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La bave de caméléon est une merveille de la nature

Comme si ses capacités en camouflage n’étaient pas assez impressionnantes, le caméléon possède également une salive high tech.

Les caméléons inspirent beaucoup les films Disney, les fabricants de peluches et les illustrateurs de livres pour enfants. Pourtant, en terme de prédation, ce sont d'impitoyables assassins. La langue de caméléon est une merveille de l'ingénierie évolutive : elle permet à ces animaux de chasser de manière opportuniste. Ils se contentent d'attendre, puis lorsqu'une proie alléchante passe à proximité… shlllssss, leur langue se déploie comme un ressort, saisissant des proies qui peuvent peser jusqu'à un tiers de la masse totale du caméléon, et se situer à une distance équivalente à plus de deux fois la longueur de corps. En d'autres termes, le caméléon peut chasser sans bouger, ou presque.

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Même si cette capacité nous est familière, en réalité, nous ne savons pas vraiment comment elle est apparue d'un point de vue évolutif, et par quels phénomènes physiques elle est sous-tendue. La langue du caméléon est un mystère. Le système de « projection balistique » de la langue ne constitue qu'une partie du mécanisme : le caméléon doit également réussir à enrouler sa proie dans sa langue avant de pouvoir la croquer. Pour cela, elle doit bien évidemment être excessivement collante ; l'émergence de cette adhésivité extraordinaire constitue tout l'intérêt d'une équipe de biologistes et de physiciens, qui pensent avoir résolu cette question dans un article publié dans Nature Physics par Pascal Damman et ses collègues de l'Université de Mons en Belgique. Le secret du caméléon, c'est sa salive.

Ou plus précisément, c'est l'extraordinaire viscosité de sa salive (400 fois plus importante que la viscosité de la salive humaine). Dans des conditions idéales, elle se comporte comme un solide pourvu d'une grande élasticité, et non comme un simple liquide collant.

L'étude de la salive de caméléon est entravée par un bête problème : l'animal n'en produit qu'en très petites quantités, par l'intermédiaire des glandes situées sur sa langue. Damman et ses collègues ont néanmoins réussi à mesurer la viscosité de la substance en question en incitant le caméléon à attraper une lame de verre en lui faisait croire qu'il s'agissait d'une proie. Ils ont ensuite utilisé la lame couverte de bave comme une rampe, sur laquelle ils ont fait glisser des perles métalliques. L'inclinaison de la rampe nécessaire pour que les perles ne restent pas prisonnières de la bave a ensuite été convertie en mesure de viscosité.

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« Cette viscosité inattendue suggère que la proie colle à la langue par adhérence visqueuse, » écrit Damman. « Cependant, cela ne suffira pas à déterminer la force d'adhérence en question. La vitesse de déformation et le taux de cisaillement de la couche de fluide considérée, qui ne sont significatives que pendant la phase de rétractation de la langue, doivent être connus pour déterminer l'amplitude de cette force d'adhérence. Pour combler ce manque, nous avons utilisé un modèle dynamique visant à simuler la phase de rétractation. »

Voilà qui nous amène à la deuxième partie des recherches de l'équipe : le modèle. Damman et ses collègues ont découvert qu'une fois la langue de caméléon entrée en contact avec sa proie (typiquement, un insecte) elles sont agglutinées par l'intermédiaire de la salive, puis la rétractation brutale de la langue dans la bouche du lézard provoque une augmentation subite de l'épaisseur de la salive de l'animal. Avec l'accélération de la langue, la force d'adhésion augmente suffisamment pour garder la proie collée à la langue.

« L'adhérence visqueuse seule est donc largement suffisante pour permettre la capture de très grosses proies, » notent les auteurs de l'étude. « En fait, la complexité du mécanisme adhésif semble être hors normes par rapport au type de proie habituellement trouvé dans l'estomac des caméléons. Il leur permet néanmoins de capturer oiseaux, lézards ou mammifères, occasionnellement. »

Ces résultats soulèvent des questions intéressantes : peuvent-ils être appliqués à d'autres animaux connus pour capturer leurs proies à l'aide de la langue ? Certains (quelques espèces de grenouilles et de crapauds, par exemple) n'utilisent pas nécessairement la même méthode de projection balistique. La salive high tech est-elle la norme parmi ce genre de prédateurs? Ou bien le caméléon a-t-il eu une histoire évolutive particulièrement originale ?