Les trucs qu’on a retrouvés à la Fête de la musique

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Les trucs qu’on a retrouvés à la Fête de la musique

Canettes de Kro éclatées et pochons de drogues oubliés – les vestiges du jour préféré des Français.

Une affiche retrouvée aux alentours de Bourse, à Paris

La Fête de la musique est le meilleur jour de l'année depuis 1982. Tout le monde dit qu'il ne « sortira pas », que c'est « de la merde de toute façon », qu'il n'y a que des « groupes pourris », et c'est parfaitement vrai, sauf que tout le monde est quand même dehors à 17 heures pour aller boire une bière parce qu'il fait 25 degrés. À partir de là, vous en buvez en fait six, vous perdez vos potes, vous tombez sur des adolescents bruyants qui vous poursuivront toute la nuit jusqu'aux confins de Bastille, et vous vous retrouvez vers deux heures du matin devant un groupe de reprises des Cranberries. Le 21 juin est le seul jour de l'année où les gens ont le droit de se comporter comme aux Fêtes de Bayonne, avec l'aval des ministères, des mairies et de la RATP – qui reste ouverte toute la nuit.

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En 2014, quelques 17 000 concerts avaient réuni 10 millions de personnes autour de la musique en France, selon les dires du site Que faire à Paris ? Le site informait également que l'édition de 2015 serait une ode au fait de « vivre ensemble la musique ». Vaste programme, qui n'a pas empêché de nombreux jeunes et musiciens de flamenco de se vautrer dans la fange une nouvelle fois. Dimanche soir, la ligne 8 du métro était en effet pleine de mecs ivres, et une baston opposant un mec bourré à un gang de filles survoltées a failli éclater sous mes yeux, heureusement stoppée in extremis par un troisième belligérant, manifestement neutre. À trois heures, des déchets jonchaient les rues de la capitale et probablement, celles de toutes les communes de France.

On s'est donc rendus quelque part entre Oberkampf, Bastille et le 20 e arrondissement, à la recherche des trucs que laissent derrière eux ces hordes d'hommes et femmes animés par le désir de faire la fête. Voici les objets avec lesquels on est revenus.

UNE CAPOTE
Sachez-le : un préservatif est la meilleure manière de fêter la musique. Quelle autre objet peut en effet à la fois célébrer l'été et le plaisir responsable ? Délaissé dans un caniveau et recouverts de poils assez suspects – sans doute pubiens, voire de chiens – à proximité de la place de la Bourse, (où la couleur musicale était de type « électro-rap pour lecteurs de Jooks.com »), le préservatif Jacket est une belle représentation du prêt à consommer peu importe l'endroit pourvu que l'air soit frais. Ouvert à la va vite, je pencherai plutôt pour une cage d'escalier, avec cris et voyeurisme masqués par la masse de jeunes regroupée autour du DJ Joris Delacroix.

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UN SAC MCDO
Quand la fête est là, il y a toujours un McDo. Surtout vers Bastille, Champ de Mars, République ou dans tous les endroits où des gens se donnent rendez-vous pour écouter « So Lonely » de Police. Personne ne le fréquente, jusqu'au moment où les fêtards se font brusquer par les Pierrots de la Nuit et ont envie de se ressourcer autour d'un bucket de 20 nuggets. La fête voit grand, c'est pourquoi elle pense recyclage, sac en papier, atout indispensable que l'on peut poser ou délaisser, parfait pour trouver une stabilité pour danser sur Skip the Use. Les gens maltraitent et oublient vite l'utilité de ce sachet pratique dont la durée de vie ne se résume qu'à 10 minutes en dehors de son habitat naturel. On en a trouvé six à proximité de celui-ci.

UNE ÉTIQUETTE DE SANDWICH
Cette étiquette représente le vestige froissé d'un temps où la simplicité était reine, et où les sandwichs se caractérisaient par le goût inimitable de l'argent jeté par les fenêtres. Mais depuis l'invention des mots « fooding » et « bistronomie », il semblerait que le laisser-aller culinaire se perde. Heureusement, la fête de la musique est toujours une belle occasion de se rappeler que tout n'a pas été conquis. À elle seule, cette étiquette nous transporte à un concert de groupe de lycéens qui entamerait une reprise maladroite d'« I Bet You Look Good on the Dancefloor » des Arctic Monkeys, l'espace d'un instant précieux où les sandwichs poulet-crudités règneraient à nouveau dans les rues du 3 ème arrondissement, sans que le moindre snack gastro ne vienne rompre cette communion de fausses notes et de mauvaise bouffe.

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UNE RECETTE DE COCKTAIL
Un jour, quelqu'un a inventé le mot « mixologie » pour faire plaisir aux post-ados qui ne supportent plus de se mettre une murge pour la simple beauté du geste, préférant justifier leurs singeries par un prétendu amour de l'alcool. Depuis, des hordes d'enfoirés claquent leur salaire dans du Cointreau et autres liqueurs prétentieuses tout en donnant des recettes de cocktails à qui veut l'entendre – il est donc logique que lesdits enfoirés se soient attaqués à un événement aussi fédérateur que la fête de la musique. Ceci dit, il en va de mon devoir de rappeler qu'une bassine de frozen margarita n'a absolument rien de convivial. C'est plutôt l'équivalent d'une piscine à boules pour adultes : c'est rigolo pendant les trois premières minutes, mais quelqu'un finira toujours par rentrer chez ses parents en alternant pleurs et cris.

UNE CANETTE DE KRO
Si l'on mettait Paris en bouteille un soir de 21 juin, elle ressemblerait à une canette de Kro de 50 cl. 2 euros en épicerie, 4 euros dans le bac à glaçons d'un type qui vend des brochettes de poulet en bordure de la place de la République, et 5 euros en débit de boisson. Sauf que ce soir-là, tout le monde se fout des débits de boissons. La bière fait tourner le monde anglo-saxon et la France aussi, mais seulement en ce jour du solstice d'été. Au moment où je l'ai ramassée, il y en avait une dizaine juste à côté, et trois filles en buvaient devant moi.

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UN POCHON AU CONTENU INDÉTERMINÉ
Alors que je marchais dans le Marais où des enceintes éructaient la bande-son de Dirty Dancing en boucle, je suis tombé sur ce pochon douteux, lequel a bien failli me détourner de ma mission. Après avoir passé plusieurs minutes à me demander si cette pilule parviendrait à me donner un sentiment de paix universelle ou à me faire supporter la voix de Bill Medley une seconde de plus, j'ai compris qu'il s'agissait probablement d'un médicament contre les crampes d'estomac tombé de la banane d'un père de famille américain. La fête de la musique ne saurait être résumée aux groupes de seconde zone et aux bières éventées – elle est aussi peuplée de troupeaux de pères venus soutenir leurs enfants musiciens, encerclés par une foule compacte et meurtris par une terrible envie de déféquer.

UN EMBALLAGE DE KINDER BUENO
Il y a 2 000 personnes derrière vous. Au loin, Téléphone. Encore plus loin, Téléphone. À des centaines de kilomètres de là, près de Bayonne, toujours Téléphone. Jean-Louis Aubert a inventé le chant des partisans de la Fête de la Musique, le cri primal qui sort de toutes les gorges qui ne font la fête qu'un jour par an, le 21 juin. Toutes ces personnes se nourrissent exclusivement de Kinder Bueno entre 20 heures et 2 heures afin d'ingérer leur poids en chocolat et ainsi, avoir le courage nécessaire pour chanter « Un autre monde » 666 fois jusqu'à ce que la fin du monde – le 22 juin – arrive.

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UN PROSPECTUS CATHOLIQUE
Le 21 juin, la France s'arrête. Mais la religion, elle, personne ne peut l'arrêter. J'ai trouvé cette brochure ventant les mérites du Nouveau Testament sur la place de la Bastille, entre un mec roué de coups, une fille en train de vomir et cinq paquet de clopes vides. Fallait-il y voir un effort afin de renverser la fête, ce symbole absolu des ardeurs anticléricales ? Ou bien n'était-ce que la démarche sans arrière-pensée d'un ingénu versaillais, touché par la grâce, venu écouler ses stocks de liturgie catholique en ce jour de joie et de partage ? Ce prospectus était en tout cas perdu là, innocent, et en plus j'ai vu qu'ils offraient un discount si l'on choisissait le paiement par virement bancaire.

UN CHAPEAU EN PLASTIQUE
C'est un chapeau en plastique. Tout commentaire supplémentaire serait superflu.

UNE BANDEROLE DE LA POLICE NATIONALE
Le jour de la fête de la musique, comme à chaque moment de liesse, les forces de l'ordre semblent mettre un point d'honneur à faire passer aux badauds la journée la plus ennuyeuse qui soit – en atteste notamment leur demande de respecter un niveau sonore « supportable pour le voisinage ». Et en même temps, qui a envie de travailler au lieu de profiter d'une soirée festive, troquant rires et chansons pour éponger le vomi d'adolescents mélomanes ?

UNE TÉTINE ET UNE CHAUSSURE ORPHELINE
J'ai trouvé ces deux objets après le concert d'une chorale qui reprenait exclusivement des morceaux de Queen a capella, devant une foule de bambins qui essayaient de comprendre le chaos qui se déroulait sous leur regard innocent – en vain. Il y a pourtant plein de moyens d'initier sa progéniture aux joies du 4 ème art. Mais lui imposer l'amateurisme crasseux des troubadours qui cherchent à prouver à leurs parents que la scénographie urbaine n'est pas un secteur bouché ne fera pas de lui le prochain grand compositeur de notre siècle – au mieux, vous ferez germer en lui l'envie d'acheter une guitare à qui il attribuera un surnom affectueux.

UN RESTE DE BALLON DE BAUDRUCHE
Après la fête, le dégoût. Après la fête, le désespoir. Après la Fête de la musique, des centaines de ballons de baudruche de couleur sont retrouvés éclatés, immobiles sur le sol, foulés par des milliers de skate-shoes et des dizaines de milliers de tongues ornés du drapeau du Brésil. Après le 21 juin c'est l'été, saison de sortilèges où l'on a le droit de se montrer tel que l'on est vraiment, c'est-à-dire avec un short. Oh Solstice, nous attendrons tes ballons, regonflés, et tes reprises de RATM, slappées, chaque jour jusqu'à l'année prochaine.