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Culture

L’Amalgame nous parle de l’importance de justifier ses pauses

Après deux ans de repos, le groupe rap montréalais revient en force avec un nouvel album et une confiance renouvelée.
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Marie-Emmanuelle Laurin (@manvs)

J’ai rencontré les gars de L’Amalgame pour la première fois il y a trois ans, alors qu’on partageait la scène pour un concert au Club Soda. J’ai depuis continué à les suivre avec enthousiasme, mais, après la parution de leur EP Cordalinge, sorti en 2017, les gars sont devenus un peu silencieux.

Au même moment, certains de leurs amis et compères dans le collectif La Fourmilière, notamment Fouki & QuietMike et LaF, ont commencé à jouir d’un certain succès. Pour L’Amalgame, cette pause qui aura duré près de deux ans aura été bénéfique, comme le prouve leur nouvel album Aux frontières du concret, paru à la fin mars et qui s’attire en ce moment de très favorables critiques et un succès auprès des auditeurs.

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L’album a été créé entièrement dans des « chalets créatifs » (des chalets loués sur Airbnb que les gars transforment en studio pour quelques jours). On y voit John Ouain, VenDou, Catboot, Carey Kingsize et Gary Légaré dans une forme optimale. Avec des beats ensoleillés et remplis de basse tonitruante, ainsi que des flows acérés et des paroles tantôt ludiques, tantôt carrément géniales, il est facile de comprendre pourquoi les gars de L’Amalgame connaissent en ce moment un tel succès, et on parie même qu’ils domineront le paysage du rap québ tout au long de l’été.

Quelques jours après la parution d’ Aux frontières du concret, je me suis assis avec Vendou, John Ouain et Gary Légaré dans un café pour parler de ce succès, de leurs attentes et du bien qu’a pu leur faire cette pause impromptue.

VICE : Salut les gars! Une semaine après la parution de l’album, vous vous sentez comment?John Ouain : C’est sûr que d’avoir quand même beaucoup d’échos positifs de la part des auditeurs et des médias, ça enlève un peu de pression, parce que tout le processus de lancement de l’album est très chargé, en termes d’attente. Surtout que c’est un retour sur scène pour nous. On savait qu’on avait quelque chose de bon.

Vendou : Parce qu’on avait tâté le terrain avec les nouveaux beats qu’on avait avant de le sortir, en l’envoyant à notre entourage, nos amis rappeurs. Tout le monde s’entendait pour dire que c’était différent, mais vraiment beau et authentique. Donc on arrivait avec cette confiance-là qu’on n’avait pas nécessairement avant.

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C’était quoi votre plus grande crainte en sortant cet album?
John : Peut-être que l’album soit slept on, qu’il passe inaperçu. Nous, on était confiants avec cet album, et on était satisfaits du résultat à 100 %. Donc, s’il n’y avait pas eu un retour aussi positif, ou si on n’avait pas eu les views escomptés, on aurait été déçus. Mais au-delà de ça, on n’avait pas vraiment d’appréhension.

Gary Légaré : Je te dirais qu’à l’automne, quand on a décidé qu’on sortait un album, la crainte était surtout de se placer dans un mauvais timing, surtout avec les délais imposés. On se demandait si on allait être bien placés temporellement, et être capables d’atteindre les objectifs qu’on s’est donnés.

Vendou : Le 29 mars, il y a eu le nouveau single de Loud, le nouveau Roméo Elvis, l’album d’Enima, Eman a sorti un album-surprise, et on a sorti notre album. C’était ça, le paysage rap franco de ce jour-là. Et malgré tout, même si on est pas mal moins big que ces artistes-là, on a quand même pu marquer les esprits un petit peu. On a pu se tailler une place. Ça nous a prouvé que, peu importe le timing, la musique parle pour elle-même.

En même temps, j’ai l’impression que vous aviez une attitude plus relaxe, tant sur l’album qu’autour de sa sortie…
John : Ouais, t’as raison. Ça fait longtemps qu’on roule, on a fait deux albums, on a toujours eu un aspect plus humble, mais il y a aussi cette attitude « I don’t care » qui vient avec le fait qu’on était confiants par rapport à cet album.

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Vendou : Pour nous, c’est le premier projet où on est tous vraiment satisfaits, où on l’écoute et on tripe. Tu le sais, en tant qu’artiste, quand t’entends une track et qu’il y a une faille dedans, qu’un mot est mal prononcé, etc.

Gary : Quand, quatre mois plus tard, on bump encore toutes nos tracks, chacun de son bord, sûrement que c’est bon!

L’album a été créé dans des chalets. Quels sont les éléments les plus importants d’un bon « chalet créatif »?
Vendou : Du Gatorade bleu, pour les matins difficiles. Beaucoup d’eau.

Gary : De la Coors Light, Bud Light, tout ce qui est light, dans le fond. Le plus de bière possible, mais avec le moins d’alcool possible dedans. Comme ça tu peux en boire plus, plus longtemps.

John : Un bon gin, du citron, du tonic. Du cannabis, une cinquantaine de bangers.

Gary : Et ça prend de la bonne sauce! Le deuxième jour du chalet, on mange toujours des pâtes, donc il faut une bonne sauce, faite maison : pas de Classico dans nos pots Mason!

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À cinq dans le groupe, comment est-ce que vous vous assurez que le processus reste démocratique et que tout le monde ait son mot à dire?
Gary : C’est pas démocratique, dans le sens où, si t’es pas à ton top pendant qu’on travaille sur une certaine chanson, t’es pas à ton top sur la track et tu dois faire avec. Donc ça nous pousse à être au meilleur de nous-mêmes en tout temps, parce qu’il y a un esprit du devoir, dans un certain sens, parce que t’es redevable aux autres membres du groupe.

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Vendou : Quand on est au chalet, tu sais que t’es là, à cet instant précis, pour faire un gros beat, et tu ne peux pas faillir à cette tâche-là. Ça peut être contre-créatif, parce que si tu deal pas avec cette pression, tu vas figer et avoir le syndrome de la page blanche, et tu pourras rien créer, mais si tu prends cette énergie-là et que tu la remets dans ton art, c’est là que tu vas chercher des étincelles pour sortir de ta zone de confort.

John : Je pense qu’on charbonne tous à ça. Ce truc d’être dans le feu de l’action et de devoir pondre le meilleur truc possible.

Vous avez appris quoi d’important, en faisant cet album-là?
John : Qu’il faut être la craque de son propre concret.

Gary : Justifier ses pauses. Tu sais, on a pris une pause de deux ans, et je pense qu’avec cet album, on justifie notre pause. Ça nous a fait du bien, et nous a permis de repartir du bon pied.

John : Je crois que l’album aurait été différent, sans cette pause. On aurait continué à être L’Amalgame auquel on était habitués. On a été très créatifs dans nos trois, quatre premières années d’existence, peut-être trop, même, et on s’est essoufflés. Et là, la pause est venue naturellement. Il y en a d’entre nous qui sont partis en voyage, d’autres sont retournés aux études. Donc l’album nous a permis d’atteindre un autre niveau de manière naturelle.

Billy Eff est sur internet ici et .