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Le chanteur de Trap Them est la seule personne dont la presse musicale aurait dû parler cette semaine

Pendant que vous vous pignoliez sur le retour de Justice et de Leonard Cohen, ce type se cassait les deux pieds sur scène, terminait son concert et continuait sa tournée assis sur une chaise. On est allés passer un moment avec lui.

Ça s'est passé le 15 octobre, il y a quelques jours à peine. Trap Them joue au Bloodshedfest, à Eindhoven, aux Pays-Bas. C'est la deuxième date de leur tournée européenne. Ryan McKenney, le chanteur du groupe, monte sur une enceinte un peu plus imposante que ce qu'il imaginait. Environ 5 mètres, nous dit-il. Soit une hauteur suffisante pour qu'il se casse les deux pieds, se ramasse un oeil au beurre noir et s'explose l'arcade sourcilière en retombant sur scène .  « Ça faisait à peine 10 minutes qu'on était sur scène », raconte-t-il, calé dans un fauteuil en cuir aux Boston Music Rooms, un grand pub du nord de Londres, où Trap Them joue ce soir. « Mais on a continué. Il n'y avait pas moyen qu'on s'arrête. On a joué le temps prévu, 45 minutes. » Ce soir, il jouera sur une chaise roulante et le concert durera une heure.

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Ryan McKenney sur scène après l'accident, avec les deux pieds cassés.

Sur scène comme sur disque, Ryan est une putain de machine. On l'a souvent vu finir ses concerts en sang et toutes les photos promo de Trap Them montrent un homme qui semble avoir été broyé par un tractopelle mais qui est malgré tout prêt à affronter une armée seul, à mains nues s'il le faut. Aujourd'hui, devant moi, c'est un juste un type extrêmement drôle, capable de se moquer de lui-même, et totalement relax. Les anti-douleurs n'y sont peut être pas pour rien.

« Les hôpitaux nééerlandais sont vraiment géniaux », dit-il en souriant, quand je lui demande de me raconter ce qu'il s'est passé cette nuit-là à Eindhoven. « Il n'y a pas un moment où on m'a regardé de travers parce que j'étais couvert de sueur, de sang et que j'avais 'We're fucked' tatoué sur les genoux. Tout le monde a été hyper gentil avec moi. Les docteurs et les infirmières savaient que j'allais en chier pendant des mois après ça. Ils étaient tellement attentionnés. J'avais l'impression d'être dans un hôpital pour enfants. »

Difficile en tout cas de ne pas faire le lien entre cette situation et celles que Ryan décrit sur le nouvel album du groupe, Crown Feral – un disque marqué, comme les précédents disques de Trap Them, par les thèmes de la violence, de l'échec et de la fuite en avant.

« Je n'avais rien prévu, je n'ai pas réfléchi une seconde. J'étais porté par l'énergie, je l'ai fait, c'est tout. Et parfois, dans ces moments-là, tu fais des mauvais choix, de très mauvais choix », lâche-t-il. « Le truc, c'est que ce genre de conneries m'arrive depuis des années, depuis le jour où je suis monté sur scène. Et comme je vais continuer—parce que je suis coincé, je ne peux faire autre chose que de la musique—ça risque d'aller en empirant, sans même que je m'en rende compte. Ça va être de plus en plus violent. »

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« Coincé », c'est le mot. Aucun espoir de voir un jour Trap Them aux Grammys ou en couverture des magazines. Leur deathcore est plus furieux, incandescent et sans compromis à chaque nouvelle sortie, même si Darker Handcraft, leur troisième album sorti en 2011, a introduit un son nettement plus direct et accessible, entre rock 'n' roll et post-hardcore.

« Je ne me suis jamais fait d'illusions, je n'ai jamais fait de plans sur la comète avec ce groupe »,raconte-t-il. « Je n'ai de toute façon pas besoin de grand chose pour vivre. Je n'ai pas de besoins très compliqués, je ne collectionne rien. Dans ma chambre, tout ce que tu trouveras, c'est un futon et une télé. Rien d'autre. À chaque fois que mon coloc' rentre dedans, ça le fait halluciner. Et je luis fais : 'Non, t'inquiètes, c'est OK, je suis comme ça.' Et lui me répond : 'Mais non ! Ce n'est pas OK ! Tu as besoin de choses !' Mais c'est le cadet de mes soucis. »

Trap Them sort un nouveau disque tous les deux ou trois ans. Ce qui me pousse à demander à Ryan ce qu'il fait quand il ne tourne pas et n'enregistre pas.

« Je suis chasseur de trésors », répond-il. « Je déniche des trucs, je les revends. Mais je ne m'intéresse pas aux disques ou à ce genre de choses. Mon truc, ce sont plutôt les décorations de Noël. Je suis spécialisé dans les objets chelous, débiles, marrants. C'est sans doute pour ça que je ne possède rien : je les pose 2-3 jours sur une étagère, le temps de les vendre, du coup j'ai l'impression qu'ils m'ont appartenu. Ça me suffit amplement. »

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« Ça me prend pas mal de temps », poursuit-il. « Parce que je n'ai pas de voiture et que j'adore marcher, donc je peux marcher 15 ou 20km par jour quand je ne suis pas avec le groupe… Même s'il est évident que je ne ferai plus ça avant un moment ! », s'exlame-t-il, hilare, en me montrant ses pansements.

Si Ryan marche 15 ou 20km par jour, ce n'est pas seulement pour trouver des objets à revendre. C'est aussi et surtout parce qu'il est atteint par ce qu'il décrit comme un « trouble de déficit de l'attention avec hyperactivité particulièrement sérieux. »

« Tout ce que je pourrais faire en 3 heures, je me force à le faire en 15, histoire d'avoir le moins de temps libre possible. Parce que ce temps là, je vais le passer chez moi à gamberger. »

La réponse est glaçante. D'autant plus glaçante que Ryan est un type affable, drôle, qui semble capable d'interagir avec à peu près n'importe qui. « C'est génial de voir que des tas de gens s'intéressent à ce que tu fais et viennent te voir sur scène », me dit-il. « Et en même temps, c'est totalement abstrait pour moi. Je trouve ça super et j'adore ça mais je vis tellement en marge de tout ça que je suis incapable de me raccrocher à ça. »

« Il y a des soirs où j'ai envie d'aller voir les gens dans le public, de les serrer dans mes bras et de leur dire 'Merci d'être venus, c'est vraiment cool et c'est hyper bizarre pour moi parce qu'en temps normal je ne parle quasiment à personne'. Mais je ne suis pas ce genre de personne. Je trouve ça génial et en même temps hyper gênant. » Il éclate de rire. « Génial et hyper gênant », répète-t-il en regardant ses pansements et la pièce où on est assis. « C'est exactement ça ! Ça résume tellement tout. »

Alistair Lawrence est sur Twitter.