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Music

Seules les vraies couleurs comptent pour Cyndi Lauper

L'icône des 80's revient avec un album country et est toujours aussi remontée quand on lui parle d'étiquettes musicales, de producteurs racistes et de droits des femmes.

Cyndi Lauper est fatiguée, mais ce n'est pas la fatigue qui va l'arrêter. Je la rencontre à la fin de son exténuante tournée promo anglaise, quelques heures seulement avant qu'elle ne rentre à New York. Il est 9h du matin à Londres, et Cyndi vient de finir une émission matinale à la radio. Elle embraye direct en me racontant sa rencontre avec la légende Willie Nelson, qui a bossé sur son nouvel album country, Detour. « Quand il est entré dans le studoio, c'est comme si Yoda était apparu » s'exclame t-elle. « L'espace d'un instant, j'ai cru que j'allais me mettre à pleurer. Et puis je me suis reprise en me disant : "ne pleure pas, tu es une professionnelle. Tu ne veux surtout pas qu'ils te voient en train de chialer en plein studio - c'est pas beau ! » Cyndi Lauper est, elle aussi, une légende. Après avoir débuté sa carrière dans un groupe rockabilly new-yorkais nommé Blue Angel, elle a sorti son premier album solo en 1983, She's So Unusual , dont 4 des 10 titres se sont placés dans le top 5 US (deux d'entre eux allaient faire partie des morceaux les plus iconiques de la décennie, « Girls Just Wanna Have Fun » et « Time After Time ») — une première pour une artiste féminine. Le titre éponyme de son album suivant, True Colors, est aujourd'hui un hymne gay et Cyndi est devenu une des alliées les plus actives de la communauté LGBT. La chanteuse de 62 ans n'a jamais vraiment arrêté de tourner et d'enregister, et durant la dernière décennie, sa carrière a pris des tournants à chaque fois inattendus. En 2008, elle a sorti un album dance injustement méconnu, Bring Ya to the Brink, qui a été suivi par Memphis Blues, récompensé par un Grammy en 2010, avant de gagner un Tony Award pour sa bande-son de la comédie musicale Kinky Boots. En 2016, elle revient avec Detour, un disque de reprises de classiques country des années 30 à 60. Et le délire rétro fonctionne bien parce que Cyndi fait directement le lien entre ces chansons et sa propre histoire, que ce soit avec le plein d'émotions (« End of the World » de Skeeter Davis), le plein de phéromones (« Funnel of Love » de Wanda Jackson) ou le plein de fun (« You're the Reason Our Kids Are Ugly » de Vince Gill). Cyndi Lauper est toujours entière et à fond, que ce soit dans la pop, la dance, la country, ou en interview, comme vous allez le constater plus bas.

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Noisey : Qu'est ce qui t'a donné envie d'enregistrer ton premier album country ?
Cyndi Lauper : En fait, pour moi ces morceaux sont aussi pop que les autres, parce que quand j'étais enfant, la radio n'était pas aussi compartimentée. Je me souviens qu'on pouvait entendre Patsy Cline et Loretta Lynn sur des grosses stations. Les femmes de la country étaient si fortes et glamour que, en tant que petite fille, j'étais obligée d'être à fond. A l'époque, j'avais moi-même un cheval, enfin juste une tête en bois, au bout d'un manche.

Ta version de « I Want to Be a Cowboy's Sweetheart »—une chanson qui date des années 30— est clairement une des réussites de l'album. Pourquoi ce choix ?
J'ai repris cette chanson parce que je pense que beaucoup de gens ne réalisent pas à quel point l'histoire de cette femme est forte. Pendant longtemps, si tu voulais devenir telle personne, tu ne pouvais pas l'être. Mais tu pouvais te marier avec quelqu'un qui se raporhcait le plus de ton désir de femme. Dans le morceau, Patsy Montana chante « I wanna be a cowboy's sweetheart » et balance ensuite, « I want to pillow my head near the sleeping herd » parce qu'elle préfère dormir dans l'étable avec les vaches qu'avec lui ! Elle ne voulait pas vraiment être mariée à un cowboy, mais c'était la seule façon pour elle de s'approcher le plus de son rêve d'en devenir un. C'est une chanson rigolotte et en même temps je trouve qu'elle est importante en tant que femme américaine.

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Au cours de ces dix dernière sannées, tu as enregistré des disques dance, blues, country, et même une comédie musicale. Qu'est ce qui te pousse encore à tenter de nouvelles choses ?
Pourquoi je ne le pourrais pas ? J'en ai ma claque qu'on me dise ce que je peux faire et ne pas faire. Je risque quoi, de foirer ? Ca m'est déjà arrivé, alors rien à foutre. Quand tu te diversifies, tu évolues en tant qu'artiste, et c'est tout ce que j'ai toujours voulu. Par exemple, tout le monde parle tout le temps de Thriller comme d'un phénomène incroyable, mais Michael Jackson avait fait un album avant ça [Off the Wall] qui était aussi bon. Mais ils l'ont mis dans une case et ont dit « Oh, ça c'est un disque de noir, c'est du R&B. » Ca ne l'était carrément pas, c'était un disque dance et il n'aurait jamais dû être relégué à une seule catégorie. Donc Michael a voulu casser cette barrière de couleur, et il l'a fait. J'ai toujours pensé qu'il n'était pas seulement un grand artiste, mais qu'il avait aussi la tête sur les épaules pour être capable de faire ça. Pourquoi je te raconte ça ? Parce que je ne veux pas être cantonné à un petit coin, c'est ce qui m'est arrivé. Si tu me dis que je ne suis pas capable de faire un truc, je ne vais pas seulement te rentrer dedans, mais je fais défoncer la porte que tu essaies de fermer sur moi ! Je ne veux pas de plafond de verre. Je ne veux pas de barrière raciale. Ni pour moi, ni pour n'importe qui. Je pense que la musique est bien plus riche quand elle est faite de mélanges. Voilà pourquoi j'ai fait autant de choses, c'est la base de la musique que j'ai toujours faite de toute façon. Bordel, j'ai même joué dans un groupe de rockabilly. J'ai appris à chanter en écoutant Wanda Jackson.

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Tu t'es aussi battue contre plusieurs labels pendant toutes ces années.
Attends, je n'avais pas été autorisée à sortir ma chanson « A Part Hate » sur l'album True Colors. Elle comparait le racisme en Afrique du Sud avec celui aux Etats-Unis. Ils m'ont dit « Tu passes de "Girls Just Wannna Have Fun" à un titre aussi sérieux ? » J'ai répondu « Ouais, et alors ? » Moi je voyais surtout « Girls Just Wannna Have Fun » comme une déclaration politique. Je voulais inspirer les femmes par tous les moyens. J'ai mis tous les gamins possibles, quelque soit leur origine, dans la vidéo pour que n'importe quelle fille qui tombe sur le clip sâche que tout ça était destiné à lui faire passer un bon moment. Et j'ai fait ça parce que je connais mon histoire. Je viens d'une famille d'immigrés italiens qui sont venus aux Etats-Unis grâce aux gouttes de sueur et aux espoirs déçus d'une jeune femme, ma grand-mère. Et ma mère a passé une vie privée de ses droits le splus élémentaires, comme ma tante, et le temps que j'y arrive, j'ai presque dû garder des gants de boxe en permancence. J'ai du endurer beaucoup de saloperies mais je crois que celui qui arrive à tenir tête gagne toujours. Tu veux me tester et me mettre sur la touche ? Ok, t'as intérêt à prendre beaucoup de vitamines.

Tu as eu des problèmes quand tu as sorti « She Bop », ta fameuse chanson sur la masturbation, qui est sur l'album She's So Unusual ?
Non, pas vraiment, j'ai fait attention quand je l'ai écrite. Je me disais sans cesse « je ne veux rien aborder qui se rapporte aux mains. » Je voulais que les plus jeunes pensent qu'il s'agisse de danse et que les adultes ricanent en l'écoutant.

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Dans les années 80, on t'opposait toujours à Madonna, même s'il n'y avait aucune rivalité existante entre vous eux. Aujourd'hui, ça continue encore quand on monte par exemple Taylor Swift contre Katy Perry.
Pourquoi ? Elles n'ont strictement rien à voir l'une avec l'autre.

Pourquoi tu penses qu'une certaine partie des médias s'amuse encore à faire ça ? Les fans de Taylor Swift ont plus l'air de se retrouver à travers son message pour l'amitié entre les femmes que dans ces querelles supposées.
Ils devraient demander à leurs filles avant d'écrire ça. Taylor Swift est une jeune femme très sympa, marrante et brillante, donc pourquoi elle n'aurait pas un tas d'amis ? Est-ce qu'on attend d'elle qu'elle soit asociale parce qu'elle a du succès ? C'est quoi ces conneries ? Je chéris l'amitié que j'entretiens avec d'autres femmes et je suis contente de connaître d'autres femmes qui sont dans l'industrie. Quand j'ai eu mon fils au début, et que je travaillais, j'étais bien contente de rencontrer des mères qui travaillaient pour leur demander, « alors, comment ça se passe pour toi ? »

Pour finir, est-ce qu'il y a quelque chose que tu n'as jamais fait que tu aimerais faire ?
Je crois que la seule chose que je n'ai jamais faite et dont j'ai toujours rêvé, c'est de bosser avec un mec du hip-hop. Juste faire un morceau hip-hop. Mais aujourd'hui, j'ai un artiste à la maison, mon fils, et il fait du hip-hop. Donc je vais le laisser faire. Je ne vais pas polluer son truc. J'ai fait un morceau avec lui parce qu'il me l'a demandé, mais juste un. J'écoute ce qu'il fait et j'essaie de le laisser évoluer sans l'influencer. Le seul truc que je lui dis, c'est de se souvenir qu'une chanson est une histoire qui contient un début, un milieu et une fin. Mais j'imagine que dans le nouveau hip-hop, ce n'est plus trop ça. C'est le son qui compte. C'est une musique totalement différente, mais regarde notre culture actuelle, les gosses sont juste à l'image de tout ce qui se passe.

Detour est disponible sur Mutzarella depuis le 5 mai. Nick Levine est anglais et il est sur Twitter