine la terre. On ne doit pas la comparer avec les feuilles de coca qui sont millénaires et doivent être respectées.

Le Pérou doit faire face à de nombreux problèmes. Quel est le plus important selon vous ?
Burro : Le premier problème, c'est la corruption. Les hommes politiques passent leur temps à voler. Les politiciens comme Alan Garcia, un de nos anciens présidents qui a pillé le pays, devraient être mis en taule. Mais les gens n'ont pas de mémoire ! Teo : Dans ce pays, on doit se battre tous les jours. Les gens ne nous estiment pas. Ils trahissent leurs amis pour baiser leur femme ou pour de l'argent. Il ne se respectent pas. Il devrait y avoir du respect entre les gens et entre le gouvernement et le peuple.

Burro : Lima est une ville violente. Les gens qui aimeraient vivre dans une jolie bulle sont vraiment au mauvais endroit. Ici, il faudrait tout de suite une révolution ! Le Pérou est un beau pays. Il y a plein d'endroits magnifiques et c'est un pays riche en matières premières et en produits naturels. Mais si tu vis à Lima, tu dois te comporter comme un rat. Même les gens qui viennent de familles aisées et qui ont pu faire de belles études ont du mal à réussir. Alors quand tu viens d'un barrio très pauvre ou d'une famille brisée par la dope… Mais ça ne veut pas dire que tu n'as aucune chance. Ça veut dire qu'il faudra que tu sois super-malin pour réussir et oublier ton horrible passé pour profiter des choses positives de la vie. C'est ça qui me plaît dans le punk : il supprime les aspects négatifs de la vie et te permet de repartir à zéro pour être quelqu'un de positif ! Olivier Richard est sur Noisey.