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Culture

D’ancien·nes habitué·es du Mirano nous racontent les soirées Dirty Dancing

« Le soir de la dernière, les gens dansaient comme si leur vie en dépendait. En sortant, personne ne réalisait que c’était fini. »
TB
Brussels, BE

Ces légendaires clubs belges et leurs soirées sans fin appartiennent désormais au passé. Ne reste plus que quelques souvenirs principalement flous à parcourir dans notre série VICE « NIGHTS TO REMEMBER ».

Vendredi dernier, une parenthèse inattendue s’est ouverte à Bruxelles. Après dix ans d’absence, la Dirty Dancing revenait au Mirano pour une seule et unique soirée. À l’occasion de son imprévisible retour au cœur de l’établissement qui l’a vu naître en 2003 - et disparaître en 2009 -, VICE a voulu rendre hommage à cette institution sans laquelle Bruxelles ne serait peut-être pas la même aujourd’hui.

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La Dirty, organisée tous les samedis par Lorenzo Serra et Renaud Deru, a su bâtir un univers et une philosophie unique, avant de laisser derrière elle une communauté de fidèles qui ne s’est jamais vraiment remise de sa fermeture.

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Julien, habitué

J’ai été abonné aux soirées Dirty Dancing pendant leurs trois dernières années. C’était comme une drogue mec, j’y étais tous les samedis et j’étais malade si j’en manquais une. Je m’en souviens comme de mes meilleures années clubbing. L’ambiance était complètement décalée, loin du conformisme des autres soirées. Le lieu, le décor, les gens, la musique, ce plateau qui tournait ; t’avais l’impression d’être au cœur d’une performance artistique géante, aux frontières de l’imaginaire, quelque part entre Warhol et Fellini.

« Tu te sentais vraiment libre, sans aucune frustration ou peur d’être jugé. La Dirty était à nous, on n’en avait rien à foutre. »

Il y avait une certaine exigence à l’entrée : il fallait être en accord avec l’esprit. Pour autant, en entrant, tu réalisais que la sélection était loin d’être élitiste. C’était un public plutôt arty, comme celui du Libertine Supersport ou, plus récemment, du Catclub : des gens délurés avec des looks hyper colorés. Tu te sentais vraiment libre, sans aucune frustration ou peur d’être jugé. La Dirty était à nous, on n’en avait rien à foutre.

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Photo : Andy De Decker

Le line-up était toujours dingue. Je me souviens parfaitement avoir dansé sur un podium pendant quatre heures face à Style Of Eye, sans m’arrêter une minute. Il y a eu Mr. Oizo, Tiga, Booka Shade… L’ambiance culminait généralement autour de 3 heures du matin, quand les DJs résidents et Cosy Mozzy reprenaient le flambeau. C’était fou.

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Quand les soirées se sont arrêtées en 2009, elles ont laissé un vide immense. Je n’ai pas arrêté de sortir après la Dirty mais je n’ai jamais retrouvé le même rythme effréné. Les nuits passées là-bas m’ont ouvert l’esprit et m’ont permis de nouer des liens qui perdurent toujours aujourd’hui. Mes souvenirs sont encore vifs et il m’est difficile de ne pas plaindre la nouvelle génération qui n’a pas eu la chance de connaître cette époque.

Noémie, habituée

C’est mon frère qui m’a traînée à la Dirty Dancing pour la première fois. C’était au tout début, en 2003, pour fêter la sortie de l’album « Discovery » de Daft Punk. Deux mecs portaient des casques mais on n’a jamais su s’ils étaient les vrais Daft Punk. L’un d’eux est resté assis dans un coin toute la soirée pendant que l’autre était aux platines.

« L’ambiance était extrêmement ouverte d’esprit. C’était le rendez-vous des taré·es du coin, comme ce type qui finissait toujours à poil. »

J’ai commencé à devenir une habituée en 2005. J’ai sympathisé avec le gars qui s’occupait des cartes de membres. Il m’en a offert une et là, c’était fini : chaque samedi, je me pointais à 2 heures du matin, éméchée, alors que l’ambiance était au plus haut et que les têtes d’affiches s’apprêtaient à prendre le relais.

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Chaque semaine, on retrouvait les mêmes personnes : beaucoup de Bruxellois·es mais aussi des gens venus du Hainaut, de Liège et de toute la Flandre. Il faut l’avouer, il y avait pas mal de pointures de la mode alors tu faisais gaffe à ton look. Mais c’était jamais preppy, propret ou nunuche. C’était fashion mais plutôt rock’n’roll ; tu pouvais t’habiller en H&M mais il fallait que ça ait de la gueule.

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À l’intérieur, l’ambiance était extrêmement ouverte d’esprit. C’était le rendez-vous des taré·es du coin, comme ce type qui finissait toujours à poil. C’était un habitué. La Dirty Dancing offrait un véritable espace de tolérance et de liberté. En bref, personne ne faisait chier. Mais ce qui me faisait revenir chaque semaine, c’était surtout la musique : Felix da Housecat qui était souvent là, Boys Noize à l’époque de « Oi Oi Oi », Aeroplane ou encore Tiga.

Selena, staff

J’étais responsable de la liste des gens qui entraient sans payer. Il y avait toute une liste d’invité·es permanent·es : les potes des organisateurs, les fidèles et tou·tes celleux qu’on avait envie d’avoir parmi nous chaque week-end. Une autre liste était dédiée aux invité·es ponctuel·les : les ami·es des DJs ou des gens de passage que l’on voulait initier à nos soirées. À côté, il fallait aussi gérer tous les gens qui essayaient d’entrer sans invitation. Les Dirty étaient des soirées prisées et la file était toujours gigantesque. Un soir, un gars m’a même proposé 200€ pour entrer mais j’ai évidemment refusé : esprit Dirty avant tout.

À la porte, on cherchait les gens venus pour s’amuser ; des gens qui nous semblaient authentiques. Plus tu étais créatif·ve et laissais s’exprimer ta personnalité, plus tu étais susceptible d’être accepté·e. L’entrée était sélective mais il n’a jamais été question de favoriser un style, un type de chaussures ou une couleur de peau. L’esprit Dirty commençait par un accueil bienveillant ; c’était primordial. Même lorsqu’on refusait une ou plusieurs personnes, on prenait toujours soin de le faire dans les règles de l’art : sans violence ni arrogance.

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À l'intérieur, tout le monde se connaissait plus ou moins, ça donnait l’impression d’être à une fête géante avec tous tes potes. Cette chaleur et cet esprit familial, c’était du jamais-vu à Bruxelles. Tu te sentais appartenir à un clan ; les gens fantasmaient pas mal là-dessus d’ailleurs.

Le plus dingue, c’était les soirées à thèmes. Tout le staff se déguisait et les client·es se prêtaient au jeu. Un soir, le Mirano a été entièrement recouvert de gazon frais – il y avait des balançoires sur le dancefloor.

Jean-Pol, habitué

J’étais étudiant en design à l’époque. Je suis tombé amoureux des soirées Dirty Dancing dès la première fois que j’y suis allé. La première fois que j'y suis allé, la file était gigantesque ; on se demandait si on allait entrer ou pas… Nos looks façon club kids de l’époque ont attiré le regard de Jonathan, le videur. Il nous a pointé du doigt et a dit : « Vous, vous rentrez ! ». Il nous a pris en affection et nous faisait passer tous les samedis. Je crois qu’il avait ses favoris. À l’intérieur, dans la première salle, des gens étaient installés sur des canapés, près du Café Dirty qui proposait toujours une alternative intimiste au dancefloor. Cette première zone te permettait de te sentir vraiment à l’aise avant d’entrer dans la grande salle d’où un boum-boum constant émanait. Après quelques verres, t’avais juste envie d’y aller.

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Le dancefloor était incroyable, les gens dansaient absolument partout : sur le plateau pivotant, sur les podiums, dans les balcons, derrière et aux côtés du DJ. Chaque espace avait sa propre atmosphère – même la toilette de Mamy Jacqueline. Ça partait dans tous les sens mais tu pouvais toujours trouver l’ambiance qui te convenait.

Ces soirées ont pris une ampleur de dingue dans ma vie. Chaque samedi, je prenais la route pour Bruxelles et, dans le train, je croisais souvent les mêmes personnes. Les gens venaient de toute la Belgique pour ces soirées : c’était une communauté, un vrai mouvement.

C’était votre Recyclart

Le soir de la dernière, personne ne voulait se l’avouer mais les gens dansaient comme si leur vie en dépendait. En sortant, je crois que personne ne réalisait encore que c’était fini. Le samedi suivant, en revanche, je me suis vraiment dit : « Merde ». L’énergie était là, mon corps réclamait la Dirty Dancing. On s’est regardés, mes amis et moi, en se demandant ce qu’on allait faire. On a fait le tour des bars du quartier gay mais on se sentait vraiment perdus.

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