Le dernier Noël de Dimebag Darrell

Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion de rencontrer une de vos idoles absolues. Moi oui, et croyez-moi, la plupart du temps, ça craint. Ces demi-Dieux s'avèrent souvent être franchement pénibles, hyper désagréables et beaucoup moins impressionnants que sur les photos de presse. Et ça, je peux vous le garantir, parce que je suis justement photographe de presse. Mon job consiste à rendre ces mecs suffisament cools pour les pages des magazines. J'ai souvent été déçu, mais en 2003, quand j'ai rencontré Dimebag Darrell, le guitariste de Pantera, les choses se sont passées différemment. J'ai fait plusieurs sessions photo avec Dimebag pour des magazines de guitare et, à l'issue de la deuxième, il m'a invité à passer le réveillon de Noël chez lui, à Arlington, Texas.

Je suis donc arrivé chez lui le 24 au soir—j'ai tout de suite reconnu sa maison parce que c'était la seule de tout le quartier avec un énorme drapeau confédéré sur le toit. Je m'attendais à une bacchanale où la drogue allait couler à flots en l'honneur du Dieu Dimebag, mais quand sa femme Rita m'a ouvert la porte en tablier, j'ai réalisé que ça allait être un vrai réveillon de Noël. J'ai bu des tas de blacktooth grins, le cocktail-maison de Dimebag qui consiste en un mélange de deux whiskys (du Seagram’s Seven Crown et du Crown Royal) avec un peu de Coca. Il y avait des types en catogan et de meufs en jeans sans poches, et Dimebag passait son temps à distribuer des cadeaux empilés sous un énorme sapin blanc inversé.

« Matt ! », il a hurlé quand il m'a vu arriver, « bienvenue à la teuf ! » Quelques minutes plus tard, les lumières se sont tamisées et une machine à fumée située sous le sapin s'est mise en route. Quelqu'un à mis Black Sabbath sur la chaîne du salon et la fête à commencé. Un des potes de Dimebag a ramené un panneau STOP complètement défoncé, volé au cours d'une virée dans sa camionnette pourrie. Jerry Cantrell d'Alice in Chains s'est pointé tard dans la soirée, avec un paquet cadeau duquel il a sorti un sachet de poudre blanche de la taille d'un poing, avec un billet de 1 dollar roulé en tube scotché dessus. Autant dire que tout le monde a passé un chouette Noël blanc.

J'ai gardé ces photos dans un tiroir toutes ces années, et je me suis dit qu'il était peut être temps que je les partage avec d'autres gens. Un an après cette soirée, Dimebag a été tué sur scène, de plusieurs coups de feu, par un fan dérangé. Je crois qu'on devrait garder cette image de lui. Celle d'un mec tout simplement heureux de vivre et toujours prêt à faire plaisir à ses proches, entouré de meufs en jeans sans poches, de cocktails débiles et de panneaux défoncés par des mecs en camionnette.