Range Tes Disques : !!!

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Range Tes Disques : !!!

À quelques jours de la sortie de son nouvel album « Shake The Shudder », on a demandé au groupe New-Yorkais de classer ses 7 albums, de celui qu'il trouve le moins bon, à celui qu'il considère comme le meilleur.

Il faut parfois avoir le courage de refaire l'histoire. Non, !!! n'a pas grand-chose à voir avec la vague punk-funk du début du XXIe siècle. Déjà, parce que contrairement à Radio 4 ou The Rapture, le groupe est toujours en vie. D'autre part, parce que leur marmite en fusion doit plus à la funk, la soul et la house, qu'à la old-wave façon New Order ou Cure. Qui assista à leur premier concert français aux Trans Musicales de Rennes en 2004 se souvient d'une rave géante et réjouissante. Ce fut d'ailleurs le dernier concert donné à la salle du Liberté avant travaux.

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Aussi éclatant soit-il, !!! possède la particularité de vivre éclaté, avec son chanteur Nic Offer installé à Brooklyn et des membres basés à Sacramento et Portland. Pas l'idéal pour improviser une répét' mais au moins, chacun y trouve son équilibre dans le cadre qui lui convient. Né en 1995 de la rencontre entre deux groupes qui l'ont alimenté par ses musiciens, !!! a vu son micro atterrir chez ce Californien furieux, adepte de punk hardcore, fan de Black Flag, Bikini Kill et des Dead Kennedys, après une adolescence sous le signe de Depeche Mode et des Smiths. Mais il l'admet aujourd'hui : impossible de se satisfaire des toutes ces musiques, James Brown, la funk et la disco restent tout aussi vitaux à son univers. Rien que par son titre, Shake The Shudder (en gros, « va danser pour oublier tes soucis », ce septième album maintient cette bande de quadras qui a pas mal bougé en 20 ans et a affronté plusieurs drames dont la mort de deux musiciens, dans son fantasme de vivre sa vie sur le dancefloor, comme dans une after qui n'en finirait pas. Un septième album en vingt années d'activité qui se déguste comme une salace de fruits aspergée d'acide, une septième raison d'investir dans une boule à facettes pour le salon. Et de demander à Nic Offer de refaire le match des albums du groupe, avec bien évidemment, son petit nouveau en tête de liste et le préféré des fans en mauvaise posture. Chic, chic, chic.

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7. Strange Weather, Isn't It (2010)

Quand j'étais gosse et que je commençais à acheter des disques, je me demandais parfois pourquoi tel disque de Depeche Mode n'était pas aussi bon que tel autre. J'avais du mal à comprendre pourquoi un bon groupe pouvait faire un mauvais album. Sur celui-ci, je comprends ce qu'on essayait de faire. Mais bon, c'était le premier après le départ de plusieurs membres, une période sombre pour le groupe, avec les problèmes habituels de drogues et d'alcool. Le truc rock'n'roll classique. Même si je sens qu'on essayait de faire du mieux possible, il y a même des chansons que j'aime dessus, mais bon. Laisse-moi aussi te dire que je n'ai pas écouté nos albums depuis des années. Tu fais la musique que tu aimes et que tu vas écouter des centaines de fois en studio. C'est généralement comme ça que je la consomme et que je l'aime. En studio, en la jouant fort. Mais peut-être que si je réécoutais nos albums, mon classement ne serait pas le même. Mais bon, celui-là n'est pas le plus populaire auprès de nos fans non plus.

Il a été important vis-à-vis du suivant ?
Sans aucun doute. Il a permis le bond en avant sur Thr!!!er car nous avons tellement appris en le faisant. Nous avons appris de nos erreurs, on avait la pression, aussi.

S'il y avait des chansons à sauver, tu dirais laquelle ?
« Jamie, My Intentions Are Bass », définitivement, même si j'aime toujours aussi jouer « Hollow ». Du coup, quand je les écoute dans ma tête, je me dis que j'aime bien des chansons comme « Jump Back » aussi. Mais voilà, il fallait un dernier.

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6. Louden Up Now (2004)

Ah oui ?
Oui je sais, c'est l'un des préférés des fans. Mais c'est le premier où nous avons travaillé chacun de notre côté et nous apprenions à le faire. C'était un moment compliqué avec beaucoup de conflits internes. Et nous n'avions pas de producteur, c'est comme ça qu'on a presque toujours fait. Celui-ci aurait pu être meilleur avec un bon producteur. Il est produit par sept personnes différentes. Il a quelques moments forts comme « Pardon My Freedom » mais bon, il s'est fait quand on était en pleine hype, un groupe super cool. Alors que si on avait fait un disque différent, on aurait probablement été bien plus gros. C'est bizarre car on s'est ensuite mis la pression pour Myth Takes et ça a été un désastre. On y a tout mis et quand il est sorti, plein de gens nous ont lâchés en disant que c'était pas si bon que « Me And Giuliani Down By The School Yard (A True Story) ». Mais bon, j'aime bien aussi « Shit Scheisse Merde, Pt. 1 » et « Pt. 2 ». Ce sont des époques différentes. Des kids aujourd'hui se moqueraient de nous car mon idée était de mettre les pires chansons en premier histoire de s'en débarrasser. Ce que personne ne ferait aujourd'hui. C'était une idée stupide et c'était mon idée. Elle n'a d'ailleurs pas bien vieilli.

C'est l'album qui vous a fait connaitre au milieu de toute la scène électro-rock américaine du moment alors que vous étiez beaucoup plus funk et fusion que les groupes DFA.
C'est le lot de tous les groupes de tenter de se décoller les étiquettes. C'est arrivé à Dinosaur Jr, New Order… Quand tu prends le glam-rock, c'est un bon exemple. Entre T.Rex, Roxy Music, Sparks, Bowie, chacun traçait son propre chemin. Seul Marc Bolan est resté fidèle au glam des débuts, tous les autres l'ont emmené ailleurs. C'est ce qui m'a paru important aussi de faire : embarquer notre style ailleurs sans qu'il ne nous limite. J'étais avec notre batteur dans un bar un peu cheesy la nuit dernière et il y avait un truc qui passait. Je lui ai dit : « Tu vois, je pense que c'est comme ça que les gens pensent qu'on sonne ». C'était une espèce de dance-rock comme ça se faisait en 2004 mais qui était bien évidemment de 2017. On aurait pu finir par sonner comme ça. Mais on a cherché à avancer.

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Sur cet album, vous vous distinguiez par un vrai discours contestataire, anti-guerre, anti-Bush, anti-Giuliani…
On était des punks. On venait de là. Avec mon groupe précédent, Yah Mos, c'était du vrai punk. Chaque chanson s'attaquait au gouvernement, au système pourri… Je me sens toujours un jeune homme qui ne supporte pas tout ça. Au moment du premier album, on était excités à l'idée de ne plus écrire sur la politique. Et ça nous a rattrapés sur Louden Up Now avec ce qu'il se passait à New York. On y vivait, on allait dans des fêtes… On ne s'identifiait pas à ces personnes mais pas non plus aux punks qu'on avait été. On se sentait à part, un peu comme tous les groupes tu me diras. Je sais que par certains côté, nous étions vraiment à part.

Enfant, tu étais fan de Black Flag, Dead Kennedys, etc. La situation politique ne s'est pas améliorée mais tous ce genre de groupe à message a disparu du paysage.
C'est vrai, et pourtant, le disque le plus extrême politiquement de ces 20 dernières années est sorti il n'y a pas longtemps, c'est le Kendrick Lamar. A quand remonte un disque politisé aussi populaire ? Public Enemy ? Rage Against The Machine ? Peut-être que quelque chose est en marche, un peu comme les protest-singers dans les années 60 se sentaient novateurs à l'époque et un peu fatigués aujourd'hui. On a besoin de trouver quelque chose de nouveau. Les protest-songs ne sonnent plus très fraiches. Peut-être que la résistance est dans les médias sociaux, que faire un mème représente un acte politique bien plus fort.

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5. !!! (2001)

Il s'était pris genre 2.4 sur 10 sur Pitchfork, une bonne claque. La chronique disait qu'on « remuait la poussière sur la tombe de Sly Stone », ce qui était une belle erreur car Sly Stone n'était pas mort et il ne l'est toujours pas. Mais à l'époque, on a trouvé ça cool. Les gens ne nous comprenaient pas à part ceux qui nous avaient vus. On l'avait réalisé pour un millier de personnes sans savoir que ça allait être pour le monde et que j'allais encore en parler 20 ans plus tard à Paris. On l'a sorti sur un label indé un peu punk. C'est le premier disque qu'on a réalisé ensemble, on était déjà excités par le fait d'être en studio, à apprendre comment tout ça marchait. On pensait qu'on ne rejouerait jamais ses chansons et puis on l'a fait il y a cinq ans et on les a retrouvées encore plus intenses.

Le groupe venait de naître de la fusion de deux groupes, avec toi en plus qui venait d'un troisième.
C'était le groupe tel que je le voulais. On avait fait cette tournée avec les Popsmashers, le groupe de Mario [Andreoni, guitare], un groupe dubby post-punk, et on était un groupe de reprises de disco. On s'est dit : pourquoi ne pas nous réunir pour faire du disco sans avoir peur de sonner comme Sonic Youth ? Soyons bizarres. Dès la première répétition, on a écrit deux chansons et on tenait un truc que personne d'autre n'avait. C'était une sensation incroyable. Comme de faire cet album où tout devenait possible. On pouvait jammer encore et encore. On en était au point où ça sonnait incroyablement et on n'avait plus envie de nous arrêter. On dit qu'un grand groupe ressemble à un gang et c'est ce qu'on était. Et c'est ce qui est devenu compliqué avec Louden Up Now : nous n'étions plus un gang.

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C'était simple pour vous de transcrire sur disque l'énergie que vous aviez sur scène ?C'était compliqué. Sur ce disque, nous avons appris quelque chose que nous avons toujours refait pour les autres, sauf Louden Up Now. Quand on a commencé à jouer la chanson « Storm the Legion » en tournée, elle sonnait bien mieux. On a donc compris qu'il fallait qu'on enregistre les titres après les avoir joués un peu en tournée. C'est une philosophie qu'on a gardée pour la plupart des albums. On apprend les chansons, on va les jouer en club pendant une semaine, et on file immédiatement en studio. Mais bon, ta question ramène à un truc auquel nous sommes toujours confrontés. D'autant que les premières fois où tu vas en studio, tu n'y connais rien, tu es juste excité d'être là, tu fais des erreurs. C'est à partir du troisième, Myth Takes, qu'on a commencé à les éviter.

4. As If (2015)

J'aurais pu le mettre plus haut car il contient ma chanson préférée du groupe « All U Writers », à la fois drôle, efficace, originale… et l'une des plus amusantes à jouer live. On avait déjà enregistré une chanson avec le producteur Patrick Ford sur Thr!!!er mais là, c'était quasiment tout l'album, genre deux semaines avant son mariage. Il nous a fallu terminer le disque en bossant 16 heures par jour, c'était à la fois drôle et épuisant. Pour moi, c'est marrant d'être en studio pendant 16 heures car c'est 14 heures de blagues et de rigolade assurées. On avait beaucoup produit nous-mêmes, on se sentait donc libérés, c'était une sensation forte.

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3. Myth Takes (2007)

C'est le dernier réalisé par les « Magnificent Seven » comme nous appelait notre tour manager. Après Louden Up Now qu'on avait vécu comme un échec, c'est le premier où on a essayé de capturer l'esprit live du groupe. C'est aussi le dernier avec le bassiste Justin Van Der Volgen qui avait produit le premier album. C'était cool d'avoir un membre du groupe à la production, d'autant qu'on avait aussi le duo The Brothers. Autant Louden Up Now correspondait à une guerre de gangs, autant là, tous les gangs rendaient l'affaire plus forte en bossant pour faire un grand disque. C'est la première fois qu'en le finissant, on avait l'impression d'avoir faire un super truc. En plus, il marque la fin du son dance-punk, il en est la quintessence.

Il sonne la fin de votre première grande période
Oui, exactement.

Vous avez intégré les machines, le son sur ordinateur, l'électronique.
Sur Myth Takes, on s'est bien servi des boites à rythmes, c'est une progression naturelle pour un groupe. Quand tu entends Cabaret Voltaire, tu ne peux être que fasciné par cette musique que tu peux produire avec des machines et sans guitare.

2. Thr!!!er (2013)

Celui-ci, ce serait plutôt les « Magnificent Five », la construction d'une nouvelle famille, avec un nouveau batteur et un nouveau bassiste, Rafael Cohen, qui comme moi, vit à New York. Il passe à la maison une fois par semaine et m'amène des chansons qu'il me joue. Je lui en joue aussi et on s'en échange sur nos ordinateurs. C'est la première fois que j'ai quelqu'un comme lui dans le groupe. Ça me fait penser à Lindsey Buckingham quand il a rejoint Fleetwood Mac, ça a démarré une nouvelle ère. C'est aussi l'album où on travaille pour la première fois avec Jim Eno de Spoon à la production. Il correspond aussi pour la première fois à l'ouverture à quelqu'un d'extérieur à notre monde, avec des influences différentes, qui peut nous amener ailleurs. On dirait un nouveau groupe qui découvre un nouveau son.

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À ce moment-là, le groupe est encore et toujours éclaté à différents endroits des Etats-Unis ?
Oui, Mario vit toujours en Californie. Le batteur vivait alors à Pittsburgh. Le groupe a toujours souffert de ça et c'est la première fois où on se voyait une fois par semaine avec un musicien. C'est là où on a pu commencer notre méthode d'écriture de bien plus de chansons qu'il nous en faut. Pour voter à la fin. Cela a rendu l'album meilleur, contrairement à Louden Up Now où on a mis les plus mauvaises chansons en premier car on n'en avait pas assez. C'est devenu meilleur dès qu'on a eu des chansons à jeter.

1. Shake The Shudder (2017)

C'est normal de mettre son nouvel album en premier pour un artiste. Il correspond à ce que tu es à cet instant. Et honnêtement, si tu ne penses pas que le dernier est le meilleur… Peut-être qu'un jour, ça m'arrivera et je me poserai des questions. Avec mon premier groupe, j'avais 19 ans, j'ai compris que ma chanson préférée était toujours la nouvelle. C'est comme ça que je me suis rendu compte qu'on était bons ! Généralement, les trucs sur lesquels on travaille sont ceux qui nous excitent le plus.

Nous avons eu la chance de ne pas devenir assez gros, nous n'avons jamais eu d'énorme hit qui nous aurait fait nous reposer sur un son. Ça a été un avantage de toujours devoir chercher à avancer. Cet album, c'est un peu les « Magnificent Five » dans ce qu'ils ont de mieux. On avait fait fort sur Thr!!!er, on a amélioré sur As If, mais c'est là qu'on atteint notre perfection. On sait qu'on doit se bouger pour apporter quelque chose de frais. On sait que ça doit être bon en live. On sait qu'il faut que ça sonne neuf. Tout s'agence dans un système qui fonctionne à merveille. Je ne prends pas les groupes de 20 ans très au sérieux. J'ai l'impression qu'en général, ils ont perdu l'étincelle. Je sais qu'on a essayé une voie différente. On n'a jamais été fainéants, on a toujours douté. La raison pour laquelle la plupart des groupes de rock réalisent leurs meilleurs albums quand ils sont jeunes tient au fait que ça demande de l'abandon, une bonne dose d'innocence aussi. D'autres donnent aussi leur meilleur sur le tard comme Primal Scream avec XTRMNTR, Sonic Youth avec Washing Machine… Ils ont réussi à garder leur innocence et leur naïveté mais tempérées par de la sagesse. Si tu prends le premier Smiths, il est génial mais peut-être un peu trop innocent. Tu sens les erreurs de studio. Donc il faut ça mais aussi un peu de sagesse. C'est le meilleur moyen d'être dans un groupe qui prend de l'âge. Mais je sens cette impression d'avoir fait juste un peu mieux que d'habitude : « ouais, on tient vraiment un truc », et c'est définitivement ce qu'on a senti à de nombreuses reprises sur cet album.

Ce qui est hallucinant c'est de vous classer dans les vieilles étiquettes punk-funk là où vous livrez douze titres de musique de club !
C'est ce qui est drôle, oui. Avec Thr!!!er, on voulait vraiment faire un album club. Et comme d'habitude, en le finissant, on s'est dit que c'était pas un album club. Alors que là, on en est proche. Quand on joue en DJ, on passe de la musique de club. Pour nous, elle doit être fraiche et nouvelle pour être excitante. C'est donc un super réservoir à idées. Elle nous ouvre de nouveaux territoires. C'est comme ça qu'on garde notre rock frais.

Ce nouvel album marque une vraie rupture sur la pochette, fini l'artwork avec le nom du groupe : c'est pour la première fois une photo de toi. C'est un signe fort que tu voulais donner ?
Pour moi, elle résume le contenu du disque. C'est un moment live, en sueur. Mais en même temps, l'image est déformée à l'ordinateur. Un peu comme les enregistrements qu'on a fait live pour les triturer comme un producteur électro l'aurait fait par des samples afin d'arriver à un groove disco. Le disque bénéficie des deux mondes : manipulé à l'ordinateur pour sonner unique et malade, et avec une énergie live et de la sueur sur lui. Certaines pochettes sont un tout avec l'œuvre comme Lust for Life d'Iggy Pop que tu n'imaginerais pas avec une image différente. C'est ce que nous voulions avec celui-ci : tout ça ne fait qu'un dans nos têtes.

Shake The Shudder sort le 19 mai sur Warp Records. Le groupe sera en concert jeudi 1 er juin à Paris (Trabendo) et vendredi 2 juin au festival Yeah (Lourmarin, 84)

Pascal Bert!n est sur Tw!!!er.