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Culture

L'avenir de la musique noise québécoise passe par un disquaire de Saint-Hyacinthe

Bien qu’il se trouve dans une petite ville plus connue du secteur agroalimentaire que de l’univers musical, Automatisme réussi à briller jusqu’à l’international.
Crédit photo | 

Courtoisie Automatisme / Constellation Records

À la croisée des chemins entre la musique électronique, la musique concrète théorisée dans les années 50, le post-rock et l’improvisation, on pourrait difficilement croire qu’Automatisme, projet associé à l’étiquette Constellation (Godspeed You! Black Emperor, Do Make Say Think), est né dans une petite ville de Montérégie.

Pendant qu’un party bat son plein au premier étage de son appartement situé à quelques pas de l’hôtel de ville de Saint-Hyacinthe, l’artiste William Jourdain nous accueille dans son studio pour discuter de théories et du milieu de l’art expérimental de la Rive-Sud.

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VICE : Ce que tu fais, ça touche au noise, aux musiques expérimentales et à l’art conceptuel. Dans tes mots, qu’est-ce que c’est, Automatisme?
William Jourdain : Automatisme, c’est un nom qui vient englober plein de thématiques autour du hasard et de l’impulsion. J’essaie de me séparer de la musique générative, crée uniquement par des algorithmes. Il y a des musiciens qui, par exemple, envoient un séquenceur dans un instrument et qui vont jouer avec la probabilité que le signal déclenche un tel son. Moi, je prends ça et j’envoie simultanément une partition MIDI à l’instrument. Il reçoit un signal préprogrammé et, par-dessus, répond à des probabilités de pouvoir jouer ou non. C’est ça que je trouve le fun. Là, on crée une troisième matière qui mélange le hasard et le préprogrammé. D’adolescent à l’âge adulte, j’ai joué de la guitare et du piano dans des groupes de musique. J’étais dans un système plus « scolaire », on va dire, basé sur les douze notes. Je faisais du post-rock et du punk. J’étais curieux de l’idée de décoincer l’oreille.

Tu parles de système plus « scolaire », mais ton approche en elle-même a quelque chose de très académique. C’est pas un peu ironique?
Je suis parfaitement conscient que ce que je fais en ce moment, ça pourrait être un projet de recherche-création à la maîtrise en musiques numériques ou en composition électroacoustique à l’université, mais je le fais dans le cadre d’un projet professionnel. J’emprunte parfaitement au modèle académique parce que l’école m’a présenté et m’a fait étudier des artistes en arts visuels et médiatiques qui font ce parcours-là. J’ai voulu l’adapter, mais en musique et en m’inspirant, entre autres, de théories de peintures abstraites.

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Est-ce que c’est aussi une manière de te situer par rapport à un courant?
Je crois qu’il y a une grande différence entre ce que je fais et ce que pourrait faire quelqu’un d’autre qui sonne exactement pareil, mais qui ne serait pas justifié. Il y en a certains qui font des choix esthétiques parce que dans l’impulsion du moment, ils ont trouvé ça cool. Ça ne veut pas dire que je suis plus pertinent que les autres et, souvent même, ceux qui font de l’art que je dis décoratif sont plus stimulants et plus axés sur le moment présent.

Tu as été recruté par Constellation Records en 2015, mais ce n’était pas ta première tentative de joindre un label. Est-ce que tu crois que venir de Saint-Hyacinthe et non de Montréal a été un désavantage?
Constellation ont catché à quel point Montréal est accessible de Saint-Hyacinthe. Pour eux, ça change rien. Pour d’autres, c’est sûr que je ne suis pas dans un pôle de la musique électronique comme Berlin, Londres ou Paris… Si j’étais dans une musique plus axée sur le nightlife, ça ne m’aiderait pas, vu que je devrais être capable de faire des sets au quotidien. Encore là, je le fais, mais au disquaire où je travaille. Je fais jouer mes trucs, les gens viennent, écoutent, tripent.

La proximité avec Montréal et l’isolement rural de Saint-Hyacinthe, c’est pas nuisible pour le développement d’une scène locale? Y a-t-il des émules d’Automatisme à Saint-Hyacinthe?
Vraiment pas. Je pense qu’il y a des émules de William Jourdain, le disquaire qui fait découvrir de la musique à des gens. Dans la création, c’est super niché et j’y passe tellement de temps que je ne sais pas si j’en ai besoin tant que ça. Mon but, c’est pas de faire rayonner Saint-Hyacinthe, c’est de faire venir les gens où j’habite. On s’entend, le paysage urbain se ressemble tellement. Il y a une autoroute, un chemin de fer, un Tim Hortons. Je ne veux pas que les gens découvrent la beauté d’ici, mais qu’il y a des institutions comme ailleurs et qu’il y a un public.

Finalement, William Jourdain, historien de l’art, musicien ou curateur artistique?
Je veux que les gens retiennent la pluridisciplinarité de ce que je fais, mais le côté curateur, j’aime beaucoup ça. Probablement qu’à un moment, ça sera 50-50. Ça va être William Jourdain qui fait des DJ sets, qui sélectionne ce qui sort et qui publie sur des étiquettes de disque.

Automatisme fera paraître un album sous forme de trois EP en 2018 chez Constellation et un album collaboratif avec l’Omahan Erinome sous le microlabel américain Neologist Productions . E.T.I. Espace, Transit ET Individu (Reshape & Restoration) est paru sur sa page Bandcamp le 15 décembre dernier.

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