« Nous avons souhaité filmer un appel à la vie, ce qui est aussi la vocation du cinéma ». Chaque discours de lauréat pendant le palmarès cannois est l'occasion de se rappeler la fonction du cinéma, à l'évidence premier sur la liste des trucs dont on oublie tout le temps à quoi ils servent exactement, comme le linoléum, le bidet ou le Parlement européen. Les sorties comme celle qu'on vient de mentionner (due à l'un des deux Dardenne bros, récipiendaires du prix de la mise en scène) ont toujours ce petit parfum philosophique, vous rappelant non seulement où va le cinéma mais aussi d'où il vient, de quoi il est fait : selon Juliette Binoche il y a deux ans, il était fait d'amour, car les films se font avec de la lumière, or l'amour c'est de la lumière (elle l'avait même dit en anglais : « Love is light »).
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Une fois de plus cette année, la cérémonie nous a donc tous rendus un peu moins bêtes, nous les festivaliers, en nous expliquant donc à quoi servaient les films vus là-bas, et ce qu'ils nous apprenaient au juste (par exemple à vivre « dans un monde où les populismes identitaires et les crispations religieuses montent », pour compléter la formule de Luc Dardenne). Mais il y a une chose dont on n'entend pas parler : les leçons que les films, et tout le battage autour d'eux, nous enseignent sur le festival lui-même (et donc sur le monde contemporain aussi, un peu : Cannes reste quand même une des plus belles caisses de résonance des doutes existentiels de l'Occident). Il y a aussi tous les petits récits silencieux qui se racontent entre les projections, et qu'on n'écoute pas toujours alors qu'ils en disent long, eux aussi, sur la marche de l'humanité. Alors on a choisi de lister quelques conclusions cannoises de cette édition, qu'on n'aurait jamais pu tirer en allant simplement rattraper les films du palmarès à leur sortie. Parfois, la vérité vaut bien cinq heures de trajet en Ouigo.
1. À Cannes, les morts ne meurent pas
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2. À Cannes, les gilets jaunes s'assoient au balcon
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Heureusement que d'autres cinéastes, comme Ken Loach, gardent contact avec « le peuple »… ou presque. Alors que tous ses confrères se répartissent les palaces de la Croisette, le vieux working class hero rencontrait la presse au modeste Residéal Premium (autant dire un Formule 1, comparé au Martinez). Voilà un artiste en accord avec ses convictions, se dit-on avant que ses attachées de presse ne nous informent, un peu gênés, que Loach donne ses interviews ici mais préfère dormir ailleurs… Tiens ! Plutôt Majestic ou Martinez, Ken ? Peu importe : les apparences sont sauves.
3. À Cannes, nul n'est rockstar en son pays
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Au rayon « merci la France », Terrence Malick se pose également là. De l'indécrottable ermite texan, on se demande toujours : daignera-t-il montrer sa barbe en public ? À quoi ressemble-t-il aujourd'hui ? Existe-t-il ? Les radars de ses fans européens se sont fatalement affolés quand la fête donnée en sa présence pour Une Vie cachée s'est transformée en boum-éclair et inaccessible sur la très privative terrasse UGC. De quoi sourire en se rappelant que deux ans plus tôt, à Austin (son fief), Malick donnait dans le cadre de South By Southwest une masterclass… dans une salle à moitié vide. Rockstar évanescente à la Salinger, Malick ? Oui, mais nul n'est rockstar en son pays. Alors rien de tel que de se faire tout petit à Cannes pour entretenir votre petite mystique perso.
4. À Cannes, Alain Delon a un double nippon
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