Kirin J. Callinan a sorti le disque le plus fou, génial, brillant et hilarant de 2017

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Kirin J. Callinan a sorti le disque le plus fou, génial, brillant et hilarant de 2017

Nous sommes allés passer un moment avec l'Australien pour parler d'humour, d'audace, de sincérité, du Villejuif Underground et du gigantesque « Bravado ».
Marc-Aurèle Baly
Paris, FR

En musique, les notions de bon et de mauvais goût semblent avoir été balayées depuis que l’Internet-roi a logé tout le monde à la même enseigne et qu’il n’existe plus vraiment de hiérarchie à laquelle se raccrocher. On assume plus ou moins tout ce qu’on écoute, les barrières sont de l’histoire ancienne au même titre que les plaisirs coupables, et les fautes de goût ne font plus vraiment partie du vocabulaire pop. Pour ça, l’ironie a été un garde-fou bien commode. Son usage permet de désamorcer les éventuels retours de bâton en disposant sur le chemin plein de signes de reconnaissance adressés aux usagers, et en n’oubliant pas au passage de nous rappeler sans cesse que rien de tout ça n’est vraiment sérieux. Gare, toutefois, à celui qui poussera un peu trop loin le petit jeu de la dérision.

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À ce titre, la découverte de Bravado, deuxième album de l'Australien Kirin J Callinan, a été un choc. Déjà, la pochette. Sur celle-ci, Kirin J Callinan, torse nu et gueule de chav’ échappé d’un épisode du Jersey Shore, nous regarde dans les yeux en se pissant (littéralement) dans la bouche. La musique, ensuite. De prime abord, Bravado se compose de morceaux de rock de stade des plus putassiers, de synth pop sirupeuse et d’EDM sous testostérone mâtinée de country, à l’image du morceau de bravoure délirant « Big Enough », comme si Swedish House Mafia s’alliait à Mike Patton pour reformer Faith No More avec le cadavre de Michael Hutchence - et encore, on serait bien loin du compte. Rehaussé par une pelletée de clips aussi invraisemblables que totalement maboules, le disque, composé en totalité par l’Australien, arrive à faire cohabiter des guests aussi improbables et éloignés en esprit que Weyes Blood, James Chance, Jimmy Barnes (sorte de Johnny Hallyday australien des années 80), Connan Mockasin, Owen Pallett ou encore Jorge Elbrecht. Et le pire, c’est que tout ce beau monde arrive à se prendre au jeu d’un disque aussi éclaté que furieusement désinhibé.

Par la surenchère et l’outrance, Bravado répond à cette question rhétorique que posait Kirin J Callinan lui-même dans une interview avec Spin : « Qui en a encore quelque chose à foutre des singers-songwriters aujourd'hui ? ». Comme si on ne pouvait, dans notre époque musicale référencée qui ne communique qu’à travers des clins d’œil d’identification, mettre à mal notre petit confort que dans l’excès et la démesure. L’Australien a semble-t-il parfaitement compris tout cela, à travers une musique méta, qui s’empare à bras le corps de symboles pop pour mieux les brouiller et les amener à un point d’incandescence rare.

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Depuis quand a-t-on autant ri en écoutant un disque ? On ne parle pas de ce rire-coup-de-coude facile et ricaneur qui caractérise la pop ironiste d’aujourd’hui, mais d’un rire énorme, furieux et libérateur, provoqué par l’état d’euphorie dans lequel nous plongent les morceaux du disque, lequel presse le citron du pastiche jusqu’à plus soif, avant que nos œillères, d’abord obstruantes, ne se dégagent complètement. Des morceaux à la complexité et à la richesse texturale inouïes, jamais ostentatoires, à l’image de « S.A.D (Song About Drugs) » et son clip phénoménal, dans lequel chaque refrain est joué plus fort que le précédent, jouant ainsi sur le double sens de coming up des paroles, qui évoquent la montée de drogue tout en annonçant la partie à venir. Tout le disque est ainsi, poussant jusqu’au délire le goût de l’intensité de l’EDM la plus commerciale et bousculant sans discontinuer nos propres goûts et convictions.

Surnage alors une vulnérabilité inédite, un jusqu’au-boutisme qui fait que l'on s'émeuve devant l'absurde et que des paroles aussi débiles que « Wrapped Up In Plastic / Thrown Down The Stairs / Feeling Fantastic » (toujours sur « S.A.D ») soient reçues comme le truc le plus galvanisant de l’année. Totalement à nu (au propre comme au figuré, le mec étant régulièrement coutumier du fait de sortir sa bite inopinément), Kirin J Callinan remporte la partie par K.O technique. Ce qu’on a pris à tort au début pour une vaste blague se révèle en fait être le disque le plus vivant et débordant entendu depuis longtemps, qui donne à l’auditeur l’envie d’y revenir constamment - ce qui est une putain de gageure aujourd’hui.

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En concert au Pop-Up du label en octobre dernier, toujours à la limite entre le génie total et le pur novelty act, Kirin J Callinan se déhanche comme un objet sexuel démantibulé, chante a cappella sur le fait qu’il soit un enfant en bas âge, joue au faux crooner possédé et se lance dans des solos de guitare aussi douteux que génialement inspirés. Le public lui demande constamment de sortir sa bite, habitude qu’il a prise lors de ses tournées récentes, et qui ressemble désormais à un shtick avec lequel le musicien semble se sentir mal à l’aise.

Ce qui est plus ou moins l’objet de ma première question lorsque je le rencontre à la terrasse d’un rade à côté.

Noisey : Tu n’as pas peur parfois que ta personnalité extravagante prenne le pas sur tout le reste ?
Kirin J Callinan : J’y pense, oui, mais après je me dis que rien n'existerait sans la musique. Parfois j’ai un peu du mal avec ce que les gens attendent du live, ou ce que ma musique devrait être. C'est même un peu douloureux. Parfois j'ai envie de refaire de la musique triste. Quand j'étais ado je voulais faire la musique la plus émotionnelle possible.

Je suis tombé sur un de tes anciens groupes, Mercy Arms [ sorte de post Strokes/Libertines des années 2010], c'était très, disons, premier degré.
Oui, mais même ça, c'était déjà quelque chose d'autre. Le morceau « Chardonnay Sean », qui est apparu finalement sur mon premier album Embracism, je l'ai écrit très tôt, quand j'avais 17 ans. À l’époque, j'étais une petite merde malheureuse. J'avais juste envie que les gens soient aussi tristes que moi en l'écoutant.

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C'est marrant parce que tu fais exactement le contraire aujourd'hui. De ce que tu faisais avant et, d'une manière plus générale, de ce que font la plupart des artistes pop contemporains. Il y a quelque chose d'imprévisible dans ta musique.
J'ai envie d’arriver à un point où je suis complètement libre de mes mouvements. On ne s'attend plus à ce que je fasse tel ou tel disque aujourd'hui. Tu as raison, il y a quelque chose d’imprévisible, on ne sait jamais ce qu’il va se passer. Ce qui est ce que je souhaite depuis le début en fait. J’ai envie d’être insaisissable.

Les gens comprennent le délire partout ?
Sur cette tournée, tous les concerts sont complets à part Hambourg. Honnêtement je ne pensais pas qu'il y aurait tant de monde, et que les gens s'éclateraient autant. À Berlin et à Londres, disons que les gens viennent avec une certaine attente. Mais même là, soyons honnêtes, et tant pis si ça parait prétentieux, mais nos concerts sont vraiment mortels. C'est le meilleur show au monde. [ Rires] Et je ne suis pas sûr que les gens s'attendent à ce que ce soit vraiment bien, tu vois ce que je veux dire ?

Ils s'attendent surtout à que ce soit marrant.
Ouais, voilà. En général les gens viennent pour se marrer après avoir vu quelques vidéos. Et il y a de l'humour, bien sûr. Mais c'est une expérience complète. C'est romantique, il y a des sentiments. De la violence, des moments véritablement effrayants, des passages vraiment idiots. Mais aussi de la profondeur et de la beauté. Et on joue longtemps, aussi. On peut pousser jusqu'à plus de deux heures, parfois. On fait plein de rappels. C'est dur, à vrai dire. On donne beaucoup.

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Émotionnellement ou au niveau de l'énergie ?
Les deux. Ça ne se voit pas forcément mais il y a beaucoup d'empathie dans notre démarche. Le premier concert de la tournée à Londres, j'ai escaladé un truc et je me suis éclaté le genou. J'ai l'impression que c'est épuisant à tous les niveaux.

La première fois qu’on écoute Bravado, on a l’impression que ce n’est qu’une blague, une sorte de comedy album. Alors que ça va beaucoup plus loin que ça.
Pour moi tout ce qui est bon devrait être drôle. Mon album d'avant, Embracism, je le trouvais très drôle, même si ça n’avait pas l’air. Peut-être que j'ai juste poussé Bravado un peu plus loin.

C'était délibéré, donc ?
C'est surtout que je me suis amusé en le faisant. J'étais relativement inexpérimenté quand j'ai enregistré Embracism, et plus concerné par ce que les gens allaient en penser. Mais c'est un disque qui aurait pu être plus drôle. Ou en tout cas plus courageux. Parce qu'au final la question c'est ça : ce n'est pas tant d'être drôle que de ne pas avoir peur de faire ce que tu fais.

Tu trouves que l’audace est un truc qui se perd en musique ?
Oui et c'est pour ça que les gens ne se marrent plus.

Il y a quelque chose d'assez fascinant tout de même d'aller aussi loin dans le ridicule. Ça provoque un effet étrange : on voit à quel point tu donnes tout, ce qui donne un côté étrangement sincère à ta musique, presque à fleur de peau.
Je ne sais pas si tu es fan de Prefab Sprout. C'est une de mes plus grosses influences, même si on ne fait pas forcément la même musique. Au premier coup d'œil ça a l'air bébête, totalement ringard, et pourtant c'est absolument sincère et c'est beaucoup plus complexe que ça en a l'air. Et le courage d’être toi-même est quelque chose qui me touche. Moi j'aime faire l’idiot, c'est ça qui m'excite le plus. J'essaie d'investir et d'incarner autant de moi-même que possible dans ma musique.

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C'est presque surprenant de voir le consensus autour de ta musique alors que tout le monde pourrait passer totalement au travers.
Il y a eu plusieurs articles sur Internet assez condescendants, qui disent que ce que je fais serait, d'une certaine manière, politiquement incorrect.

Dans quel sens ?
Que je joue excessivement sur ma masculinité. Ou même que je suis raciste.

Ah ouais, à ce point-là ?
Je n’ai pas trop envie d'en parler, parce que je veux me détacher complètement de ce truc-là, c'est tellement éloigné de la vérité. Mais par exemple, à l'intérieur du livret de l'album, il y a une image où je suis couvert de faux bronzage et certaines personnes ont interprété ça comme du black face.

Il y a un côté bogan [en gros, l'équivalent des rednecks en Australie] dans ton look par moments aussi.
On m'a critiqué pour ça aussi, oui. Mais c'est comme ça que j'ai vécu.

Tu as grandi à Sydney, c’est ça ? Nathan Roche du Villejuif Underground m’a dit que tu étais une figure connue de la scène underground de la ville pendant des années.
Ah oui, je connais bien Nathan, il est un peu fou, on dirait qu’il ne fait pas partie de la même planète que nous [ dit le type qui, à cet instant précis, porte un kilt et a une coupe mulet peroxydée].

Mais sinon oui, j’ai eu des tas de groupes et projets depuis mon adolescence. J'ai grandi dans la banlieue ouest de Sydney, puis ma famille a déménagé dans les Northern Beaches lointaines de Sydney. J'étais à l’école publique. Et je pense que parce que je viens de là, les gens confondent ça avec le North Shore, qui est très roots. Quand mes parents y ont été, ils ont eu de la chance, ils y ont acheté leur première maison et tout. Mon père jouait dans les Radiators dans les années 80, c’était un peu le groupe bogan typique. Les gens veulent toujours t'attaquer sur quelque chose, quand t'as un petit peu de succès. Ça peut être compliqué, si tu es sensible à ce genre de choses. Mais c'est bien d'avoir des réactions passionnelles aussi. Personne ne réagit plus. Quand tu penses que des gens brûlaient les disques des Rolling Stones ou de Johnny Cash dans les années 60, ça n'arriverait plus jamais ça. Aujourd'hui, tout le monde s'en fout.

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Tu recherches la confrontation dans ta musique ?
Pas nécessairement. La musique que j'aime est dans la confrontation, certes. J'ai grandi en écoutant Suicide, les Smiths, ou même Scott Walker. Et tous ces gens étaient dans une forme de confrontation, plus ou moins évidente.

Comme James Chance, qu'on retrouve sur ton dernier album. D'ailleurs, je ne pensais pas que je retrouverais un jour James Chance et Jimmy Barnes sur le même disque. Comment tu fais pour faire cohabiter no wave et rock de stade australien, et comment as-tu trouvé tous ces guests aussi disparates ?
Tout ça s'est fait de manière naturelle. Mon pote Dan de The Drones m’a emmené au concert de James Chance à Sydney puis m’a présenté très rapidement. C'était dingue, on aurait dit The Contortions, même s'il jouait avec des musiciens australiens.

Le lendemain, après une longue nuit où je me suis pris une cuite monumentale, je me suis réveillé dans l'hôtel où il était, je ne savais même pas comment j’avais atterris là. James Chance m'a reconnu dans le lobby, il ne savait pas trop où il m’avait vu. Il avait un jour off à Sydney, il allait au Japon ensuite, il n'avait rien à faire, je lui ai demandé où il voulait aller, au Sydney Opera House, Harbour Bridge, Bondi Beach, ce genre de choses. Et tout ce qu'il voulait c'était trouver des librairies d'occasion. Il voulait trouver des livres sur le communisme en Australie. Et sur les crimes passés en Australie. Donc j'ai un peu fait la baby sitter toute la journée avec James Chance. C'était fou, un peu.

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Jimmy Barnes, je lui ai simplement demandé et ça a pris 6 mois. Je voulais juste qu'il crie sur ce morceau et il m'a envoyé un mail avec six cris différents en pièce jointe. Sans réponse ni mots. Juste les six cris, au bout de 6 mois. J'étais en pleurs.

C'était au début ou à la fin ?
Non, c'était toujours à la fin. C'est moi qui ai tout composé et chanté au début. Au début il n’y avait que mes défauts.

Le processus a été difficile de Embracism à Bravado d'après ce que j'ai compris.
Je ne suis pas vraiment un personnage public, donc j'ai eu beaucoup d’étapes compliquées, mais on ne les a pas vues. Mais c'était fun dans son ensemble, même si je n'ai pas apprécié certains passages, où j’ai eu pas mal de doutes. Mais la dernière chose que j'aurais voulu faire c'était refaire la même chose. Peut-être que je ferai quelque chose d'émotionnellement éprouvant la prochaine fois.

Ça ne l'était pas, cette fois-ci ?
Si, mais seulement à cause du temps passé dessus. Quand je l'enregistrais, c'était toujours grisant. Aaron Cupples a produit la plupart du disque et on n'a pas arrêté de se marrer. On était complètement bourrés la plupart du temps. On vivait ensemble à Londres, on se levait le matin, on parlait du disque, on sautait sur nos vélos et on allait au studio, et on refaisait ça tous les jours. On ne s'est pas disputés une seule fois, c'était une ambiance vraiment géniale. Parfois je m’écroulais sur le canapé, complètement ivre. On écoutait Swedish House Mafia à fond. Ou The Blue Nile. Joe Jackson. 1975. Lewis. Hans Zimmer.

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Hans Zimmer, vraiment ? Lui c'est vraiment le pire.
C'est affreux hein ? [ Rires]

Tu as vu le nouveau Blade Runner ?
Non pas encore, c'est désastreux j'imagine ?

C’est visuellement impressionnant, mais disons que ça manque d'âme.
J'imagine. Tu as vu Ça ?

Ouais, c'est affreux, on dirait un parc d'attractions plutôt qu’un film.
C’est ça que je ne comprends pas trop au cinéma aujourd’hui. Le fait que Jurassic Park, Star Wars, tous ces films… On dirait qu’il n’y a que des suites ou des remakes de trucs qui datent d’il y a vingt ans.

On retrouve ça en musique d'une certaine manière, ce goût du vintage des années 80.
Oui, exactement. Mais au moins au cinéma ils ont la décence d'assumer.

Tout le monde a accès à toutes sortes de musiques et d'informations, c'est très aisé de se déclarer spécialiste et de recréer à la note près ce qui s'est fait avant.
Les gens sont de plus en plus paresseux. Je pense que c'est pour ça que ça m'a pris autant de temps de faire mon disque, parce qu'il n'y avait pas de projet préexistant précis. Bien sûr on emprunte beaucoup de choses, mais on essaie de faire quelque chose de nouveau.

Aujourd'hui on ne peut plus ne plus être référencé quand on fait de la musique. Mais au-delà du style, j'ai l'impression que ce qu'il y a de nouveau dans ta musique, ce n'est pas tant les références, qu'on peut facilement retracer, mais la manière dont elles sont utilisées. Alex Cameron est comme ça dans un sens, aussi, même si vous ne faites pas exactement la même musique. Il y a quelque chose d’outrancier dans la manière dont vous prenez des références connues pour en faire totalement autre chose.
Oui, je vois ce que tu veux dire. J’aime bien l’outrance dont tu parles. Après tu n’as pas non plus envie de faire un disque composé de bruits de pets, tu vois ce que je veux dire ? Quand tu fais de la musique, tu parles une langue. Il faut un langage connu pour que conceptuellement, tu arrives à quelque chose de nouveau. Alex Cameron, ça sonne peut-être comme Tom Petty ou Warren Zevon ou je ne sais pas qui. Mais il le fait de manière totalement nouvelle. Tu as raison, il dit autre chose.

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Mais pour ça, il faut passer les points de référence.
Passer les bullshit points, oui. [ Mac DeMarco passe en fond sonore] Mac est cool aussi, c'est un musicien fantastique. C'est l'équation parfaite de rien. Il fait marcher ça merveilleusement. Il le fait simplement. J'essaie de partir d'images simples et belles, puis de compliquer le tout jusqu'à ce que ça devienne vraiment bizarre. Mais lui il le fait de manière très directe, ce qui est assez admirable.

Tu as collaboré avec Kevin Parker de Tame Impala aussi. On sent chez vous cette façon d’assumer totalement votre côté cheesy, d’aller à fond dans le sentimentalisme même.
Kevin est bizarre. Je sais que je le suis aussi pour certaines personnes, mais bon. Kevin est assez courageux d'aller à certains endroits mélodiquement. Et ses paroles sont assez directes et cheesy par moments. C’est cool. J'aimerais peut-être qu'il soit un plus grand performer, c'est là qu'il est peut-être encore timoré. Mais c'est ça son truc, c'est un songwriter incroyable, un grand producteur.

La différence entre vous, c’est qu’on sent toujours une distance chez toi. Ou en tout cas que le personnage est toujours là.
Ça m'ennuie de plus en plus à vrai dire, j'ai de plus en plus envie de faire de belles chansons avec de belles mélodies.

Il y a de vraies belles chansons sur le disque, comme « Bravado » ou « Telling Me This » .
Oui, à leur manière, elles le sont toutes, même quand elles sont laides.

C'est l'euphorie qui s'en dégage les rend belles en fait.
Oui, c’est vrai. Cette euphorie fait que les gens réagissent de manière différente à toutes ces chansons.

C'est étrange tout de même cette réaction, vu que ta musique est ancrée profondément dans l'ironie. Tu vas même complètement à fond dans l'EDM par moments, et pourtant ça prend quand même.
C'est ce que j'allais dire. L'ironie, par définition, c'est d'utiliser une chose pour en dire une autre. Ça a une connotation négative, mais à la base, c'est tordre les choses. Donc tu as raison de dire qu'elle est ancrée dans l'ironie, que j'utilise des procédés de distorsion ironiques, mais elle ne vient pas d'un endroit ironique. J'écoutais Swedish House Mafia et j'adorais vraiment ça ! On ne trouve cette euphorie nulle part ailleurs. J'ai écouté David Guetta, Avicii, Calvin Harris, et franchement tous ces trucs c'est de la merde. Mais Swedish House Mafia, non putain, c'est incroyable ! [ Rires]

J’étais parti sur une base eurotrash pour ce disque, mais je me suis dit que ce serait sans doute trop facile comme idée. Le truc de l'EDM qui m'intéressait, c'est qu'on a commencé à faire ce disque en 2014-15. L'EDM avait du succès dans les années 2010, c'était bien trop tôt pour être pleinement ironique, ou même cool. Et en même temps trop tard pour être pertinent comme son. Et c'est ça qui m'a vraiment emballé, cette espèce de zone grise où les gens ne sauraient absolument pas quoi en faire. [ Rires]

Je me suis dit que ce serait vraiment étrange et que ça te forcerait à questionner tes propres goûts. Et il y a aussi le challenge de faire des morceaux d'EDM, parce que c'est assez dur à faire. Ces sons de synthés, c’est fou. « Greyhound » de Swedish House Mafia est vraiment une chanson incroyable. Ou « Don't You Worry Child », tu vois ?

Heu, pas vraiment.
Mais nos chansons sont meilleures. Mon disque sonne bien mieux que tous ces disques d’EDM. Je ne devrais pas dire ça, mais c'est le meilleur disque de tous les temps. Marc-Aurèle Baly est sur Noisey.