Vegan ou chasseur ? Mille Petrozza de Kreator a fait son choix

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Vegan ou chasseur ? Mille Petrozza de Kreator a fait son choix

A l'occasion de la sortie du 14ème album du légendaire groupe de thrash metal allemand, nous sommes allés passer un moment avec son leader pour parler de Trump, de religion, de véganisme et de liberté.

Il y a beaucoup de trucs contre lesquels être en colère en 2017 et Miland « Mille » Metrozza, le chanteur de Kreator, les a tous listé. Il a tout coché une première fois, puis une deuxième, et maintenant, il s'apprête à les réciter en hurlant avec son furieux accent allemand, parce que c'est ce que fait Kreator depuis 35 ans. Même en 2017, soit bien longtemps après la sortie de leur premier album, Endless Pain, les mecs sont toujours aussi férus de tremolo et de double-pédale - parce que que serait Kreator sans tremolo et double-pédale ?

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Même si « Hardwired » et « Spit Out The Bone » de Metallica nous ont tous fait bander très très mou l'an dernier, il faut reconnaître que le meilleur de Hardwired… To Self-Destruct consistait en une réinterprétation de la puissance sourde de Load et Reload, plutôt que dans la cascade de riffs façon « Dyers Eve ». Pareil pour Slayer—bien plus efficaces en mid-tempo désormais. Et c'est OK : tous ces types ont 50 balais et blastent depuis trois décennies. Et c'est la même chose pour Kreator. Malgré leurs cheveux grisonnants et les crédits immobiliers qui planent au-dessus de leurs têtes, ils peuvent toujours vous sortir un riff affuté comme une guillotine, comme si on était toujours en 1986.

Mais contrairement aux deux autres membres du « Big Three » du thrash allemand (Destruction et Sodom), Kreator a souvent emprunté d'autres voies que celle du thrash 80's traditionnel. Après s'être s'aventurés dans le goth et l'industriel durant les années 90, ils sont revenus au thrash avec Violent Revolution en 2001, et n'ont pas lâché le morceau depuis.

Kreator ont plus à offrir que de la simple brutalité, et c'est ce qui saute aux oreilles sur leur nouvel et quatorzième (!) album, Gods Of Violence (qui sort aujourd'hui, 27 janvier, sur Nuclear Blast). Même quand le tempo ralentit, l'intensité reste de mise, comme sur « Satan Is Real », où le groupe de death metal symphonique italien Fleshgod Apocalypse vient leur prêter main forte et livre une orchestration grandiose. À la différence de nombre de leurs contemporains, Kreator ont réussi à s'extirper des années 90 en restant à la fois agressifs, progressifs et cohérents.

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La veille de l'investiture de Trump, j'ai passé un coup de fil à Petrozza pour savoir ce qu'il pensait de tout ce climat de panique, des rivalités entre vegans et chasseurs au sein du metal et du fait d'être à l'aube de ses 50 ans.

Noisey : « Satan Is Real » parle de la prédominance de la religion, c'est ça ?
Mille Petrozza : On peut le voir comme ça. Mes paroles sont la plupart du temps métaphoriques, donc cette chanson ne concerne pas la religion en général, mais plutôt la pertinence de la religion à notre époque. Dans « Satan Is Real », je me demande pourquoi elle prend encore tant d'importance en 2017.

Ça te perturbe que la religion soit, dans bien des cas, encore mariée à l'état ?
Pas seulement à l'état, mais les gens prennent ça sérieusement, ça leur semble OK de faire tous ces trucs bizarres ou même de mourir pour la religion, parce qu'ils croient en ces trucs.

Tu penses que le jour viendra où Kreator n'aura plus à chanter sur ces sujets ?
[Rires] Ce qu'il y a de bien avec ces situations, si on peut parler de bien, c'est ce que c'est très inspirant. Elles fournissent plein de thèmes pour le metal. Même quand la paix dans le monde sera effective—ce dont je doute, car ça n'a jamais été le cas—ces thèmes seront toujours d'actualité. Quand tu commences un groupe et que t'as 17 ans, t'es vénère. Puis tu vieillis et tu n'es plus aussi énervé, mais il y a encore des trucs qui te foutent la haine. Donc plutôt que de me pourrir la vie avec ces trucs, j'écris des textes pour Kreator.

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**Logique ! À propos de vos paroles très contemporaines, celles de votre dernier album, Enemy Of God **sorti en 2005, sont elles aussi toujours pertinentes.
C'est vrai, ouais. J'étais en Grèce, en promo pour l'album Violent Revolution, le 11 septembre 2001. On étais assis dans la salle de conférence de l'hotel et quelqu'un a allumé la télé et on a vu ces images horribles de Manhattan—qui ont inspiré Enemy Of God. Sur Gods Of Violence, les thèmes s'inspirent d'évènements comme les attentats du Bataclan, mais aussi de films, de la littérature et de l'art en général.

Le groupe Fleshgod Apocalypse vous a d'ailleurs prêté son orchestre sur ce nouvel album.
On avait besoin d'aide sur les instruments classiques et je trouve que c'est un groupe incroyable. Quand j'ai écrit « Apocalypticon », l'intro de l'album, j'avais juste la mélodie à la guitare et la caisse claire. Dans mon esprit, il y avait déjà l'orchestre géant qui jouait cette bande-son de la fin du monde, donc je leur ai envoyé le morceau; ils me l'ont renvoyé avec leur partie, et c'était déjà parfait ! On se ressemble beaucoup—c'est un groupe de metal extrême mais ils ont les mêmes goûts que nous quand il s'agit d'harmonies et d'atmosphères sombres.

Il y a beaucoup d'harmonies et de mélodies intéressantes sur Gods Of Violence , mais elles n'éclipsent jamais le thrash. Tu penses qu'à l'approche de la cinquantaine, tu vas lever un peu le pied et t'intéresser plus à ce genre de sons ?
49, oh ! [Rires] Les gens ne « vieillissent » plus comme avant. Il y a 50 ans, les gens qui avaient 40 ans étaient vieux. Maintenant, il y a des gens qui ont 60 ou 70 ans qui sont encore bourrés d'énergie. Je cours toujours le marathon et je fais de la muscu au moins 6 fois par semaine, donc je ne me sens pas vieux. Evidemment, il va arriver un moment où mon corps ne pourra plus réagir de la même manière, mais ce n'est pas encore le cas, mec. J'ai encore 15/20 ans devant moi. T'inquiètes pas !

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J'aimerais que tu me parles de cette photo promo.
On voulait un truc décadent, c'est le thème de l'album. Pour moi, cette photo représente la décadence de l'époque moderne. On voulait que ça ressemble à une orgie grecque ou romaine, parce qu'à chaque fois que ces sociétés ont été à leur apogée, elles se sont effondrées. Et ça accroche l'oeil, non ? C'est clivant !

Kreator a toujours abordé les puissances maléfiques de ce monde, qui se réduisent souvent aux politiques, même si vous vous êtes toujours tenus à distance du sujet. Est-ce que Kreator écrira un jour un album ou un morceau sur Trump ?
[Rires] Voyons ce que fait Trump avant ! J'espère qu'il ne va pas entraîner la civilisation dans sa chute, même si je doute que ça arrive. On a vu des tas de gens bizarres au pouvoir avant lui. J'étais assez déconcerté que quelqu'un comme Trump puisse devenir Président des Etats-Unis, mais ça ne m'a pas choqué; beaucoup de mes amis américains l'ont été. Ces quatre prochaines années vont nous montrer ou non s'il y avait lieu de paniquer. Je ne suis pas un expert—je tiens à le dire avant de dire une connerie !—mais souviens-toi quand a été élu le « président de guerre », Bush. Il était considéré comme un « war president » alors que je vois plus Trump comme un « business president ». Pas de malentendu, je ne suis pas pro-Trump, mais voyons ce qu'il va proposer. Ca va peut-être être un désastre mais j'essaie de rester positif à propos de tout ça.

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Mais tu comprends pourquoi Trump est autant rejeté par les gens, non ?
Bien sûr. J'ai des amis mexicano-américains; j'étais à LA récemment avec un de ces potes, et je lui ai posé une question très naïve : « Les Mexicains ne sont-ils pas… Américains ? » J'ai toujours eu l'impression qu'ils faisaient partie intégrante de la société américaine; et si quelqu'un dit qu'il va construire un mur blablabla, alors évidemment les gens vont se sentir offensés, parce qu'ils font partie de la même culture. Et si les fans mexicains, les Satanic Hispanics, n'existaient pas, la scène metal américaine serait bien bien chiante.

Donald Trump pense que le changement climatique est une supercherie, et a retiré les Etats-Unis de l'accord sur le réchauffement de la planète. En tant que vegan, qui pense que l'élevage est la principale cause de ces changements, t'en dis quoi ?
Les gens meurent du réchauffement climatique, il y a des preuves scientifiques. C'est un des énièmes trucs étranges sortis de la bouche de Trump, un truc qui n'a aucun sens dans le monde réel. Peut-être que ça a du sens dans le Monde Trump, mais dans le nôtre, ouais, c'est un gros problème !

Est-ce que les gens sont surpris que le chanteur de Kreator soit vegan ?
Plus maintenant, mec. Il y a tellement de vegans de nos jours, c'est carrément devenu trendy. Les gens s'y intéressent plus que jamais. Même les gens qui ne le sont pas adorent la bouffe vegan ! Evidemment, le monde entier ne deviendra jamais vegan, même si ce serait meilleur pour la planète [Note de la rédaction : nos collègues de Munchies ne sont pas tout à fait d'accord], mais c'est un régime intéressant, voilà pourquoi on en parle.

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Est-ce que toi et ta femme écrivez encore pour le magazine vegan allemand Kochen ohne Knochen ?
Parfois. Le mec qui s'en occupe est un ami. Il gère aussi Ox Magazine, le plus gros magazine de hardcore en Allemagne. Il a été l'un des premiers à sortir un livre de recettes végétariennes, il y a des années. Je l'ai en quelque sorte poussé à devenir vegan, ce qui est une bonne chose, donc Kochen ohne Knochen est passé d'un magazine végétarien à un magazine vegan. Un super magazine, pour ceux qui lisent l'allemand !

Beaucoup de nouveaux groupes évoquent l'environnement, la politique, etc, dans leur musique, mais on ignore ce qu'ils ont à dire parce qu'ils sont bien habillés ou bien coiffés.
Tu veux dire qu'ils n'ont pas l'air assez true ? Il y a parfois des comportements très conservateurs au sein du metal, et c'en est parfois risible. Qu'est ce que ça peut faire que quelqu'un ait un style différent ? Ca ne le rend pas moins heavy pour autant. Je connais beaucoup de metalheads qui ont un look « old school » mais qui écoutent aussi des groupes actuels. C'est la raison pour laquelle je me suis intéressé au hardcore et au metal, parce qu'il n'y avait pas de règles—maintenant, c'est la scène elle-même qui applique les siennes. C'est quoi ce bordel ?

T'es pote avec Tom Angelripper, le chanteur de Sodom, qui est un fervent chasseur. Comment ça se passe entre vous ?
On blague beaucoup là-dessus. Même si je ne le vois plus trop ces derniers temps—avant il venait souvent diner chez moi et tout. On a grandi ensemble, on a plein de potes en commun et on est très proches dès qu'on se croise, mais on ne traîne plus trop ensemble. Il a ses opinions, et moi les miennes. S'il veut chasser, qu'il le fasse. Je ne le soutiens pas, mais ça le regarde, il a la liberté de le faire. On en rigole, mais si tu lui demandes pourquoi il le fait, il te répondra très sérieusement. Dans son esprit, il rend service à l'environnement. Ce n'est pas mon avis, mais il te l'expliquera. Il a tenté de me l'expliquer, et ça n'a pas trop marché…

T'es hyper tolérant en fait. Et le cas James Hetfield, on en parle ?
Il présente une émission sur la chasse, c'est ça ?

Oui, mais il a aussi déménagé de la Bay Area à cause de « comportements intolérants » envers lui, lorsqu'il conduisait à travers la ville avec un animal mort attaché sur sa voiture.
[Rires] Il a bien fait de déménager ! Peu importe, s'il est heureux comme ça. Il ne m'a jamais fait chier parce que j'étais vegan, donc je ne vais pas le faire chier parce qu'il chasse. J'ai un énorme respect pour Metallica, et je ne dirais jamais rien de blessant sur James, même si je ne suis pas du tout d'accord avec ça… pas du tout.