Zitrance BD
Illustration de Bérénice Motais de Narbonne pour le Zitrance n°1
Culture

Zitrance est le meilleur recueil de BD édité par un gnome que vous lirez

On a parlé à son créateur et on vous file quelques pages du prochain opus bientôt dans les bacs.
Alexis Ferenczi
Paris, FR

Une enquête sur des meurtres ayant lieu dans une école d’art médiévale, une mission casse-gueule pour des livreurs célestes endettés, une île de geeks et de mecs protéinés sur le point d’être submergée ou une réunion d’Ectoplasmes égarés anonymes : le premier numéro de Zitrance avait le chic d’explorer une flopée de mondes pas forcément meilleurs mais foutrement sympathiques.

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Le nouvel opus de cet excellent recueil de BD s’annonce au moins aussi attachant avec toujours six histoires originales en noir et blanc capables de captiver même le plus chiant des fans de Mœbius - vous avez encore quelques jours pour le précommander ici avec tout un tas de goodies en prime.

Quand on a voulu en savoir un peu plus sur le projet, on a envoyé un mail au créateur qui se présente comme un gnome infraterrestre et refuse de révéler sa véritable identité. Sachant que le 9e art est un univers où règne malice et cruauté, on n’a pas voulu « casser son délire ». Voici ses réponses ainsi que les premières pages de L’aqueduc de la discorde de Poitevin (publié dans Zitrance n°2) qui ressemble effectivement à un album des Tours de Bois-Maury mais en plus fun.

VICE : Salut Gnomus, est-ce que tu peux te présenter ?
Gnomus : Salut moi c'est Gnomus le gnome, tout simplement ! J’habite sous terre dans l'inframonde (un monde caché parallèle au votre, constitué de galeries et cavernes souterraines). J’ai une peau verte ultra-sensible aux UV, ce qui me contraint à limiter grandement mes séjours à la surface. Tout ça fait que je suis un être assez désœuvré et solitaire (si l'on oublie mes potos les tarentules et les chauves-souris), et mon passe-temps favori étant la lecture de BD j’ai voulu tenter de m’y mettre moi aussi. Mais je n’ai aucun talent pour le dessin, à vrai dire je ne suis qu'un humble artisan de l'ombre, je m'occupe surtout de la compta. Zitrance est avant tout la création des artistes qui y participent je dois dire.

Qu'est-ce qui t'as poussé à te lancer dans l'édition de BD ?
Ma motivation initiale était de proposer un moyen à des jeunes artistes dont j'aime le travail de publier leurs travaux, car je me suis rendu compte que les magazines et revues de BD ayant presque totalement disparu, il est assez difficile pour des débutants bien motivés de trouver un endroit où faire leurs armes. Je me suis dit qu’un recueil annuel d’histoires complètes pouvait être une bonne solution.

Comment se fait la sélection des talents que tu publies ?
C'est assez varié, le plus souvent je contacte des artistes dont j’aime l’esprit, la vibe (je passe beaucoup de temps à surfer sur internet, c'est mon moyen de connexion principal avec votre monde de la surface, tu vois). Il y a ces camarades que j'ai rencontré lors de mes voyages et avec qui je me suis lié d'amitié, tels l’infâme Bakonet Jackonet, Félix Cobo ou encore Bérénice Motais de Narbonne. Certains d’entre eux, Lucas Bardoux ou Teo Stern par exemple, me font l'honneur de participer au recueil de manière récurrente.

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Et puis s’y ajoutent ceux rencontrés au gré de mes cyber-pérégrinations, tels le talentueux Lucien Gurbert, présent dans le nouveau numéro. Ensuite c'est en fonction des idées d’histoire que l’on me propose, j'essaye de trouver un équilibre entre les différentes ambiances et types de récit, entre l’humour et les trucs plus sérieux ou mélancoliques etc. Parfois certaines idées ne trouvent pas leur place, mais en vérité c'est un processus assez organique et chaotique, car quand les participants se mettent à développer leur histoire ça dérive toujours un peu. C'est comme essayer de canaliser un véritable torrent créatif, pas facile mais je fais de mon mieux avec mes moyens de gnome !  

Fantastique, science-fiction, fantasy, aventure, est-ce que tu ne serais pas en train de refaire les Humanoïdes associées ?
Alors carrément, j’aime beaucoup les Humanoïdes associés et leur côté rock and roll au graphisme puissant. J’aime surtout Jano et Tramber, ou Macedo, Nicollet… Ce genre d’artistes bien destroy. Mais à vrai dire ce n'est pas l'influence principale car j'ai découvert leurs productions sur le tard. En fait je suis un gros lecteur de SF et de fantasy, et je trouve que c'est un bon cadre narratif : il permet à la fois d'explorer des mondes parallèles, de s’évader de la morne réalité, ou au contraire de s'y confronter à l'aide d'un point de vue détourné.

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Et puis ça vient aussi des auteurs et autrices du recueil qui sont à peu près tous dans des délires de ce type, sans doute pour la grande liberté visuelle que ça permet ! Tous les participants ont le point commun de dessiner en noir et blanc et de façon assez... frénétique, que ce soit à la plume, au pinceau ou au rotring 0.3. Ils aiment vraiment blinder leurs dessins de détails et d’ambiances psychédéliques délirantes et hypnotiques, je sais pas vraiment pourquoi mais personnellement ça me plait.

Est-ce qu'il y a une œuvre qui a particulièrement compté pour toi ?
Un auteur qui m’a beaucoup marqué en tant que gnome bédéphile est le génial Joe Daly. C'est un peu une synthèse de ce que je préfère dans la bd franco-belge, américaine et japonaise. Et puis il a ce talent pour mêler les genres, nous faisant passer du rire au malaise le plus intense d'une case à l'autre. En tout cas j'aime beaucoup la fluidité de ses histoires, le noir et blanc bien dense, son côté ésotérique érudit ainsi que son humour très personnel.

Sinon, comme beaucoup je crois, j'ai été plutôt marqué par le manga et son côté dynamique et immersif permis par de très grosses paginations. Et puis je suis fasciné par le traitement du fantastique par les Japonais, de Yoshiharu Tsuge à Junji Ito en passant par Shigeru Mizuki et Daijiro Morohoshi. Mes grands yeux s'emplissent de larmes quand je pense à cette richesse bédéistique incroyable émanant du pays du soleil levant.

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À quoi peut-on s’attendre dans le numéro 2 de Zitrance ?
Il y a deux histoires que je suis particulièrement fier d'avoir pu publier : la première est une petite histoire assez onirique de Pao-Yen Ding, un auteur taïwanais dont j'ai eu la chance de découvrir les fanzines lors d'un voyage là-bas. C'est un vrai plaisir de pouvoir travailler avec un auteur étranger, et de créer une petite connexion intercontinentale de ce type, surtout qu'il y a une vraie affinité avec les autres participants je trouve !

Ensuite, il y a celle de Poitevin. C'est l'histoire de la construction d'un aqueduc, comment cela bouleverse la vie dans une petite bourgade médiévale, le tout du point de vue d'un ménestrel ultra-sensible et fauché. Je crois que ces deux histoires représentent bien l’esprit de ce recueil, de passer d'une histoire fantastique énigmatique à un genre de parodie de polar médiéval truffé d'humour noir. J’espère que la variété des styles et des ambiances permettra à chacun d’y trouver un petit moment de kif !

Merci pour tes réponses Gnomus

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Zitrance, 200 pages de pure BD, par Gnomus, disponible en pré-commande.

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