Ils ont créé un « GeoGuessr » pour jeux vidéo

Plusieurs mois après avoir terminé Elden Ring, le souvenir de jeu me hante encore. Mais ce qui manque le plus, ce n’est pas tant le combat, les roulades ou même la terreur que j’ai pu ressentir face à certains ennemis. Non. Ce sont les promenades. Les longues échappées à cheval à parcourir l’immensité de ce monde en ruine. A passer du brouillard des montagnes liurniennes aux marécages putréfiés de Caelid. Des zones fort peu recommandables pour le commun des mortels qui conservent néanmoins le souvenir d’une aventure incroyable qui m’a marquée à jamais. Le problème, c’est qu’à moins de redémarrer à chaque fois mon ordinateur et de télécharger ma sauvegarde, je n’ai pas forcément l’occasion de retourner sur ces terres dévastées. 

C’est pourtant l’ambition de Lewis et Atticus, deux jeunes développeurs anglais autodidactes qui ont eu pour idée de transposer les paysages de nombreux jeux vidéo dans un GeoGuessr adapté à leur sauce. Ils reprennent ainsi le concept du jeu publié le 9 mai 2013 par Anton Wallén, un consultant en technologie suédois. Au lieu d’utiliser Google Map, les deux comparses londoniens utilisent des captures d’écran du jeu pour se déplacer dans ces environnements pixelisés. Même s’ils ne proposent aujourd’hui que quatre jeux différents (Fortnite, World of Warcraft, Skyrim et Grand Theft Auto V), leurs ambitions sont beaucoup plus grandes. Et Elden Ring est l’un des prochains sur la liste.

« Quand j’ai proposé à Lewis de se lancer sur le projet en 2017, c’était surtout pour s’amuser, raconte Atticus. On est amis depuis le collège et on a toujours joué ensemble à plein de jeux. Quand on a lancé notre premier GeoGuessr sur Fortnite, c’était vraiment primitif. Nos compétences n’étaient pas encore au point. Le jeu consistait surtout en une succession de captures d’écran qu’on avait prises nous-mêmes. » Lorsqu’ils sort le premier jeu en 2018, les deux amis se rendent compte qu’il manque quand même trois choses primordiales pour plaire à un large public : pouvoir se déplacer tout autour de soi, sauvegarder son score et surtout jouer contre d’autres joueurs. 

« Il a fallut qu’on commence par s’améliorer techniquement avant de créer une version plus développée de notre jeu, précise Lewis. Quand on a lancé pour la première fois une version multijoueur de notre GeoGuessr sur Fortnite, on s’est retrouvés pile au moment de la nouvelle mise à jour du jeu (le seul moment où le jeu s’arrête) et certains streameurs on commencé à inviter tout leur chat pour passer le temps avec notre jeu. Soudainement, on s’est retrouvé avec une immense masse de joueurs. Le jeu n’arrêtait pas de crasher, c’était horrible. »

Depuis, les deux Londoniens ont lancé un nouveau site et leur propre entreprise sous le nom de Lostgamer. Après avoir amélioré cette première version du GeoGuessr Fortnite, ils se lancent dans l’un de leurs titres préférés, World of Warcraft. « A ce stade, on ne pouvait pas continuer à prendre toutes les captures d’écran nous-mêmes, explique Atticus. Il a fallut qu’on développe un outil qui nous permette de faire des captures d’écran automatiquement. On a passé plus d’un mois pour développer ce programme mais ce n’est pas encore idéal vu qu’on doit toujours passer des heures devant l’ordinateur pour vérifier que la caméra continue bien de prendre les captures d’écran et ne se met pas à prendre que des photos du sol. En travaillant sur World of Warcraft, je n’ai pas pu utiliser mon PC pendant un mois entier pendant que notre outil prenait plus de trois millions d’images. » 

Contrairement à l’accueil timide de la communauté Fortnite, les fans de World of Warcraft ont été nombreux à vouloir tester ce jeu. Avec 100 000 lieux différents et un mode multijoueur amélioré, plus de 215 000 joueurs se sont affrontés depuis le lancement mi-novembre. En tout plus de 2 millions de parties ont été lancées. « On est persuadé que ce jeu a du potentiel, précise Atticus ne masquant pas son ambition. Pas seulement pour passer le temps entre deux parties mais comme un vrai jeu. Personnellement, je me souviens de chaque pierre, de chaque monde découvert dans le jeu parce que ce sont des paysages qui nous marquent. A vrai dire, je pensais être le meilleur sur le jeu mais j’en suis encore loin. Les meilleurs joueurs sur notre site sont tellement rapides et connaissent tellement sur le bout des doigts toutes les cartes, c’est vraiment impressionnant. » 

Même si de nouveaux GeoGuessr sont en cours de développement sur des jeux comme Genshin Impact, Red Dead Redemption, Zelda Breath of the Wild, Final Fantasy XIV ou encore Elden Ring, certains représentent encore un énorme chantier pour les deux Anglais. « Des jeux comme Skyrim sont assez simple à transposer dans un GeoGuessr parce qu’ils proposent des commandes spécifiques pour se téléporter d’un endroit à un autre de la carte et pour bouger sa caméra, détaille Atticus. Dans Elden Ring, il n’y aucune façon simple de faire ces commandes de façon automatisée. On est en train de travailler sur une astuce en passant par la mémoire du jeu, mais c’est encore assez laborieux. » 

Aujourd’hui, le petit site de Lostgamer parvient tout juste à être rentable avec quelques publicités et une page Patreon. Mais à terme, les développeurs espèrent attirer l’attention de gros éditeurs pour qu’ils proposent d’eux même de financer le développement d’une version GeoGuessr de leur jeu. « Ce qu’on est en train de faire avec Lostgamer, c’est plus qu’un jeu de devinettes géographique, analyse Atticus. A force de proposer de nouveaux jeux, on est en train de construire une archive historique des mondes du jeu vidéo. » 

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