FYI.

This story is over 5 years old.

Food

Pourquoi l'alcool et la clope sont deux vices inséparables

Une étude scientifique fait la lumière sur ce qui rend les deux drogues si dépendantes l'une de l'autre.

En 1991, avec la promulgation de la loi Évin, la lutte contre l'alcool et le tabagisme connait un tournant majeur : la clope disparait progressivement de l'espace public et la publicité pour l'alcool est désormais beaucoup plus sévèrement réglementée. Adieu cigarettes, whisky et petites pépées, fini les cuites en direct chez Apostrophes, ciao le verre dans la main gauche et la cigarette dans la main droite en prime time à la télé.

Publicité

Si jusque là, les gens du monde avaient objectivement peu de scrupules à s'en foutre plein les poumons et le gosier à l'antenne au détriment de leur santé, force est de constater que le combo clope-picole a constitué un terreau fertile pour plusieurs générations d'artistes.

Reste à savoir pourquoi les deux vices s'affichent rarement l'un sans l'autre ?

LIRE AUSSI : Se bourrer la gueule est la sensation qui se rapproche le plus de l'ivresse amoureuse

Une équipe de chercheur de l'école de médecine de l'Université du Missouri s'est penchée sur la question. Les conclusions de l'étude, parue dans Journal of Neurochemistry et menée par l'équipe de scientifiques du département de neurologie, sont assez explicites : si la consommation de cigarette est souvent liée à celle de l'alcool, c'est parce que fumer permettrait d'estomper de manière significative l'effet de somnolence provoqué par la picole.

Mahesh Thakkar, directeur des recherches dans le département de neurologie de l'Université, revient dans l'étude sur les rapports de dépendances chez les individus qui consomment les deux substances en même temps : « Quelqu'un qui fume est beaucoup plus enclin à consommer de l'alcool, et vice et versa. Les deux usages sont dépendants l'un de l'autre. »

L'étude commence par un constat : aux États-Unis, plus de 85 % de la population adulte dépendante à l'alcool l'est aussi à la nicotine. Une double dépendance probablement due au fait que prises individuellement, les deux substances tirent sur les mêmes ficelles euphorisantes du cerveau. Dans ses études précédentes, la même équipe de chercheurs avait remarqué que la prise de nicotine activait la partie antérieure basale du cerveau. Une stimulation qui a pour conséquence de favoriser l'envie de consommer de l'alcool en même temps qu'elle excite la région du cerveau responsable du plaisir.

Publicité

Pour les besoins empiriques de l'étude, les chercheurs ont utilisé des rats de laboratoires, à qui ils ont administré les deux substances nocives de différentes manières. Un groupe de rat a donc reçu une dose composée d'alcool et de nicotine, un second a absorbé de l'alcool uniquement, un troisième de la nicotine seulement et un quatrième, de l'eau pure, sans nicotine ni alcool.

LIRE AUSSI : La cuite sans la gueule de bois : un rêve de poivrot devenu réalité

Tous les rats étaient également équipés d'instruments de mesure du sommeil pour analyser les cycles d'éveil et d'endormissement. Résultat : les rats qui avaient reçu uniquement de l'alcool ont pioncé beaucoup plus que ceux qui avaient reçu de la nicotine en plus de l'alcool.

C'est ce qui a permis aux chercheurs de conclure que la consommation de cigarettes avait tendance à réduire les effets de somnolence liés à la picole, comme l'explique Mahesh Thakkar : « Nous avons découvert que la nicotine affaiblissait la sensation de sommeil provoquée par la prise d'alcool, notamment parce qu'elle stimule une partie du cerveau lié à l'éveil cérébral : le cerveau antérieur basal. »

Si d'un point de vue médical, les résultats de l'étude vont sûrement permettre de mieux appréhender les cas cliniques de double-dépendance à l'alcool et à la nicotine, d'un point de vue plus pragmatique, ils expliquent en partie pourquoi il est physiologiquement possible de survivre à une discussion crypto-environnementalo-féministe de troisième partie de soirée, alimentée par plusieurs bouteilles de pinard, un gros cendrier qui déborde et une grosse gueule de bois.