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Music

Halloween ne serait pas vraiment Halloween sans Alan Howarth

Le compositeur expert ès terreur nous a touché deux mots de son boulot avec John Carpenter, de l'ASMR et de la fois où il est allé enregistrer à l'intérieur des pyramides.

Vous devez probablement 60 % de vos cauchemars au compositeur Alan Howarth. À l’origine des B.O des plus grands classiques, notamment les mythiques Halloween, Howard s’est imposé comme un maître incontesté des ambiances toutes en synthés et en sons glaçants. Il sera ce 31 octobre à Londres, à l'Union's Chapel, pour une interprétation live de la B.O d’Escape From New York avec un medley de ses autres travaux pour Carpenter. Nous en avons profité pour demander à Sean McTiernan (moitié du duo techno irlandais Torso) d'aller rencontrer la légende de l’horreur pour nous. L’occasion de revenir sur une carrière passée à repousser les limites du son et des synthés, du design sonore des films Star Trek à ses mesures de fréquences dans les pyramides.

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Noisey : Ça roule ? D’où m’appelles-tu ?
Alan Howarth : Je suis au Magic Leap, on bosse sur de la réalité augmentée : l’aspect sonore du truc. Magic Leap développe des hologrammes. Et la différence avec la réalité virtuelle, c’est que tu n’es pas dans une salle obscure. Il s’agit de partir du monde dans lequel nous sommes et de développer – par des technologies ingénieuses de projection directe d’images dans l’œil – des éléments qui se mêlent au réel. Par exemple, on peut faire apparaître un éléphant dans une pièce de sorte que tout le monde le voie. Moi je fais partie de l’équipe son, chargée de concevoir le bruit que l’animal fera en se déplaçant. C’est du travail de précision parce qu’il faut que l’éléphant reste à sa place quand toi tu bouges la tête. Il faudra encore quelques années pour que ça arrive sur le marché mais l’équipe que j’ai rejointe est vraiment brillante : des scientifiques de la NASA, des ingénieurs et des techniciens doués. C’est le côté créatif qui m’a attiré.

Ça rejoint un peu ton expérience d’ingénieur du son pour les parcs d’attraction, non ?
Oui, c’est l’avenir de la pratique en quelque sorte puisque tu n’auras plus à te rendre dans un parc, c’est le parc qui viendra à toi ! Et pour en revenir à la Préhistoire : si l’homme a su échapper au tigre qui l’attaquait dans la jungle, c’est moins grâce à ses yeux qu’à ses oreilles. Notre système d’alerte le plus primitif est l’ouïe, avant même la vue. Et on peut tirer bien des applications du fait que ce soit ce sens qui prime. Nos yeux ne peuvent couvrir qu'une portion donnée, on ne voit pas à 360°, alors que nos oreilles sont les yeux que nous avons derrière la tête.

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Il va constituer en quoi ton concert à Londres ?
La projection d’Escape From New York sera ce que j’appelle un jam live. On va projeter le film et jouer la bande-son en même temps, ce qui va d’ailleurs nécessiter quelques petits aménagements que je suis actuellement en train de mettre en place. On jouera la musique du film mais je vais laisser de la place pour l’improvisation : des éléments qui dépendront de l’humeur du moment.

C’est plutôt cool que tu partes sur l’idée d’une réinterprétation créative plutôt qu'une simple resucée de la B.O. de base…
Oui, je crois que notre projet est assez unique. Après des années à jouer avec le groupe de jazz Weather Report, je suis très à l’aise avec l’improvisation. D’ailleurs, c’est l’une des raisons pour laquelle on s’est si bien entendu avec John Carpenter : les BO de ses films ont toujours été improvisées. Personne n’a jamais mis les notes en partitions avant de les faire jouer aux musiciens. Notre démarche a toujours été de s’installer, se lancer le film et de jouer face aux images. Voilà pourquoi cet événement est tout ce qu’il y a de plus naturel pour moi.

Tes propres B.O. et celles que tu as signées pour John Carpenter ont rendu palpables les concepts de peur et de terreur pour toute une génération. Ça doit être valorisant d’être devenue une telle référence. Qu’est-ce qui les rend si élémentaires et évidentes à ton avis ?
Actuellement, nous avons à disposition des tas d’imitations de synthés analogiques, et elles sont vraiment réussies, d’ailleurs je les utilise moi-même. Mais bon, il n’y a rien de tel que l’exactitude d’un Prophet V : rien de tel que mettre ce son-là sur bande. Ce traitement du signal, tu ne peux pas vraiment le répliquer avec du numérique : il faut impérativement le faire toi-même pour l’obtenir.

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Ça m’a toujours plu d’être le premier arrivé, celui qui prend possession de l’endroit, décide de la déco parce qu’il a emménagé le premier. À l’époque, dis-toi qu’on n’a à peine attendu qu’ils soient finis de monter pour se ruer sur ces nouveaux instruments. Mon premier Prophet V par exemple, je l’ai littéralement récupéré à la boutique de Dave Smith à San Francisco et la peinture n’avait même pas encore fini de sécher ! On se précipitait sur ces joujoux. Comme ça, on était les premiers à en tirer ces sons-là et à les incorporer à notre pratique artistique.

En parlant d’influences, tu as beaucoup été samplé dans le rap et autres. Quel est ton avis sur la question ?
Si un artiste comme moi a créé un son qui est approprié pour ce qu'il fait, aucun problème. C’est chouette quand les emprunts se font à la régulière mais même quand ce n’est pas le cas – si c’est juste un gars qui s’éclate dans son garage, ça me va aussi et je l’encourage.

Ta carrière s’est beaucoup axée autour des questions des limites du son, et de son fonctionnement à l’intérieur du corps humain et de l’esprit. Peux-tu nous parler de tes recherches en architecture ancienne et en acoustique ?
L’accordage s’est standardisé au début du 20ème siècle [le diapason en LA 440 est devenu la référence dans l'accordage des instruments], et ce de façon assez arbitraire. Un peu comme si un dogme d’ingénierie du son s’était imposé au détriment de l’artistique. Or j’ai lu un livre sur les grandes pyramides et leur architecture. Son auteur, Wes Batheman, qui est plus tard devenu mon collaborateur, se disait que l’architecte à l’origine du monument devait être un concepteur hors-pair puisqu’elles comptent parmi les rares Merveilles du Monde qui sont toujours en place. Il s’est dit que ce dernier avait peut-être opéré selon des connaissances plus avancées, et qu’on pourrait peut-être y avoir accès en étudiant ce bâtiment au combien ingénieux. Il a donc analysé mathématiquement les pyramides et deux nombres ne cessaient de revenir : Pi et Phi (le nombre d’Or).

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Or la musique qui est accordée sur le nombre d’or – où le La est à 432 Hz –, résonne avec toute la Nature. Les oiseaux chantent à cette fréquence, les dauphins, les baleines… Idem pour l’architecture des anciens. J’ai visité des ruines Maya au Yucatan et en faisant de mesures acoustiques sur 200 pièces, je me suis rendu compte que la quasi-totalité avait une fréquence de résonnance de 216 ! Soit un octave en dessous de 432. Pourquoi les Mayas auraient-ils fait ça ? Eh bien parce que ça crée une harmonie. Ces questions de gamme vibratoire ont un aspect religieux mais aussi une réalité physique. Comment savaient-ils tout ça ? Soit ils ont eu de la visite d’une soucoupe-volante qui leur a donné l’info, ou alors ils l’ont trouvé tout seuls, en écoutant la Nature. En tout cas, quel que soit le moyen, ils y sont arrivés.

Je me suis aussi rendu dans la Chambre du Roi de la Grande Pyramide. Les fréquences de résonnance correspondaient toutes à une valeur Pi. On retrouve-là le rythme de la fréquence cérébrale et corporelle. Toutes les fréquences Pi sont reliées aux chakras. Il y a une gamme de fréquences reliée au Chakra de base qui commence à 421 : 424 c’est l’accordage du chakra de base, 427 celui du cœur et du chakra correspondant. Bref, en tant qu’artiste tu peux te lancer dans des compositions qui tiennent compte de la résonnance physique et spirituelle de la personne. Je trouve ça passionnant !

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T'as déjà entendu parlé de l'ASMR ?
Non, dis m'en plus.

C'est un truc assez gros sur YouTube. Des gens font des vidéos d'eux-mêmes en train de produire certains bruits spécifiques, comme susurrer, ou taper leurs ongles sur une table, et ça procure des sensastions physiques à ceux qui écoutent ensuite ces sons.
Je ne connaissais pas. Ce qu'on fait avec le projet Magic Leap est de réfléchir en termes d'expériences. Qu'est qui peut impliquer une personne ? Et le son est tellement puissant dans ce domaine. Ca ne me surprend pas que des communautés se forment autour de ses effets. Si un son réussit à t'hérisser le poil du dos, on peut appeler ça un succès, non ? Peu importe la façon dont tu y arrives.

Une composition sonore qui résonne particulièrement chez moi justement, et qui m’a traumatisé plus jeune, c’est le morceau « Bug Man » sur la B.O du Prince of Darkness. Parle m'en.
J’ai fait ça avec un moog et du vocoder. C’est un titre analogique pour lequel j’ai utilisé deux égaliseurs graphiques : le premier pour analyser le son par la fréquence et le deuxième par le voltage, avec un traitement sur la voix. Il y avait une autre subtilité, mais j’ai oublié ! Peut-être juste une manip’ avec un séquenceur, je ne sais plus. Je me souviens que je voulais suggérer l’idée d’un homme en train de se changer en cafards de façon à ce qu’un sentiment d’horreur envahisse l’auditeur. Ainsi, il n’y avait juste ce que tu voyais à l’écran, mais aussi ce que tu imaginais.

J’ai l’impression que tu ne fais pas de distinction entre le design sonore et la composition, c’est le même processus pour toi ?
J’ai beaucoup fréquenté la scène rock et jazz mais quand on m’a demandé de faire du son pour des images, c’est là que j’ai eu le déclic. Je pense que c’est parce que plus jeune, j’étais très créatif : à fond dans le dessin, la peinture, l’image. Je n’étais pas bon pour écrire des hits radiophoniques de 3 minutes, par contre, quand je combinais le son et le visuel, j’excellais.

Au lycée, j’écoutais pas mal de musique concrète, des mecs comme Ussachevsky et Stockhausen, qui faisaient des loops à partir de field-recordings, des choses qu’on fait avec les samplers aujourd’hui, et qu’ils réalisaient avec des bandes magnétiques. Pour moi, c’était aussi ça la musique ! La définition la plus universelle de cet art c’est l’alternance entre le son et le silence. Il n’en faut pas plus. Bref, que tu tapes sur la paroi d'une grotte avec un caillou, ou que tu joues de la guitare ou de la batterie, ou simplement le fait de respirer… tout ça, ça reste de la musique pour moi.

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