Mnemotechnic a les armes qu'il faut pour venir à bout de 2017

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Mnemotechnic a les armes qu'il faut pour venir à bout de 2017

Le trio breton est ce soir à Paris pour fêter la sortie de son gigantesque nouvel album « Weapons ». On en a profité pour aller parler avec eux de Brest, de Nirvana, de GarageBand et de presse musicale.

Photo : Mélanie Le Goff Armé jusqu'aux dents et amputé d'un de ses membres, le désormais trio brestois Mnemotechnic fait son retour aux affaires avec Weapons, excellentissime nouvel album (après le déjà efficace Awards, paru en 2013) qui s'est tranquillement imposé comme notre premier album favori de 2017. On a profité de leur venue à Paris ce lundi 16 janvier au Supersonic pour faire plus ample connaissance avec Arnaud Kermarrec-Tortorici, figure de proue et patron posé de ce gang des chevaliers de l'apocalypse. Noisey : C'est quoi ton CV ?
Arnaud Kermarrec-Tortorici : Je suis brestois. Chanteur, guitariste, compositeur. Et à l'origine du projet. A côté du groupe, j'ai un autre boulot. Je suis graphiste.

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C'est loin d'être ton premier groupe.
Depuis 15 ans, j'ai joué dans pas mal de groupes en effet. Principalement dans le rock. J'ai commencé dans un groupe qui s'appellait Zwieback à la batterie et dans un groupe de métal, à la guitare, Taenia. Puis avec Dispute, un groupe de math-rock. Tout ça est bien sûr resté ultra-confidentiel et très brestois. On dit que cette ville a quelque chose de très particulier.
Je crois, oui. Elle a une histoire très forte. Pas mal d'auteurs s'y sont penchés. Je suis pas certain que la scène rock de Brest soit visible au niveau national. Encore moins au niveau international. Pourtant, certains en sont sortis. Pas toujours les meilleurs, d'ailleurs.

Quels sont les groupes en activité en ce moment à Brest ?
J'aurais du mal à te citer des groupes dont je me sens proche, mais on en fréquente quelques-uns, on va les voir jouer. Cette ville, c'est un vivier. C'est banal de dire ça, ça sonne cliché car c'est sûrement pareil dans d'autres villes. Mais voilà, c'est une réalité. J'aimais beaucoup le projet I Come From Pop, je ne sais pas trop où ils en sont en ce moment. J'apprécie aussi No Pilot, un copain qui a une approche noise expérimentale que j'adore. Mais des groupes brestois qui bougent, qui tournent en dehors de la ville, je n'en connais pas beaucoup.

Tu as fait du math-rock, du metal , de la noise… D'où te vient cette culture musicale ? De tes parents ?
Mes parents ont un rapport à la musique qui est très marqué puisqu'ils n'en ont aucun. Tout ça m'est tombé dessus plus jeune via les médias, la pub et la radio. A 10-12 ans, j'entendais Queen, Michael Jackson, et je me rendais compte que ça me remuait pas mal. J'ai commencé par acheter une cassette d'Aerosmith, ce genre de choses. Et un jour, Nirvana m'est tombé sur la gueule. Ça a été une révélation, un énorme choc. On était en 92 je crois, j'avais 12 ans. Mon cousin m'avait filé une cassette copiée et ça tournait en boucle dans mon walkman. Bizarrement, depuis, c'est resté en moi, j'ai toujours un attachement profond pour ce groupe. À chaque fois que je tombe sur une vidéo, je la mate, je ne peux pas m'en empêcher. Peut-être parce que je ne les ai évidemment jamais vus en concert. À partir de la vingtaine, je me suis orienté vers le métal, vers des trucs plus hardcore. J'ai découvert pas mal de groupes ou des courants musicaux au travers des groupes contemporains. Fugazi ou Minor Threat par exemple, je les ai écoutés après Future of The Left ou Pinback. Pareil pour Korn, écouté avant Metallica. Ma culture musicale, je l'ai monté à l'envers sans m'en rendre compte. J'écoute les disques des Beatles depuis deux ans seulement. J'étais très loin de tout connaître d'eux alors que c'est monumental. Mais vers 20 ans, j'écoutais autre chose. Par exemple la scène post-hardcore américaine des années 2000 avec le label Hydrahead et des groupes comme Botch, Isis ou Converge. Sinon, il y a un groupe indie rock qui m'a beaucoup influencé pour lancer Mnemotechnic même si ça s'entend pas forcément, c'est Q and not U.

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Ça a démarré comment, Mnemotechnic, justement ?
C'est arrivé en 2009. Mon job de graphiste me prenait beaucoup de temps et j'avais arrêté de faire de la musique depuis quelques années. Dans mes précédents groupes, j'étais toujours guitariste ou batteur. À part sur le dernier, Dispute, où je faisais un peu de choeurs en jouant de la batterie. On m'a trouvé pas trop mauvais, certains m'ont même encouragé à le faire plus. L'idée faisait son chemin dans ma tête, mais j'avais plus du tout le temps de faire de la musique. Alors j'ai arrêté. Et puis un jour, j'ai découvert le logiciel Garageband. J'ai commencé à m'amuser à enregistrer une guitare, à ajouter des percussions, etc. A force de bidouiller, je me suis retrouvé à faire des morceaux, à les faire écouter à des potes. Du coup on s'est lancés et j'ai fini par endosser le rôle de chanteur. Tout ça s'est fait sur le tas. On s'est vite retrouvés avec l'opportunité d'enregistrer une maquette. On l'a balancé sur le net, ça a plu à des gens et c'est parti comme ça.

Garageband n'était finalement qu'un alibi. Cette envie d'avoir ton groupe, elle était là bien avant, non ?
Bien sûr. J'en rêvais depuis 92. Elle était là depuis Nevermind. Ton activité de graphiste a-t-elle un lien avec la musique ?
Assez peu. Parce qu'il n'y a pas d'argent dans la musique, et que le graphisme est mon gagne-pain. J'ai quand même bossé pour quelques festivals (Astropolis, Les Trois Éléphants) et des salles de concerts (Runs Ar Puns à Châteaulin, La Carène à Brest), etc. Finalement, j'ai plus travaillé pour des organisateurs de concert que pour des groupes, parce que faire des pochettes, ça reste un métier. J'aimerais bien en faire d'ailleurs, mais jusqu'ici, j'ai eu peu de propositions. J'avais fait celle de Frigo, un groupe quimpérois. Et celles de mes propres groupes évidemment.

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Tu continues à suivre l'actualité musicale de près ?
Oui, j'écoute de la musique en permanence en bossant. Pour alimenter tout ça, je consulte énormément de sites. J'aime bien la ligne éditoriale de Mowno par exemple. Je vais aussi chercher des trucs plus expérimentaux chez The Drone. Ou chez New Noise. J'achète pas souvent le mag papier, mais ça me nourrit. Je reste sur ce créneau. Du rock assez dense. J'ai très peu d'affinités avec l'électro, même si il m'arrive de passer quelques titres d'electronica à l'occasion.

Ton nouvel album se nomme, Weapons. Ian Svenonius a sorti il y a quelques temps un AK-47. Les rappeurs citent la Kalash à gogo. Comment expliques-tu cette fascination des musiciens pour les armes ?
J'en sais rien. Pour nous, c'est la thématique de l'album. Un espèce de road-trip solitaire dans un monde actuel assez rude. Le personnage a un but, une quête : trouver le bonheur. Pour l'atteindre, il s'équipe et il s'arme, pensant qu'il évolue dans un monde hostile. C'est une métaphore du monde actuel. C'est pas ce que je vis réellement dans ma vie quotidienne, mais c'est ainsi que j'imagine la réalité du monde qui nous entoure. En tout cas une certaine réalité.

Peut-on le décrire comme un concept-album ? C'est presque devenu une insulte, ou en tout cas une forme de prétention dans la musique.
Concept-album, ce serait peut-être un peu poussé. Mais je me raccroche à une histoire. Un récit assez simple qui se passe d'un morceau à l'autre. Ça reste bien sûr assez modeste, on n'est pas chez les Who. Revenons un peu à votre premier LP, Awards.
On l'avait sorti dans le rush. Surtout que c'est pas mon activité principale. C'était compliqué. Comme toujours, il fallait aller très vite pour pouvoir avoir des échos dans quelques médias, réussir à booker des concerts. On avait eu des échos positifs, et quelques échos négatifs. Avec du recul, je les trouve d'ailleurs justifiés. Je peux plus du tout écouter ce disque aujourd'hui. C''était presque un premier jet alimenté par l'envie pressante d'essayer, de monter un groupe. Dès qu'une formule musicale m'avait semblé fonctionner, on s'y était accrochés, jusqu'à en faire un album. C'est un disque qu'on a du mal à écouter en entier. C'est ce que beaucoup de chroniqueurs en avaient dit, à raison. En s'accrochant à une seule formule, on ne pouvait pas être satisfaisait du disque. Il aurait fallu qu'il soit plus varié. L'envie d'énergie était là mais mal canalisée. On était tout le temps à fond. Les retours négatifs m'ont servi, même s'ils ont été un peu difficiles à avaler au début. Après t'y repenses, et tu te dis qu'il y a des choses à revoir.

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Weapons est, à l'inverse, hyper ramassé. 7 titres, à peine 30 minutes.
Rien de calculé là-dedans puisqu'on était partis sur un maxi au départ. Un 4 titres. Et on avait quelques trucs en plus. Des morceaux à finir, des pistes… On a à nouveau bossé de manière très intense, et en 3 jours, on avait fait 7 morceaux. Le résultat dépassait clairement l'objectif initial. C'est une véritable coupure par rapport à Awards. Dans le temps, déjà. Certains membres n'étaient plus disponibles pour le groupe, du fait de leur taff. On a fait une pause de 3 ans entre temps, faut dire… On a pris un vrai recul, et l'envie de changer s'est fait de plus en plus forte. J'ai fini par changer le processus d'écriture, en enlevant un instrument. Jusque là, on fonctionnait toujours avec un jeu de questions-réponses de deux guitares. Pour Weapons, j'en ai enlevé une. Ce qui change tout. J'ai découvert un terrain que j'avais pas exploré jusque là. Et on a gardé volontairement tous les défauts qui ont pu en ressortir. On sort ce disque avec encore moins de calculs que pour le premier, mais une envie d'innover beaucoup plus forte. L'idée, c'est d'innover sans sombrer dans l'expérimentale pure, de ligoter la formule classique du guitare-basse-batterie.

Awards était sorti sur Smalltown America, un label irlandais. Vous n'avez pas voulu remettre le couvert avec eux ?
Figure toi que la première prise de contact avec eux s'était fait assez étrangement. J'avais reçu un message sur Myspace. Un anglais avait apprécié notre première démo et nous le faisait savoir. Il l'avait ensuite transmise au label avec qui il était en contact. Et l'accroche est restée. Le hic, c'est qu'ils avaient mis énormément de temps à concrétiser les choses, à nous envoyer un contrat. Mais ça c'est fait. J'avais aussi sollicité pas mal de labels en France. Sans résultat. On a fini par le faire avec eux même si niveau délais, c'était vraiment pas ça puisqu'on avait enregistré en 2010, et que l'album a fini par sortir en 2013. On a donc tourné sans rien à vendre, sans disque. On leur a quand même renvoyé Weapons une fois qu'on l'avait enregistré, mais ils n'ont pas souhaité reprendre de risque financier avec nous, tout en nous disant que c'était notre meilleur disque.

Et cette fois, vous le sortez donc en France.
Oui, c'est très différent. On l'a enregistré il y a quelques mois. Directement produits par nous-mêmes, accompagnés de deux labels français beaucoup plus réactifs, Kerviniou recordz de Rennes, et A tant rêver du roi à Pau. Deux labels très dynamiques. On voit de plus en plus de co-productions entre différents labels pour arriver à financer la sortie d'un disque. C'est le cas du groupe Noyades, par exemple, de Lyon, qui sort son album avec 7 ou 8 labels. Quand tu lis une chronique de leur album, c'est assez bizarre cette longue liste de labels à la fin. Toutes ces co-prods, je ne saurais dire si c'est lié aux coûts de fabrication des disques qui augmentent ou au nombre de projets qui explose.

Une petite question pratique pour terminer. Tu vis à Brest, votre batteur bosse à Rennes. Comment arrive-t-on à enregistrer et à mettre en place une tournée avec ces contraintes (géographiques, professionnelles) ?
C'est assez chaud. Sur Awards, par exemple, on avait fait un concert à l'espace B à Paris et notre batteur n'avait pas pu prendre de jour de congés. Il avait fait la route juste après sa journée de travail et était parvenu au concert quelques minutes avant notre heure de passage ! Donc c'est compliqué pour lui. Faut faire des heures supplémentaires, prendre des congés, voire des congés sans soldes parce que la tournée dure un peu. C'est en tout cas ce qu'on espère. On a déjà 25 dates de calées et on espère bien tout défoncer. Weapons sort le 20 janvier sur Kerviniou Recordz/A tant rêver du roi. Vous pouvez le pré-commander sur le Bandcamp des deux labels, respectivement ici et .

Prochaines dates :
16/01 : Paris - Supersonic
17/01 : Lens - Titans club
18/01 : Strasbourg - Stimultania
19/01 : Besançon - Les Passagers du Zinc
20/01 : Clermont-Ferrand - Raymond bar
21/01 : Niort - L'Alternateur
11/03 : Rennes - Festival Les Embellies
16/03 : Brest - La Carène
13/04 : Bordeaux - Antidote
14/04 : Pau - Festival A Tant Rêver du Roi   
15/04 : Nantes - TBA
05/05 : Lille - Le Biplan
06/05 : St Ouen - Main d'Oeuvre
07/05 : Epinal - Lavoir Théâtre
08/05 : Bourges - Le Nadir
09/05 : Orléans - TBC
11/05 : Tulle - Lendemains qui chantent
12/05 : Guéret - Bar de la Poste