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Gael Brustier : Il faut tout d'abord considérer qu'aujourd'hui, le Front national est bel et bien le troisième parti en France – et ce n'est pas un point négligeable. Ensuite, il faut analyser le parti sous plusieurs angles. Le FN a une dynamique électorale dès le premier tour. Elle s'est confirmée lors des élections régionales, avec une solide base de 6 millions de votants. Le parti d'extrême droite n'envisage pas d'alliance avec d'autres forces politiques, et cela est un frein pour lui au second tour d'une élection. Ça reste une force isolée, bien qu'en croissance électorale.
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Il faut voir l'évolution du Front national dans notre société. Ses scores, la radicalisation de son électorat, mais aussi la radicalisation de la droite républicaine qui lui donne un vivier pour des élections municipales, européennes ou encore régionales.Ces élections sont boudées par les électeurs – voyez le taux d'abstention. Un électeur sur deux ne s'est pas rendu aux urnes, le 6 décembre dernier, pour le premier tour des élections régionales. C'est un boulevard pour le FN dans des élections comme les municipales. Et, contrairement aux autres partis, le parti de Marine Le Pen possède une base de votant qui reste mobilisée. Il faut tout de même noter que l'accoutumance au Front national progresse. Ils avaient 118 élus régionaux en 2010 – maintenant ils sont à 358. C'est un parti à surveiller, il fait tout de même, 45 % en région PACA à lui tout seul.C'est donc aujourd'hui une force politique, susceptible de conquérir des collectivités locales. Ce sont des victoires qui font qu'on ne peut pas minimiser l'avancée du parti dans notre société.
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Ça dépend. Parmi les abstentionnistes, il y a toujours ceux qui reviennent au deuxième tour pour « faire barrage au FN », comme lors des dernières élections régionales. Mais il y a aussi parfois des électeurs qui votent pour lui prêter main-forte. Cela existe. C'est pour cette raison, que selon moi, mis à part l'élection présidentielle, une victoire au second tour aux autres élections est tout à fait envisageable.
D'accord. Donc si Marine Le Pen accède au deuxième tour à l'élection présidentielle en 2017, elle n'a aucune chance de gagner ?Ce que je peux affirmer, c'est que Marine Le Pen ne pourra remporter la présidentielle que si elle s'allie avec un autre parti.
Vraiment aucune chance ? Je ne peux pas dire cela. C'est une élection, le citoyen est souverain. On ne sait pas encore ce qui peut se passer juste avant une élection ou quelle sera la conjoncture économique du pays. Donc, il faut rester vigilant.Ce que je peux affirmer, c'est que Marine Le Pen ne pourra remporter la présidentielle que si elle s'allie avec un autre parti. Mais cela ne fait pas partie de sa stratégie. D'autre part, les Républicains et les Socialistes excluent toute coopération avec le Front national. Même si l'électorat se droitise.Les électeurs des Républicains, pour une grande majorité, ne souhaitent pas voter pour l'extrême droite. Par exemple, on a une droite très dure sur les questions identitaires, mais qui refuse le Front national. Les électeurs de cette droite considèrent que sur le plan économique, le projet du parti d'extrême droite est un danger.
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Jean Yves Camus : Je ne pense pas. À Paris, dans les arrondissements où se sont déroulés les attentats du 13 novembre, on a constaté durant les régionales qu'au premier tour, le taux de participation était resté pratiquement égal. On remarque une augmentation d'1 % du taux de participation. Il faut aussi noter que les attentats ont créé un climat anxiogène. Ce climat déplace donc le débat vers des questions d'identité, de sécurité ou de la « place de l'islam en France ». Il est impossible de mesurer les effets des attentats sur l'électorat ; néanmoins, on peut admettre que cela place le parti de Marine Le Pen en position de force avant des échéances électorales.Mais la présidente du Front national ne sera pas la seule à en profiter : les Républicains le seront aussi. Sur les questions de sécurité, de l'immigration ou des réfugiés, le discours des Républicains est entendu par son électorat et par l'ensemble des Français. Même si les Républicains ont des difficultés sur la ligne politique au sein du parti, les Français leur font confiance. Par exemple, lorsqu'on entend Nicolas Sarkozy s'exprimer sur les « ratés de l'espace Schengen », il conserve, même après son quinquennat, une crédibilité.
Nicolas Sarkozy a une stratégie : celle de droitiser le parti.
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Oui. Bien sûr, il y a des militants déçus qui adhèrent au Front national. Mais pour l'instant, le parti de l'ex-Président de la République n'enregistre toujours pas de départs massifs de son électorat ou de ses cadres. Nicolas Sarkozy a une stratégie : celle de droitiser le parti. Pour le moment, même si ce choix est décrié, cette stratégie permet encore de maintenir son électorat et donc d'éviter des surprises au second tour d'une élection.
Tout d'abord, il faut comprendre pourquoi ils votent Front national. Les Républicains et le parti Socialiste les ont déçus. Ils voient leur niveau de vie continuer à baisser. Et les perspectives d'ascension sociale bloquées, la précarité de l'emploi, les perspectives économiques bouchées. Tout cela pousse de plus en plus d'ouvriers à voter pour le Front national. Donc oui, cela profite au Front national. Il crée une base solide qui pourrait, un jour, faire pencher la balance. Cela ne concerne d'ailleurs pas simplement les ouvriers, mais tous les Français.Le programme du Front national séduit-il en réalité ?
Non. Pour le moment, le parti d'extrême droite ne séduit pas. Selon un dernier sondage TNS Sofres, 60 % des Français n'adhèrent pas à ces idées. Il le voit encore comme un parti repoussoir.
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Cette question fait débat au sein des Républicains. Nicolas Sarkozy l'applique, car il continue de penser que la France n'a jamais été aussi à droite et que les électeurs attendent un message de fermeté. En tout cas, elle fonctionne dans certains endroits. Par exemple, Laurent Wauquiez est élu en région Auvergne-Rhône-Alpes sur une stratégie extrêmement droitière.Mais on ne peut pas oublier que cette politique est utilisée depuis 2007 par Sarkozy et qu'il a beaucoup déçu. Aujourd'hui, selon un sondage, le parti se dirige plus vers Alain Juppé, qui a une politique de droite traditionnelle.Merci beaucoup Jean-Yves.Haussman est sur Instagram et sur Facebook.