The Black Madonna, interview, palestine
© Aldo Paredes (The Media Nanny)

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The Black Madonna : « Faire ce qui est juste n’est pas toujours agréable »

De passage en France, la DJ américaine nous a parlé de son engagement en soutien aux Palestiniens, de la nostalgie trompeuse des années 90, des années sida, mais aussi des nouveaux challenges politiques qui attendent la dance music.

Il y a quelques années, connaître The Black Madonna était encore considéré comme edgy, un truc d’initié qui montrait que tu appréciais non seulement la house mais aussi les aspects plus militants de la culture club. En relativement peu de temps pourtant, la carrière de cette DJ originaire du Kentucky a explosé au point de la hisser au rang de reine-de-la-house à une échelle internationale, allant même jusqu’à faire d’elle un personnage du dernier GTA. L’ancienne résidente du Smartbar à Chicago enchaîne désormais les dates dans le monde entier, notamment grâce à sa tournée « We Still Believe ». Dimanche 17 février, The Black Madonna faisait donc escale au Cabaret Sauvage pour une teuf joyeuse et pailletée en compagnie de Kiddy Smile et de danseurs de la scène voguing. Quelques heures avant son set, Marea Stamper (son nom civil) m’a reçu dans le lobby de son hotel du 1er arrondissement comme la star qu’elle est devenue, mais en restant si étonnamment chill qu’elle vous donne l’impression de boire un café avec une pote de longue date. « Jesus was a refugee », pouvait-on lire sur le t-shirt noir de celle qui, comme elle le rappelle, est « plus catholique que ce que les gens peuvent penser ». Une des voix les plus fortes derrière la campagne #DJsforpalestine, la musicienne a accepté de nous reparler du sujet, de #MeToo et des liens toujours plus nombreux entre son militantisme et sa pratique de DJ.

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Noisey : Il y a eu beaucoup de discussions cet automne à propos de la campagne #DJsForPalestine. Qu’est-ce qui t’a poussé à rejoindre ce mouvement ?
The Black Madonna : Je n’ai jamais eu d’argumentaire très sophistiqué à ce sujet. Une chose particulière m’est arrivée : j’ai été invitée en Palestine. J’avais été jouer en Israël et j’avais des millions d’amis là-bas. Mon mari vient d’une famille de Juifs ukrainiens, des réfugiés politiques de l’union soviétique qui ont fui avec de nombreux autres Juifs, aux États-Unis et en Israël. Ces racines étaient très importantes pour moi et j’ai visité Israël lors de ma seconde tournée. Les gens pour qui j’ai joué étaient formidables, et pour beaucoup d’entre eux des activistes. C’est là que j’ai commencé à poser des questions, parce que quand on vient des Etats-Unis, on ne se pose pas beaucoup de questions. On pensait : « Oh c’est un conflit ancien, je ne comprendrai jamais, ça ne finira jamais, autant ne pas m’en mêler ». J’ai toujours entendu ça : « C’est complexe ».

Et finalement, j’ai eu l’occasion d’aller en Palestine avec un groupe de musiciens. On a été invités au Walled Off Hotel par Banksy et Block9, c’était une retraite artistique pour les musiciens, avec Brian Eno, Roisin Murphy, et plein d’artistes palestiniens ou de la région. Beaucoup n’ont pas pu venir à causes de restrictions légales. On a fait de la musique ensemble et visité des camps de réfugiés. Personne ne nous a dit : « Venez, rejoignez le boycott », ça n’est jamais arrivé. Mais j’ai réalisé, et c’est vraiment la seule chose en laquelle je crois, que tant que les amis que j’ai rencontrés en Palestine ne peuvent pas venir à mon show en Israël sans peur et sans représailles, alors je ne pourrai plus jouer à là-bas. De la même manière que je ne mangerais jamais dans un restaurant où un ami juif ou noir ne pourrait pas manger, je n’irais nulle part où un de mes amis ne pourrait pas venir avec moi. Je vois plein de parallèles entre ce qu’il se passe en Israël et ce qu’ils tentent de faire aux États-Unis en ce moment. Construire des murs, fournir des tanks à la police, détruire la liberté d’expression via des menaces policières… La plupart des gens avec qui j’ai fait cette retraite étaient juives, mariées à une personne juive ou avec une famille en partie juive. Les gens disent que c’est complexe mais dans un lieu que j’ai visité, j’ai vu une chaussure d’enfant qui tenait dans la main, une chaussure qu’on avait faite exploser. Et cette chaussure a été très peu complexe pour moi.

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Tu évoquais encore récemment sur Twitter ce qui est arrivé à Room4Resistance, qui a vu sa soirée annulée par le club berlinois ://about blank suite à sa participation au boycott. Tu as subi des représailles de ton côté ?
Il y a des gens qui voulaient avoir des « dialogues » avec moi, ce qui en allemand veut dire te crier ce qu’ils pensent, veut dire que des Allemands blancs disent à des gens qui sont allés en Palestine ce qu’ils doivent ressentir à propos de ça ! Quand j’ai rejoint le mouvement en solidarité avec les gens qui boycottaient, je n’y ai même pas pensé. Je me suis dit : « Les gens savent que que je suis allée en Palestine », je ne comprends pas pourquoi ça a été une surprise pour qui que ce soit.

Tu as eu une de tes dates annulées ?
J’ai annulé une date parce qu’ils voulaient avoir un « dialogue » avec moi et que moi, je n’ai pas de « dialogue ». Et la raison pour laquelle je n’ai pas voulu dialoguer, c’est parce que ces dialogues n’ont pas été proposés aux autres : j’ai des amis dont la soirée a été annulée, des gens qui étaient plus faciles à annuler. Si tu fais ça à un jeune collectif queer et pas à moi… Je pense que tu dois être présent quand les autres en ont besoin. Crois-moi, je ne prends pas toujours les bonnes décisions, je ne suis pas Mère Teresa ou autre, mais je ne vais pas laisser un vieux mec me dire ce qu’il pense à propos de quoi que ce soit !

Ça t’est arrivé de regretter d’avoir participé ?
Non. C’est toujours le bon moment pour faire ce qui est juste.

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Maintenant que tu es une figure mondialement connue, on pourrait presque dire une superstar, tu te sens aussi libre de parler de politique qu’avant ?
Oui. Mais je sais que si j’ai des emmerdes, ça va être de vraies emmerdes [Rires]. Tu es la première personne à qui j’ai parlé de #DJsForPalestine, jusque-là j’avais décidé que je n’avais rien à ajouter publiquement à ce sujet. Ça n’est pas complexe pour moi, mais c’est un sujet sensible pour plein de gens. Ce que j’essaye de me rappeler tout le temps, c’est que c’est toujours le bon moment pour faire ce qui est juste. J’ai cette photo magnifique de mon grand-père quand il était jeune pasteur. Lui et ma grand-mère vivaient au Kentucky, un état super conservateur. Ils protestaient ouvertement contre les Lois Jim Crow dans le Sud des Etats-Unis. Mon grand-père a été menacé de perdre son boulot et a d’ailleurs fini par le perdre pour ses convictions. Avec ma grand-mère, ils recevaient des manifestants chez eux, les enfants faisaient des pancartes. Je n’ai découvert tout ça que vers mes quarante ans ! Et penser à ce courage ordinaire dont ils ont fait preuve… Ils avaient trois enfants et pas d’argent… Moi, je ne peux pas me battre pour tout. Et je pense que ce n’est pas juste de demander à quelqu’un d’être de tous les combats. Parfois j’ai besoin d’une pause. Mais en même temps, je ne me sens pas mal à l’aise. Quelqu’un peut bien s’énerver contre moi et bien… on survivra tous.

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Mais je vais te dire, il y a une fois, il y a quelques années à Chicago, où un mec avait été booké à un festival local. C’était le mec qui avait lancé ce site horrible site de revenge porn, Is anyone up? [Hunter Moore, NDLR]. Il avait une mini-carrière de DJ. À cette époque, je n’étais pas du tout connue, je bossais au Smartbar comme bookeuse, j’ai vu ça et j’ai tweeté aux gens qui organisaient la soirée et que je connaissais aussi, et j’ai dit : « Qu’est-ce que vous foutez ? Ça craint, vous pouvez pas faire ça, je sais que vous soutenez pas ça, ce mec fait en gros l’apologie du viol ». Il mettait en ligne des vidéos de revenge porn et les gens pouvaient les associer aux maisons de ces femmes sur Google Maps. C’était ignoble. Et bien j’ai vraiment eu des problèmes, des gens appelaient mon taf pour essayer de me faire virer parce que j’avais bousculé l’ordre des choses. Tu n’es pas censé mettre en cause un collègue. Mais c’était mal. Et avec le temps, on est passés de gens très en colère qui appelaient mon taf à des gens qui petit à petit ont retrouvé leurs esprits jusqu'à ce que le mec soit condamné et fasse de la prison. Faire ce qui est juste n’est pas toujours hyper agréable. Il n’y a aucun trophée pour ça. Et surtout, tu n’as pas toujours raison. Je t’assure, il y a plein de fois où je pensais avoir la bonne réponse et où c’était le contraire. Mais est-ce que je me sens libre ? Ouais, qu’est-ce qui va se passer ?

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Ton management ne te dit jamais d’y aller mollo ?
[En murmurant] Jamais ! Non. Les gens qui m’entourent sont mes complices. En ce moment, on réfléchit à des choses pour les réfugiés queers. J’ai eu l’idée et ils m’ont dit : « Super, voyons comment on peut organiser ça ! » Ils sont tops. C’est pas toujours facile pour eux, mais en même temps, je pense que les gens ont accepté que j’allais faire ce que j’avais envie de faire. Et… je n’ai pas envie d’être lâche.

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© Aldo Paredes (The Media Nanny)

En parlant de harcèlement envers les femmes, en France en ce moment, il y a des grosses discussions autour de ça dans la sphère des médias…
Oh ouais, j’en ai entendu parler. Un groupe de mecs s’est fait choper. Tu veux que je te dise combien ça me surprend ? [chuchotant] Pas du tout. La seule chose qui me surprend c’est que ça n’ait pas duré jusqu’à la fin des temps et qu’on ne leur ait pas décerné des prix à la fin.

Est-ce que le mouvement #MeToo a eu un impact dans la culture club ? J’ai l’impression de ne pas avoir vu grand-chose, en tout cas pas de grand mouvement collectif.
Il n’y a pas eu de figure comme Harvey Weinstein pour l’instant, rien de ce genre, mais pas mal de révélations de cas individuels. Et je connais un certain nombre de cas où des mesures ont été prises, mais de façon très silencieuse. Je connais des gens qui avaient des jobs depuis des années et qui les ont perdus. Mais il faut garder en tête que de l’autre côté de chaque histoire liée à MeToo, il y a quelqu’un qui a dû subir tout ça. Et si tu veux vraiment une justice qui soit en faveur des victimes, si celles-ci ne veulent pas que ça se sache, alors il faut juste régler les choses. Ça m’est personnellement arrivé d’aider des gens à résoudre des problèmes de cette façon.

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Tu as toujours été très engagée quant à la place des femmes et des minorités dans la musique électronique. Tu as l’impression que les choses évoluent ?
Il y a quelques données qui sont remontées, du moins pour les festivals, et je pense que c’est différent pour les soirées en club parce que c’est plus difficile d’être dans un line-up de festival que de club pour les talents marginalisés. Mais en général il y a eu une nette amélioration, du moins pour les femmes, je le sais parce que Pitchfork a fait une étude là-dessus. Mais j’aimerais bien voir des études sur les personnes de couleur. Je n’aime pas faire des pronostics dans le vide mais je pense que ça s’est légèrement amélioré. Maintenant, la question c’est : quels sont ces espaces que ces gens occupent ? Est-ce qu’on balance juste des meufs en bas des line-ups en les payant mal pour toujours mettre en avant les mêmes personnes qu’avant ? Comment l’argent est redistribué ? Au fond, ça revient à la question pour les femmes d’avoir des agents et des managers. Quand les femmes sortent des morceaux en tant que productrices, est-ce qu’elles ont des deals corrects ? Sortir un titre n’est pas forcément synonyme de justice économique. Donc ce qui m’intéresse pour l’année à venir, c’est tout ce qui touche aux infrastructures. Les gens me disent : « C’est la famille, c’est de la musique », et c’est vrai. Mais il s’agit aussi de payer ton putain de loyer.

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Tu deviens de plus en plus marxiste ?
Non, il s’agit juste d’avoir des deals honnêtes. Même pas d’être politiquement compliqué à ce sujet mais… souvent ce sont juste des principes féministes de base en fait. J’ai envie de voir les choses changer mais pour ça, il faut que les femmes aient des managers qui négocient de bons deals, des managers entraînés à avoir des femmes comme clients. Quand les gens constituent leur équipe en tant qu’artiste, il y a des considérations spéciales à avoir, si tu es une personne trans, par exemple. J’ai une amie, Eris Drew, ses hormones ont été bloqués par les douanes anglaises alors qu’elle était en tournée, il a fallu qu’on s’arrange pour qu’un autre DJ les lui ramène. Ensuite, elle a eu un accident terrible juste devant moi, et elle craignait d’aller à l'hôpital parce qu’elle avait peur qu’ils la terrorisent en tant que femme trans. C’est à ce genre de choses que les managers devraient être formés, pour que les gens comme Eris puissent faire leur travail sans avoir peur. Et moi, qu’est-ce qu’il se passe si je décide d’avoir un enfant l’an prochain, est-ce que mon équipe va flipper ? Si un mec DJ célèbre rend une personne enceinte pendant sa tournée, tout le monde s’en fout. Certains pourraient avoir 7000 enfants et d’ailleurs, tu n’imagines même pas combien de DJs dégénérés ont des tonnes d’enfants. Tu ne veux pas savoir.

Maintenant que tu voyages beaucoup, tu découvres de nouvelles choses qui te marquent, au croisement entre musique électronique et politique ?
Souvent, je voyage dans des pays où, en tant que femme queer, ma simple personne est illégale. En Russie, j’ai enfreint plusieurs lois à la seconde même où j’ai posé les pieds dans le pays. Tu sais, leur truc sur la « promotion de l’homosexualité »… Et moi : « Oui, je suis tout à fait pour, let’s go! » [Rires]. Pareil en Ouganda, où j’ai bossé avec un collectif de femmes DJs et où des amis ont dû cacher leur domiciliation, ils apparaissaient dans des tabloïds parce qu’ils étaient queers. Voyager te met en contact avec toutes ces réalités et, du fait du type de DJ que je suis, la Palestine est un autre exemple : je ne crois pas que mes opinions se seraient formées de façon si nette si je n’avais pas été là-bas. C’est une chose de lire sur le conflit, une autre de visiter un camp de réfugiés. Ça change ta façon de voir les choses, tu ne peux pas les intellectualiser. Je suis clairement allée dans des zones de conflit et ça m’a changé en tant que personne. Ça terrifie mes parents, mais c’est très important d’aller à des endroits comme le Brésil, où les choses partent totalement en vrille. J’ai des amis là-bas et ils ont super peur. Pour moi, il s’agit encore d’être présente pour ceux qui en ont besoin.

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On n’a pas parlé de ta tournée actuelle. Tu peux nous parler du concept derrière We Still Believe ?
La phrase en elle-même est assez ambiguë pour que les gens y mettent leur propres sentiments. En général, il y a une soif d’optimisme. On s’est tous pris une sacrée raclée ces derniers temps, et ça continue.

Oui, surtout pour vous aux Etats-Unis…
En France aussi les temps sont durs pour vous, ne prétends pas le contraire. Souvent j’oscille entre la colère et l’optimisme. Ma philosophie en tant qu’être humain c’est l’optimisme radical, l’optimisme comme stratégie. Il y a une forme d’optimisme radical dans la façon de regarder les choses en ce moment : de l’écologie au fascisme imminent à plein d’endroits, tout peut sembler sans espoir, mais à moins qu’on ne soit capable d’imaginer de l’espoir alors on n’a aucune chance de gagner. Si on n’imagine que l’échec, si on n’ose pas être optimiste alors on est condamnés.

C’est vrai que le nom, We Still Believe, sous-tend une sorte d’utopie perdue. Parfois je me demande si on n’idéalise pas un peu trop le clubbing dans les années 90…
Totalement. C’était un putain de désastre. C’est une contradiction parce qu’il s’agit de croire en un monde qui n’a jamais existé. Mais je suis catholique et c’est vraiment tout notre business.

Oui, il y a sans doute une dimension performative dans ces utopies…
Il y en a une et je pense qu’il s’agit de construire un autre monde. C’est temporaire, ça s’efface et ça n’est même pas parfait quand c’est là mais on essaye de créer un espace où, pendant une période donnée, ces choses existent. Et évidemment on est toujours sur Terre, toujours sujets à toutes ces choses auxquelles tous les espaces de cette planète sont sujets : dans tout lieu de cette planète il y a toujours du racisme et du classisme et toutes ces choses interagissent de façons complexes ; je n’oserais jamais dire qu’une seule rave est immunisée contre ça parce que bien sûr qu’on ne l’est pas, mais on essaye activement de construire un monde meilleur. On essaye de le faire.

En fait, la dance est toujours confrontée à ça : d’un côté il y a cet utopisme et de l’autre il y a Jamie Principle et son morceau « Cold World » . L’ADN de la dance a toujours été cette tension entre utopisme et difficulté extrême. À Chicago dans les années 80, la dance c’était les gays, pendant le pic de violence de la ville, dans les pires quartiers, durant une période de crise économique terrible et à l’apparition du sida. Certaines parties de Chicago étaient des putains de zones de guerre. Et la house naît juste à ce moment-là [Elle claque des doigts], ce qui est phénoménal. Tu as tous ces disques qui sortent et qui disent « on va abattre les murs » avec tous ces messages utopiques merveilleux, mais c’était l’enfer pour tous ces gens.

Aujourd’hui, pas mal de DJs ou de collectifs disent vouloir « ramener la politique sur le dancefloor », mais est-ce que le dancefloor était vraiment plus politisé avant ?
Le dancefloor a déjà dû vivre et mourir pendant l’épidémie du sida. J’ai des souvenirs du début de l’épidémie parce que j’ai 41 ans. J’étais enfant mais j’ai grandi entourée d’hommes gays et en regardant la télé, et c’était comme le croque-mitaine : on comprenait pas ce que c’était mais on en connaissait l’existence. Et je suis aussi assez vieille pour me souvenir de la façon dont la crise a été plus ou moins gérée. Elle n’est pas devenue ce qu’elle aurait pu devenir, grâce à l’activisme de tous ces gens qui étaient en train de mourir et qui ont fait un travail incroyablement difficile qui a sauvé la vie de millions de personnes à venir. Et je suis aussi assez vieille pour me souvenir de l’arrivée de la PrEP, qui a énormément changé la dance.

Vraiment ? Je n’y avais jamais pensé… C’est quelque chose que tu ressens ?
Tu plaisantes ? C’est une culture très différente. La PrEP a vraiment amplifié certains aspects de la culture dance gay. Je ne crois pas que tu aurais pu avoir une époque plus politique que pendant l’épidémie du sida, en termes de crise à laquelle les gens devaient faire face. Si tu regardes combien de producteurs géniaux de cette période ont tout simplement disparu : Arthur Russell, Patrick Cowley, etc. Une génération entière des tout premiers pionniers et architectes de la musique dance telle qu’on la comprend maintenant, tous ont disparu à cause de l’épidémie. Et je ne peux pas imaginer un dancefloor plus politisé, dans le sens où les gens le vivaient : tu ne pouvais pas y échapper. L’activisme sida n’est pas quelque chose à laquelle la dance pouvait échapper à l’époque. Mais aujourd’hui, la dance soulève de nouveaux challenges, quelque part à l’intersection de la race, de la classe et du genre, et plus particulièrement, nombreux d’entre nous ont envie de faire ce qui est juste pour les gens qui doivent émigrer, les réfugiés.

En parlant de sexe et de dancefloor, j’ai vu que tu étais à l’affiche du festival queer WHOLE en Allemagne en Juin…
Je suis super excitée ! Jacob Meehan de Buttons est un de mes meilleurs amis, je l’adore. J’ai été invitée l’an dernier et je ne pouvais pas y aller. Cette année j’ai fait de la place dans mon planning pour pouvoir jouer à un prix réduit ou même gratuitement à des évènements queers ou underground. C’est important pour moi de ne pas jouer que dans d’énormes festivals, sinon je deviendrais folle et j’aurais besoin de sauter par la fenêtre. Si on ne me laisse pas jouer dans une cave où je peux enlever mon t-shirt pendant mon set au moins une fois tous les trois ou quatre mois, je pèterais les plombs. J’ai besoin d’exorciser tout ça.

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