Lors des primaires présidentielles démocrates de 2008, Hillary Clinton a accusé son adversaire, Barack Obama, d'être élitiste et condescendant envers la classe ouvrière américaine. Le président Obama a ensuite démonté l'argument de cette dernière, estimant que ses attaques étaient des tactiques politiques de la vieille garde qui devaient évoluer. Puis il a ajouté « vous devez juste… » en se brossant l'épaule pour balayer les critiques de sa rivale, en hommage au single « Dirt Off Your Shoulder » de Jay Z, sorti en 2003.
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« Les gens qui connaissaient le geste ont simplement comblé le vide d'eux-mêmes, et il n'a pas eu à terminer sa phrase », explique Lester Spencer, professeur associé de science politique et d'études africaines à l'université Johns-Hopkins. « Ce qui est drôle, c'est que c'est vraiment une blague d'initiés. Si vous regardez bien – j'ai regardé les talk-shows le lendemain – les présentateurs, qui sont tous des hommes blancs, n'avaient aucune idée de ce qu'il faisait. Ils se disaient "oh mon dieu, il est tellement arrogant." Ils n'avaient pas la moindre idée de ce qui se passait. » Dans son livre de 2011, Stare in the Darkness: The Limits of Hip-Hop and Black Politics, le professeur Spence a, suite à cet événement, annoncé que le hip-hop ferait bientôt partie intégrante de la politique, à cause de l'ascension du rap en tant que langage de la culture américaine populaire.Il suffit de se pencher sur le paysage politique actuel aux États-Unis et le rôle que la culture noire y a joué. En mars dernier, Ben Carson a agrémenté l'annonce de sa candidature d'une version gospel de « Lose Yourself » d'Eminem. Début octobre, la représentante des États-Unis pour le district de la Californie, Loretta Sanchez, a fait un « dab » lors d'un débat sénatorial contre son adversaire, la républicaine Kamala Harris, également procureur général de Californie. Donald Trump est quant à lui apparu dans le Saturday Night Live, à l'approche des caucus de l'Iowa, et a parodié Drake et son clip « Hotline Bling ». Pourtant, au cours de l'année passée, Hillary Clinton les a tous supplantés : elle a dabbé, a dansé le « Nae Nae » sur le plateau d'Ellen DeGeneres, a vendu un T-shirt pour sa campagne officielle sur lequel on pouvait lire « Yaaas, Hillary », et a pris un selfie avec Kim Kardashian et Kanye West. Des stars du rap comme Pusha T, DJ Khaled, et Jay Z vont soutenir sa candidature ce mardi 8 novembre. Plus récemment, un mème qui comparait les pantalons de Clinton au style des rappeurs de Death Row Records a généré un tel buzz en ligne qu'elle a dû avouer en plaisantant que son look était influencé par un label qui avait produit 2Pac et Snoop Dogg dans les années 90.
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Selon Washington, les politiciens les plus doués en sensibilisation des jeunes sont Cory Brooken, ancien maire de Newark et actuel sénateur du New Jersey, qui dialogue beaucoup avec le public sur Twitter et Snapchat, et la première dame Michelle Obama. « Michelle Obama est une des voix politiques les plus puissantes de notre génération, la femme la plus puissante du pays et une des femmes les plus puissantes du monde », déclare Washington. « Elle a la capacité de se métamorphoser en un rien de temps – de passer de mère à politicienne puissante, en passant par spécialiste stratégique – mais en même temps, elle est empreinte d'une véritable authenticité, que ce soit quand elle fait référence à la pop culture, quand elle danse, quand elle plaisante, quand elle se rend à des concerts et qu'elle rencontre des célébrités. »
Pour le professeur Spence, l'origine de l'appropriation de la culture hip-hop par la politique remonte à la campagne présidentielle de Bill Clinton en 1992, dans laquelle le candidat appelait à l'harmonie raciale dans le pays. Il s'agissait d'une position si rarement prise par les présidents blancs jusque-là qu'elle lui a valu la reconnaissance de son public cible. La manoeuvre a été cruciale, d'autant plus que Jesse Jackson – qui s'était présenté en 1988 et qui avait spécifiquement abordé la question noire, allant de l'aide aux villes de l'apartheid sud-africain à l'action positive – avait décidé de ne pas se présenter aux primaires cette année-là. Clinton a alors remporté 70 % des votes noirs lors des primaires, et son élection lui a valu le sceau d'approbation de beaucoup de personnes de la communauté, ainsi que le titre familier de premier président noir symbolique (malgré son jeu de saxophone et les allégations de consommation de weed et d'adultère).Clinton a également gagné le cœur de beaucoup d'Américains blancs grâce à ses propositions de réforme de l'aide sociale, d'allégements fiscaux pour la classe moyenne et sa loi de 1994 concernant la lutte contre les crimes violents. Il a néanmoins fini par se dissocier de Jackson. En 1992, l'artiste Sister Souljah, connue pour véhiculer son message social à travers le rap a été invitée à prendre la parole à la Rainbow Coalition de Jackson, aux côtés de Clinton. Dans une interview pour le Washington Post un mois plus tôt, Souljah avait déclaré : « Si des Noirs tuent d'autres Noirs tous les jours, pourquoi ne pas prendre une semaine pour tuer des Blancs ? Vous voyez ce que je veux dire ? En d'autres termes, les Blancs, ce gouvernement et ce maire sont bien conscients que des Noirs meurent chaque jour à Los Angeles sous la violence des gangs. Donc, si vous faites partie d'un gang, et qu'il est normal pour vous de tuer des gens, pourquoi ne tuez-vous pas des Blancs ? Les Blancs sont-ils meilleurs, ou au-dessus de la mort, alors qu'eux-mêmes pourraient tuer leurs semblables ? »