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Music

Week-ends sauvages !

Entre 1981 et 1990, Olivier Claisse a suivi La Souris Déglinguée partout avec son appareil photo, un âge d'or immortalisé dans un livre qui sera publié par Serious Publishing à la rentrée.

Olivier Claisse en 1989, aux côtés de Mickson et Marco du groupe Wunderbach Par où commencer avec La Souris Déglinguée ? Comme on vous le disait il y a quelques mois, les vieux rockers de Paris-Banlieue tiennent bon depuis 1976, ont connu toutes les phases de la musique électrique française, vécu tous les mouvements, expérimenté tous les genres (même le rap), séduit tous les publics (même celui de Jacques Martin) et bien que la civilisation des guitares soit peut-être en train de pousser son dernier râle, le groupe enregistre, joue et parle toujours. Le respect qu'il inspire, aux vieux seigneurs comme aux jeunes cons (et inversement), n'est qu'un juste retour des choses pour un groupe qui malgré le lissage de leur son au fil des années a su rester droit dans ses rangers et n'a jamais renié ses premiers amours : la rue, la bande, l'Asie. Quand ils chantaient « Le Parti de la Jeunesse » en 1984, ce n'était pas pour rameuter du fan lycéen, mais pour pousser une nouvelle gueulante contre « les adultes qui bloquent la ville » et confirmer leur plan de bataille : vivre libre et ne jamais mourir. Leur dernier concert (sold out) à l'Olympia prouve encore une fois qu'ils n'ont jamais eu besoin de rien ni personne pour rallier « les rats et les belettes » à leur cause. 40 ans après leur première répète, LSD n'est toujours pas récupérable, même par les agences de pub !

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Pour ajouter un nouveau chapitre à l'épopée lysergique (13 albums studios et autant de lives depuis 1981), l'excellente maison d'édition Serious Publishing a voulu combler ce qui manquait au groupe : un livre. Tout juste financé (à 196 % !) via Ulele, Week-ends sauvages sortira à la rentrée et couvrira la décennie 80 en 200 pages, entre archives, flyers, coupures de presse (provenant de la collection de Louis Thévenon en personne, co-fondateur de New Rose), textes (de Laurent Chalumeau et Jean-Eric Perrin) et photos, signées Olivier Claisse. Entre 1981 et 1990, Claisse était le photographe attitré du groupe, il les suivait partout et en a tiré de nombreux « snaps » encore inédits à ce jour. Après son passage dans la Raïa, il partira bosser pour le magazine de mode américain WWD avant de participer au lancement du site FirstView en 1996. Depuis, Il a également collaboré avec L'Officiel, Vogue, l'agence Gamma-Rapho ou encore le New York Times, et continue de couvrir tous les défilés de mode de la planète. On lui a demandé de revenir sur quelques uns des clichés du groupe que vous trouverez dans le livre.

Noisey : Par quel biais avez-vous commencé la photo ?
Olivier Claisse : J’ai commencé à photographier très jeune, vers 7/8 ans, avec les appareils de mon père. Puis mes parents m’ont offert un vieux Nikon F et je me suis beaucoup intéressé au photojournalisme. Puis plus tard, je me suis dit « pourquoi pas des groupes de rock », et surtout alternatifs. C’était le début des tournées à l’arrache, il y avait plein de groupes, des concerts et des festivals partout. Et c’était en parallèle l’ouverture des ondes aux radios libres. À quel moment avez-vous rencontré La Souris Déglinguée ?
J’ai rencontré Tai Luc et le groupe au Rose Bonbon, où j’étais le barman. Je les ai vus ensuite en concert, et j’ai fini par convaincre le patron de les faire passer dans la boîte. C’était LE lieu où jouer à l’époque ?
C’était unique, un concert par soir, plus des boeufs non-stop en fin de soirée. Le DJ Philippe était une pointure qui savait très bien comment garder l’assistance. J’y ai rencontré toute la scène rock mondiale qui venait après chaque gros concert parisien. Marc Barrière et Paul Flandrak savaient à merveille mettre de l’ambiance. C’était LA boîte !

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Qu’est ce qui vous a attiré en particulier chez La Souris Déglinguée ?
LSD avait autre chose, le son garage comme j’aimais. Ils étaient stylés et étaient en plus de gros déconneurs ! J’imagine que l’aura du groupe attirait pas mal d’autres photographes et journalistes. Comment vous partagiez-vous le gateau, si je puis dire ?
Je n’ai jamais été et ne serai jamais contre la concurrence. Dans le plaisir de photographier, tout le monde est libre de snapper ce qu’il aime. Mais à vrai dire, je n’ai à l'époque pas rencontré beaucoup d’affamés pour ce « gâteau »…

Ce sont les débuts du groupe, en 1981, un look très « Garçon moderne », comme la face B de leur premier 45 tours. Où a été prise cette photo ?
Au Pré Saint-Gervais (93), devant une église construite fin 1950 et abandonnée en 1970. On y allait pour faire du motocross sur la butte. Elle a été réhabilitée depuis, et la colline a disparu soud l’hopital Robert Debré. On avait décidé de faire la première photo de promo et l'affiche de la tournée vite fait, et je trouvais l’endroit extra pour y coller un tag. On l’a shooté vers 1 heure du mat. Et elle n'a finalement jamais servi.

L'évènement marquant de cette année, c'est le fameux concert qui tourne mal à l’Opéra Night…
J’y étais mais je n’ai plus trop de souvenirs : j’étais plus occupé à pogoter et à tenter d’échapper aux forces de l’ordre ha ha !

Gauche : Cette photo a été prise dans les loges du Rose Bonbon. Deuxième concert, avec Macadam Cowboy en première partie.

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Droite : Ammour, fan de la premiere heure, qui embrasse Jean-Pierre, le guitariste. Toujours au Rose Bonbon. Le groupe a toujours été suivi par de nombreux skinheads dans les années 80, c’était dur à gérer ?
Ils ont aussi été suivis par des punks, des rockers, des teddys, des bikers, des jeunes gens modernes… Personnellement, je n’ai jamais eu aucun problème avec qui que ce soit. C'est vrai que leur « rock de rue » touchait tout le monde. Comment vous définiriez leur musique ?
Ils jouaient un rock GARAGE. Même si, plus tard, ils ont tenté des escapades vers le ska, le reggae, le jazz et le swing. Ce qui ne m’a jamais déplu d'ailleurs. Qu'est ce qui vous plaisait vous, à cette époque ?
Eddie Cochran, Chuck Berry, Hound Dog Taylor, les Animals, les Doors, le Velvet, Lou Reed, Flamin' Groovies, Dr Feelgood puis ensuite UK Subs, les Ramones, les Clash…

Des souvenirs de cette pellicule ?
Oui, encore très nets. C’était sur la route pour un concert au West Side, à Lyon. Cette suite sur le même film avait pour but de donner une impression de van gigantesque, alors que c’était juste un Renault Trafic. Comment bossiez vous avec eux, vous aviez un budget pellicule, ou vous shootiez ce qui vous chantait ?
Je shootais beaucoup moins que n’importe quel péquin avec son smartphone. Une péloche faisait 36 vues, ou 38 si je la bobinais moi-même en tirant un peu. Une, deux pellicules max, devaient faire le week end. Est-ce qu'ils étaient à l'aise dans cet exercice d'ailleurs ? Vous leur demandiez de poser ?
C’est incroyable mais avec eux, ça passait tout de suite avec, sans chichis, et c’est ce que j’aimais. Les photos sont à l’arrache. La pose était de mise pour les sessions promo, sinon jamais.

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L'été dernier, LSD a été la proie d'une mini-polémique après un concert donné à Fréjus en compagnie d'un groupe de « rock identitaire ». Un quiproquo auquel Tai Luc avait magistralement répondu sur Facebook. Vous vous souvenez de situations similaires dans les 80's ?
Rock identitaire ? C’est quoi ? Rock, c’est Rock ! Le public des 80’s était de tous bords je pense, les gens étaient surtout là pour le gig. Moi le reste, je m’en tapais. Je ne suis que très vaguement au courant de cette histoire et je n’ai pas lu ce qu’a écrit Tai Luc. Il y avait forcément des groupes des deux extrêmes à l’époque, mais globalement, les organisateurs s’arrangeaient pour booker intelligemment les groupes. Vous vous sentiez proches de quels membres du groupe en particulier ? Comment était l’ambiance, ça gueulait parfois ? Est-ce qu’il est arrivé que l’un d’entre eux dise : « ah non, tu ne peux pas monter sur scène fringué comme ça » haha ?
J’étais proche de chacun d’entre eux, nous nous entendions tous très bien et si ça gueulait pour un problème, ce dernier ne devait être que commun donc la solution était commune. Et personne ne faisait de remarque sur le style vestimentaire !

Place de la République, 30 ans avant Nuit Debout. Vous avez un meilleur souvenir de concert avec LSD ?
La Fête de la musique du 21 juin 1986 à Montélimar, avec la légion comme service d’ordre et tout le monde qui écoutait religieusement… Aussi le concert de Montréal, avec chaque soir tous les groupes du festival présents en coulisse pour soutenir les autres… Et puis bien sûr l’Olympia en avril 1990. A côté de ça, certains concerts de MJC et de squats m’ont procuré mes meilleurs souvenirs photographiques.

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Vous parliez de quoi dans le Trafic, pendant les heures de route ?
On parlait de tout, de la vie, mais surtout pas de la retraite et des cotisations sociales… On rigolait bien, on était sérieusement libres. Comment réagissait le public à l’étranger, vu que les paroles de LSD font quand même plus de la moitié du boulot ?
L’étranger que j ai parcouru était essentiellement francophone. La tournée Rock en France a d’ailleurs été franchement au top. Je me souviens aussi d’un concert à Faverges, en Haute-Savoie, où les groupes ont rencontré les roadies dans un match de foot d’anthologie !

1989, au Bataclan, vous passez enfin à la couleur !
En fait, je faisais de la couleur depuis 1974. En 1981, au Rose Bonbon, je me suis même fendu d’une bobine Ektachrome, très chère à l’époque. Les sessions studio de 1983 sont également en couleur. Mais le noir et blanc reste le top. Sur cette photo, on retrouve toute la bande de LSD : l’Internationale Raya Fan Club.

1990. Les visages sont déjà plus burinés. C’était usant l’aventure LSD ? Ils étaient plutôt sexe, drogue ou 100 % rock’n’roll ?
Ils tournaient à la Kronenbourg ou au thé vert, point barre. Et non, cette aventure n’a jamais été une corvée pour moi. En ce qui concerne le sexe, posez leur la question ! Vous vous souvenez du jour où vous leur avez dit « salut les copains » ?
Je leur ai dit au revoir après le concert de l’Olympia. Je venais de signer un contrat avec le plus gros magazine de mode des USA, le Women's Wear Daily, ils ne m’en ont jamais voulu de partir. S'ils vous rappelaient, vous seriez prêts à y retourner demain ?
Oui, tout de suite ! Avec la bouteille, l’expérience et les moyens techniques que j’ai maintenant, ce serait un pur trip.

Vous pouvez précommander Week-ends sauvages sur le site de Serious Publishing. Rod Glacial écoutera 422337 jusqu'à sa mort. Il est sur Twitter.