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Music

Frank Carter en a toujours gros sur la patate

L’ex-chanteur de Gallows est revenu sous le nom de Frank Carter & The Rattlesnakes. On a été discuter avec lui des épreuves qu'il a enduré, de son passé et de sa nouvelle vie.

Avec Gallows, Frank Carter a fait éclater en deux albums à peine une colère qu'on ne pensait plus possible en Angleterre, quelque part entre la haine rentrée et la bagarre de pub, à coups de pintes éclatées sur le coin de la face - ce qui lui a valu, entre autres, la couverture de Kerrang!. Avec Pure Love, son groupe suivant, le rouquin a rebattu les cartes, montrant qu'il était aussi doté d'un cœur de babtou sensible, avec des chansons sur le désespoir et l'amour. Avec Frank Carter and the Rattlesnakes, il entame aujourd'hui un nouveau chapitre de son tumultueux parcours, entre catharsis et retour aux sources. A quelques jours de la sortie du premier album du groupe, Blossom, nous sommes allés discuter avec le Francis Begby du hardcore des épreuves qu'il a enduré depuis un an, de son passé et de sa nouvelle vie.

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Noisey : Après Pure Love, tu as complètement disparu de la scène. Frank Carter and the Rattlesnakes semble sortir de nulle part.
Frank Carter : Le groupe n'existait pas en janvier dernier. On l'a démarré en février : on a écrit, enregistré et fait sortir l'album en quelques mois. On a déjà tourné et c'est désormais tout ce que je veux faire. Je suis très chanceux, je connais beaucoup de bons musiciens. Quand j'ai voulu monter ce projet, il m'a suffit d'appeler mon ami Dean Richardson et de lui envoyer des paroles pour lui faire comprendre ce que j'avais en tête. Quand il m'a renvoyé les premières chansons, ça a collé immédiatement. Ça correspondait exactement à ce que je voulais faire. On s'est vus une fois par semaine pendant un mois, et on a écrit trois morceaux par répète. Et l'album était prêt ! Ça a été très rapide. C'était important de procéder de cette manière : l'album est frais, spontané, urgent. Plus que celui de Pure Love ?
En fait, je pense que Rattlesnakes est même plus urgent que Gallows. C'est le groupe le plus féroce que j'ai vu depuis longtemps. Gallows, c'était il y a tellement longtemps… J'étais un gamin quand j'étais dans ce groupe et que j'ai connu le succès. J'étais toujours un gamin quand je l'ai quitté et fait l'expérience de ne plus avoir de succès. Depuis, j'ai beaucoup grandi. La vie m'a donné pas mal de coups. Avant, j'étais peut-être un petit con. Mais tout ce qui m'arrivait était mérité. Toutes ces choses ont forgé le Frank Carter d'aujourd'hui. Je suis toujours le même musicien, je suis seulement plus vieux, plus sage et définitivement plus soigneux et respectueux des choses qu'avant. Quelqu'un de meilleur. Et j'ai putain de faim. J'en veux et je ne prendrai plus jamais rien pour acquis. Se rendre compte de ce qui est important dans la vie donne l'avantage. Avec Gallows, j'avais de très bonnes cartes en main, mais je ne savais pas comment les jouer. Dans Pure Love, je savais comment jouer, mais j'avais la pire des mains. Avec Rattlesnakes, je sais exactement à quel jeu je joue et j'ai la main parfaite. J'ai un nouveau respect pour ce que je fais. Ce serait une arme dangereuse entre les mains d'incapables. Mais moi je suis plus que capable.

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Tu as raconté avoir écrit cet album à un moment où tu as connu pas mal de souffrance et de douleur.

Il y a eu de beaux moments qui ont souvent été assombris. Ma femme est tombée enceinte en avril, c'était merveilleux. Mais mon père est mort tout de suite après – ça a été très rapide : il est tombé malade et il est mort la semaine d'après, à 70 ans. C'est super jeune. On n'est jamais préparé à ça, et pourtant il fallait avancer avec un bébé qui arrive et un père qui n'est plus là. Le mois après sa mort, je devais faire la tournée d'adieu de Pure Love. Je l'ai faite, c'était dur. À la fin de celle-ci, j'avais l'impression que ma carrière était terminée, ça n'avait rien à voir avec mon départ de Gallows, vu que j'avais déjà Pure Love qui arrivait derrière. Là, je n'avais plus rien à quoi me consacrer. J'ai essayé de me concentrer sur le fait de ne pas jouer de musique. C'est la pire chose que j'aurais pu faire. La perte, la solitude…

La clef pour revenir et continuer à vivre, c'était de tatouer, ce que je fais depuis très longtemps, bien avant que je me mette à jouer de la musique. Je voulais travailler, apporter de la sécurité à ma famille. Mais j'ai été viré du studio de tatouage dans lequel je travaillais depuis 10 ans, deux mois avant que ma femme accouche. Elle aussi a été virée de ce salon, sans raison. Putain, qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ? Tout ce pour quoi j'avais bossé dans ma vie était détruit. Il n'y avait rien à faire, pas de solution. On a trouvé d'autres choses à faire, le bébé est né, elle est en bonne santé, c'est la plus belle chose que j'ai jamais faite. Une semaine après sa naissance, j'ai parlé à ma femme et je lui ai dit : « Écoute, j'ai une mauvaise nouvelle. Je crois que je veux me remettre à jouer. » J'avais très peur de sa réaction mais elle a été si heureuse pour moi qu'elle en a pleuré. Elle est artiste, elle tatoue, elle chante – bien mieux que moi dans tous ces domaines – et elle a compris ce que c'est que d'avoir besoin de quelque chose. Que le fait d'arrêter quelque chose d'important peut devenir un poison. Beaucoup de gens trouvent leur salut dans la création. Ça donne un but. C'était le cas pour moi.

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Es-tu plus affamé qu'énervé ?

Oui. J'ai connu le succès, j'ai connu la perte et pour la première fois dans ma vie, j'ai l'impression d'avoir compris ce qui était important pour moi. Je n'ai jamais autant voulu quelque chose de toute ma vie. Cette musique est mon idée, elle est putain de brute, vivante. Tout est dedans. C'est plus que de la colère. Ça semble sauvage, comme si un animal était en cage et essayait de s'échapper. Si je n'avais pas fait ce groupe, cela m'aurait sans doute consumé de l'intérieur. La colère est un très bon carburant. J'en ai accumulé assez pour exploser quand il est nécessaire – c'est-à-dire sur scène, mon point fort depuis toujours. C'est ça qui a dicté la façon dont on a enregistré l'album. Si ton point fort c'est les concerts, enregistre dans des conditions live ! En général, ce sont les producteurs qui interfèrent avec cette volonté, qu'importe le temps passé à en discuter. Cette fois-ci, c'est nous qui l'avons fait, avec mes amis. Mon bassiste, qui a son propre studio, a tout enregistré avec une grande idée de notre son. Il a capturé à la perfection ce que nous jouons. C'est l'album le plus imparfait que j'ai entendu depuis très longtemps. Il est réel, honnête, cru. C'est ça le punk.

Quand tu as formé Pure Love, tu disais que tu voulais passer à autre chose, laisser de côté la colère, la haine que tu pouvais avoir dans Gallows. Mais les choses sont totalement différentes avec les Rattlesnakes.

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C'est la vie qui m'a dicté ce changement. Je ne pourrais plus écrire un album de Pure Love. Ce n'était pas du tout une décision consciente, du genre « Je veux être à nouveau vénère ». Je l'étais, c'est tout. C'est un disque très violent. Mais tout

Blossom

repose sur l'énergie, sur mon rapport à la mort. J'ai toujours été fasciné par la mort, comme de nombreux artistes. La mort n'a jamais été aussi présente dans ma vie que l'an dernier. Ce qui est amusant, c'est que Frank Carter and the Rattlesnakes est un groupe violent et agressif. Je suis en colère quand je joue avec eux. Mais le sentiment que ça me procure est une paix profonde. Ça me donne un but que je n'avais pas. C'est pour ça que j'étais sans doute si énervé. Je ne savais pas où j'allais ni où j'étais. Je suis là pour jouer de la musique. Et pour la jouer avec The Rattlesnakes.

C'est pas un peu mégalo d'appeler son groupe de son propre nom ?

C'est mon projet à moi, tout l'intérêt est là. Ça aurait pu être Frank Carter tout court. Mais j'aime l'image du groupe. Donc je ne vois pas ça comme de la mégalomanie. Dans mes anciens groupes, j'ai toujours été Frank Carter de Gallows, Frank Carter de Pure Love. Et les gens voulaient toujours venir me parler, à moi. J'aurais pu commencer un nouveau groupe et faire le forcing auprès des membre. Mais ça aurait été de toute façon moi au milieu. On arrête de se mentir, on ne se cache pas, on me met sur le devant de la scène et voilà. Si je m'étais réfugié derrière la musique, je me serais beaucoup moins impliqué dans les chansons. Cette fois-ci, c'est moi qui les ai toutes écrites avec Dean, le guitariste.

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Je ne peux jouer d'aucun instrument ; lui il joue de tout et très bien. Il amenait un riff, une idée, des accords et je les agençais autour de ma voix. Le groupe s'est construit autour de mon chant. C'était très intéressant pour moi dans le sens où mon nom était devant. J'ai l'impression que c'est mon travail de parolier le plus abouti depuis que je fais de la musique. Le groupe est finalement devenu secondaire. C'est lui qui me permet de jouer les chansons que j'ai écrites. C'est beaucoup de liberté, mais c'est aussi beaucoup de responsabilités. Ça m'a obligé à bosser beaucoup plus pour que ça marche.

Est-ce aussi pour ça que tes concerts sont si extrêmes ?
Àla fin d'un concert, je veux me sentir sur la limite, comme si je pouvais tomber et ne jamais revenir. Je n'aime pas réfléchir le fait de donner un concert. C'est juste comme ça que je joue. Ce n'est pas une manière de poser ? Après tout, le public attend un Frank Carter dingue qui fait des saltos dans la foule et se frappe le micro contre le front.
Je ne joue pas pour les gens, je joue pour moi, j'écris pour moi, c'est un besoin que j'ai. Ce n'est pas vraiment pour les autres. Ils peuvent demander ce qu'ils veulent, je leur donnerai ce que moi j'ai envie de leur donner. Les gens attendent une certaine facette de moi. Mais c'est comme ça que je joue depuis que j'ai 15 ans. Quand j'étais gamin avec mes premiers groupes, mes musiciens tentaient de se souvenir de comment on joue la chanson tandis que moi je me pendais au plafond. C'est tout ce que je connais, rien n'a changé. C'est plus intense aujourd'hui parce que j'ai un vrai besoin de convaincre les gens. Ce n'est pas un personnage. C'est une version de moi. Mais je ne peux pas être ce type tout le temps. J'ai une femme et une fille.

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Justement, tu es un père maintenant, tu es un peu plus vieux, 31 ans, tu as un boulot. D'habitude, une personne normale se pose un peu plus. Toi non.
Moi, j'ai l'impression que si, pourtant. J'ai un enfant, on a acheté une maison. J'ai toujours la rage, mais comme tout le monde peut l'avoir. Tout le monde veut devenir une personne meilleure et laisser une marque dans ce monde. Je crois que je ne suis pas satisfait. Je suis heureux dans ma vie, ma femme m'aime, ma fille ne connaît que l'amour. Toutes ces choses sont importantes mais quand j'allume les infos à la télé, j'y vois toujours des horreurs. Mais il n'y a pas plusieurs Frank Carter, tout n'est pas aussi simple. Quand je suis à la maison, c'est le vrai Frank Carter. Quand je suis sur scène et que je crie à la face des gens, c'est le vrai Frank Carter. Je suis une personne normale. J'ai des émotions que j'exprime de cette façon. Avant de rentrer sur scène, je suis très calme. J'explose quand j'arrive sur scène. C'est cathartique, ça me permet d'être une personne normale dans le reste de ma vie. Je ne peux pas exploser en plein milieu de la rue ou d'une interview !

The Rattlesnakes est ton troisième projet en cinq ans à peine. Ça a l'air difficile pour toi de rester plus de deux albums au sein d'un même groupe.
Il y a toujours eu des problèmes dans mes différents groupes. Gallows était un projet que nous avions montés quand nous étions très jeunes. Avec les années, c'est devenu difficile de se mettre tous d'accord. La meilleure des options pour moi était de me barrer. Pure Love était un projet très difficile. Pas à cause des membres – j'adore Jim, le guitariste, c'est l'un de mes meilleurs amis –, mais le problème, c'est que j'avais quitté mon chez moi. Je vivais à Brooklyn à cette époque. Puis je suis retourné en Angleterre. Un groupe international, ce n'est pas évident à faire vivre. Je pourrais rester avec les Rattlesnakes bien plus longtemps que dans tous ces autres groupes. J'ai enfin une plus grande compréhension des choses et un plus grand respect pour elles. Je travaille avec des gens que j'ai sélectionnés moi-même : maison de disque, management, bookeur jusqu'à tous les membres du groupe. Je les respecte tous, je suis très excité de les avoir avec moi. Il ne devrait pas y avoir de merdes. On est donc censé écrire plus de deux albums ensemble. Mais si c'est pas le cas, eh bien tant pis ! Je serai destiné à n'écrire que deux albums avec mes groupes et à les quitter quand ils sont à leur meilleur. Ça me va aussi. J'ai pas non plus envie de voir les choses s'écrouler : s'acharner sur un groupe n'a pas de sens.

C'est pour ça que tu as quitté Gallows ?
Oui, bien sûr.

Tu penses quoi de ce qu'ils sont devenus, de ce nouveau chanteur et de cette nouvelle direction ?
Je ne sais rien du tout d'eux. Je n'ai jamais entendu une seule de leur nouvelles chansons. Ça ne m'intéresse absolument pas. Pour moi, Gallows s'est terminé quand j'ai quitté le groupe. J'écoute toujours Orchestra of the Wolves et Grey Britain de temps à autre, ce sont de très bons albums. Mais ce qu'ils font maintenant ne m'intéresse pas. Ce qui retient mon attention, c'est ce que je fais moi. Tout ce que j'en sais, c'est ce que les gens m'en disent, qu'ils préféraient quand j'étais avec eux ! Je serais tenté par répondre oui… mais je n'ai jamais écouté leur musique.

Frank Carter & The Rattlesnake jouera au festival This Is Not A Love Song le 11 juin, dont on vous fait gagner des places juste en dessous :

Dans une bagarre, Braddy aimerait bien avoir Frank Carter pour l'épauler. En attendant, il écrit pour Noisey.