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Music

On vous révèle enfin le secret contenu dans les vidéos de Childish Gambino

Vous aviez compris quoi, vous ?

Quand Donald Glover a commencé à rapper sous le nom de Childish Gambino, personne ne l'a pris au sérieux. Il faut bien dire que sa méthode d'approche n'avait rien de franchement orthodoxe : sorti de nulle part, Glover a commencé en balançant un court-métrage, Clapping For The Wrong Reasons, réalisé dans la maison de Chris Bosh (le célèbre joueur des Miami Heat). Un film que vos amis les plus craignos pourraient qualifier de lynchien. Glover a ensuite enchaîné avec un clip énigmatique et incohérent en référence à son premier album, Because The Internet, dans lequel il incarne un meme dont le père n'est autre que Rick Ross. Il est possible qu'en cherchant à se différencier des autres rappeurs, Donald Glover soit allé trop loin. Le public n'était peut-être pas prêt.

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Après que sa côte de popularité ait explosé, Glover a disparu de la circulation. Chilidsh Gambino est désormais une vraie star, mais il ne s'est jamais aussi peu mis en avant. Il communique uniquement avec son public à travers ses clips, cinq en un an : « The Worst Guys », « 3005 », « Sweatpants », « Telepgraph Ave. » et « Sober », des vidéos proches du court-métrage qui ont plongé les spectateurs dans un monde peuplé de baleines, de monstres à tentacules et de restos vides.

Personne ne comprend très bien le message que veut véhiculer Childish Gambino, mais lorsqu'on prête un peu plus attention à ses clips, tout s'éclaircit. Dans chacun d'entre eux, on retrouve des personnages et des thèmes récurrents, ce qui a poussé de nombreux fans à croire que tout ce qui passait à l'écran avait une toute autre signification que les élucubrations d'un mec sous molly - un sens plus universel, quoi. Les théories divergent : Donald serait un alien, d'autres voient dans tous ses clips une suite logique à son premier film pété, et les plus sceptiques n'y voient juste aucun lien et trouvent toujours ça complètement pourri. Soyons sérieux deux minutes, ce qui lie toutes ces vidéos est la présence récurrente du monstre. Et que représente ce monstre ? Le combat de la population noire aux Etats-Unis.

Tous ceux qui écoutent un minimum Childish Gambino savent que sa relation avec sa couleur de peau est un peu compliquée. Il a de toute évidence vécu les mêmes choses que moi dans sa jeunesse. Ses textes rappellent que même en faisant le même boulot qu'un Blanc, un Noir sera toujours perçu différemment. Peu importe les stéréotypes, la discrimination est toujours là. Et c'est ce que le monstre nous dit à travers ses clips.

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La baleine incarne la menace imminente, qui plane sur chaque vidéo. Son attaque sur Glover est le catalyseur de l'histoire. L'apparence du monstre est symbolique. Les baleines sont souvent associées à la connaissance, à la maturité et à la sagesse — tous ces thèmes dominent d'ailleurs ses vidéos. Cette quête initiée par Childish Gambino dans ses clips est destinée à changer la perception des gens, à lutter contre les agressions injustifiées dont ses frères sont victimes et faire bouger le statu quo que la société américaine entretient avec ses différentes ethnies.

Ces vidéos n'ont rien à voir avec celles des autres rappeurs, elles nous offrent une réelle vision du monde. La confusion des spectateurs est, elle, le reflet des doutes personnels de Childish. Cette confusion est le lot quotidien de l'homme Noir, et Glover nous met devant le fait accompli, pour qu'on en prenne tous conscience. Dans chacun de ses clips, on voit l'artiste dans des situations où les Noirs n'ont pas l'habitude de se retrouver.

Dans « The Worst Guys », il surfe et prend du bon temps autour d'un feu de camp avec sa bande, avant de se faire attaquer par la fameuse baleine. Depuis qu'on sait que ces vidéos doivent être regardées dans un ordre spécifique, on peut clairement constater l'évolution entre chacune d'elle. Quand, dans « 3005 », on voit Childish dans une grande roue avec son ours en peluche, le message est clair : il essaye de se raccrocher au peu d'innocence qu'il lui reste. Puis on aperçoit une forêt en feu. Personne d'autre ne semble la remarquer, et l'ourson se désintègre au fur et à mesure que la forêt s'embrase. Avant que son ours en peluche ne devienne méconnaissable, Glover prend conscience qu'il ne peut plus vivre dans cette situation et décide de partir, pour rejoindre la prochaine étape de son éveil mental — comme on peut l'entendre dans l'outro de « Zealots of Stockholm ».

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Il se retrouve soudain seul, debout dans le noir, sur cette promenade près de la grande roue, qui, quelques secondes auparavant, était illuminée. Le changement radical entre « 3005 », un morceau qui sent le soleil, et la deuxième partie de « Zealots of Stockholm, » un titre sombre et menaçant, montre à quel point sa vision du monde a évolué. Ce n'est plus l'endroit joyeux qu'il a connu — maintenant qu'il sait jusqu'où la violence peut aller, il ne croit plus en rien.

Ces changements deviennent encore plus violents dans « Sweatpants », un clip dans lequel il est pris dans une spirale infernale. Il entre dans un restaurant, voit son reflet partout et perd la tête en essayant de trouver quelqu'un avec qui se lier. Dans l'outro de « Sweatpants », on le voit dans la forêt en feu. Il semble détendu, chante et danse au milieu d'autres personnes, un état qui contraste complètement avec celui de « Sweatpants. » Le morceau « Urn » qui est joué pendant cette scène parle de l'acceptation et de laisser aller sa peine, en attendant que de meilleurs choses surviennent : « Don't let me lose my life / Keep holding on. » Glover est finalement prêt à adopter un nouvel état d'esprit et explore les avantages qui découlent de cette prise de conscience.

L'évolution de Gambino arrive à son paroxysme dans « Telegraph Ave ». Dans ce morceau, il n'est plus cet étranger en vacances : il devient une véritable menace. Tout ça nous conduit à la première agression. Tout au long du clip, on le voit profiter des joies de la nature, mais même dans ce cadre utopique, il est impossible pour lui d'échapper à son destin. Et la baleine, le spectre de la société WASP, entre de nouveau en jeu.

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Avant de rentrer dans l'eau, l'un des habitants de l'île prend une photo de lui. Alors que le photographe s'écarte, il se retourne et regarde Gambino avec insistance. Toutes les personnes dotées d'un minimum de perspicacité savent que les Noirs sont souvent perçus comme des bombes à retardement prêtes à exploser à tout moment par les Américains moyens. Nous sommes des sauvages qui devons être désarmés et remis à notre place, même si rien ne le justifie. Le public constate que ces préjudices sont souvent démontrés par un tiers, et que ce tiers essaye de présenter la victime à son avantage.

L'incident de « Telegraph Ave. » survient alors que Chilidsh et sa copine se permettent une petite balade nocturne en forêt. Glover se fait violemment percuter par le mec qui l'avait pris en photo sur la plage. L'agresseur renverse Gambino avec son pick-up et laisse son corps en sang au sol. Les deux agresseurs demandent alors à la jeune fille de les suivre pour la protéger. Alors qu'ils s'apprêtent à partir, Gambino se relève, transformé en monstre et attaque ses assaillants. Il devient finalement ce que ses agresseurs voyaient en lui. Gambino n'est évidemment pas ce monstre tentaculaire mais il est déjà trop tard. Il a tout perdu : sa copine, son paradis et sa propre identité.

Dans « Sober », il a finalement trouvé la solution et cherche désespérément quelqu'un pour l'aider à comprendre cette nouvelle réalité. Si l'on regarde bien, on voit que Glover est au même endroit que dans les trois premières vidéos, la neige en plus. On voit Gambino dans un restaurant, essayant d'attirer l'attention d'une jeune femme qui attend sa commande. Au début, on a l'impression qu'elle ne lui accorde aucune attention et reste scotchée à l'écran de son téléphone. Après quelques pas de danse, elle s'y met aussi, puis va chercher sa commande et sort. Une fois de plus, il se retrouve seul, et doit faire face à ses craintes sans personne pour le soutenir.

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Sa perception évolue tout au long de l'histoire. Glover envisage sa couleur de peau autrement et réalise plusieurs choses qu'il n'aurait pas forcément remarqué avant. L'entaille qu'il a sur la jambe dans « The Worst Guys » représente sa première vraie rencontre avec le concept de discrimination. Quand il sort de l'eau, il ne semble pas souffrir, n'importe qui avec une entaille de 15 centimètre dans le tibia en chierait. Il a juste l'air confus, frustré, comme lorsque vous réalisez pour la première fois que les gens ne vous voient pas comme vous l'imaginiez.

Quand vous êtes Noir aux Etats-Unis, le plus dur est de regarder autour de vous et de constater qu'en réalité, aucun progrès n'a été fait. Il faut toujours faire face aux mêmes problèmes et aux mêmes formes de racisme que celles qu'ont subies nos parents. On retrouve cette idée d'éternel recommencement dans les clips de Childish Gambino, comme dans le restaurant où on le voit tourner en rond, ou encore à bord de la grande roue, une allégorie de plus. Le fait qu'il soit pris dans une spirale pendant, qu'autour de lui, le monde se dégrade, n'est pas une coïncidence. Dans « Sober », on peut remarquer que les aiguilles de l'horloge au mur ne bougent pas. Pour Childish, l'Histoire n'avance pas et les Noirs ne seront jamais sur un pied d'égalité avec les Blancs aux USA.

Artwork - Mr. Victory

La solitude est l'un des thèmes principaux de

Because The Internet

. À travers les différentes étapes de son histoire, on retrouve toujours ce sentiment étrange d'être « l'autre », ce personnage en dehors des normes établies par les dominants. Même si vous faites votre maximum pour entrer dans la norme, vous ne serez jamais totalement accepté. Dans chacune de ses vidéos, Glover est finalement seul. Que ce soit dans la grande roue, au restaurant ou encore sur l'île. Les gens le repoussent plus ou moins gentiment, physiquement ou de manière moins explicite. Dans tous ses clips, Glover recherche quelqu'un pour l'accompagner. En vain.

À travers cette transformation en monstre, les vidéos de Gambino nous racontent ce que ressent un Noir qui ne correspond pas aux stéréotypes qu'on lui attribue généralement aux USA. Les attaques de la baleine sont des métaphores des combats qu'il doit mener. Il se retrouve confronté à la solitude, isolé quand les gens lui font ressentir qu'il n'est pas d'ici, ou qu'il n'a pas d'âme — mais malgré tout, il réussit à être heureux. Trey Smith est dans l'éveil le plus total. Il est aussi sur Twitter.