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La Revanche des roux

Une photographe lyonnaise s'est donné pour mission de documenter le plus de rouquins afro-caribéens possible.

L'auteure, photographiée par Michelle Marshall dans le cadre du projet MC1R

Si vous demandez à plusieurs personnes de décrire un roux ou une rousse, la plupart vous parleront d'actrices diaphanes et sublimes telles que Julianne Moore, aux cheveux couleur rouille et aux joues délicatement rosies — ou peut-être Ed Sheeran, pour les moins inspirés d'entre eux. Pour faire simple, il y a de grandes chances que vous associiez les roux aux Blancs. Les cheveux roux sont considérés comme un trait celtico-germanique propre à l'Europe du nord. C'est en partant de cette idée reçue que la photographe lyonnaise Michelle Marshall, désormais basée à Londres, a décidé de rencontrer le plus de roux afro-caribéens possible dans le cadre de son projet photo intitulé MC1R.

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MC1R , ou le récepteur de la mélanocortine de type 1, est le gène à l'origine des cheveux roux – il peut provoquer divers degrés de pigmentation. S'il fonctionne « correctement », les cheveux revêtent une teinte plus sombre ; s'il ne s'active pas, il en résultera une chevelure rousse.

« C'est un réflexe naturel de catégoriser les gens qui nous entourent, et ça ne part pas forcément d'une mauvaise intention », m'a expliqué Michelle Marshall, qui trouve les sujets de sa série sur les réseaux sociaux, grâce à des connaissances ou en se baladant simplement dans des grands centres commerciaux. « J'espère que mes photos changeront un peu ce réflexe. »

En Écosse, on estime que 13 % de la population est rousse. Seulement 1 à 2 % de la population mondiale est considérée comme rousse, et les Roux provenant de minorités ethniques sont encore plus rares. Cependant, il n'existe pas de données concrètes et de vraies recherches sur l'ethnicité des roux. On en trouve pourtant un peu partout dans le monde, du Brésil à la Jamaïque en passant par le Ghana.

Il faut que deux parents soient porteurs du gène récessif MC1R pour avoir un enfant roux, et je me suis demandé si ce gène avait été transmis à travers des siècles de migrations humaines, de trafic d'esclaves et même des années de servitude écossaise et irlandaise dans les Antilles britanniques du 17ème siècle.

« Durant le règne de Cromwell, des milliers d'Irlandais catholiques ont été déportés aux Antilles britanniques pour faire office de serviteurs », m'a expliqué Stephan Palmié, co-éditeur du livreThe Caribbean: A History of the Region and Its Peoples. Barry Starr, un généticien de l'université de Stanford, m'a pour sa part raconté que les « porteurs du gène roux présents dans les Caraïbes et en Afrique étaient une conséquence directe de flux migratoires et de flux de gènes. »

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La plupart des sujets de Michelle résident au Royaume-Uni, bien qu'elle se soit également intéressée aux États-Unis et à une poignée de pays européens. « Je dois avoir tout ceux de Londres là-dedans », s'est-elle amusée en décrivant sa série.

Son projet lui a valu des retours incroyablement positifs. « Le truc, c'est qu'une jolie photo ne montre pas nécessairement ce que ça fait d'être différent. Il y a des inconvénients à être différent : on n'est pas toujours accepté. De belles photographies permettent de servir un objectif précis, mais c'est une tout autre chose d'être une personne différente des autres au quotidien – les gens ne réagissent pas toujours de manière favorable. »

Et elle a raison. Personnellement, je suis grande, métisse, avec des cheveux roux épais et crépus. Ayant grandi dans une ville de bord de mer majoritairement peuplée de Blancs, je n'ai pas toujours eu une vie facile. À l'âge de 13 ans, je me suis mise à acheter de la crème éclaircissante chez Boots afin de masquer mes taches de rousseur. À 14 ans, alors que j'étais en pleine période Slipknot, je me suis teint les cheveux en noir et les ai lissés au quotidien. Avec le temps, j'ai appris à ne plus y attacher d'importance – j'ai même appris à chérir ma différence.

Une des femmes que Michelle a contactées lui a expliqué que sa sœur de 11 ans n'arrivait pas à s'intégrer, et qu'elle essayait de la persuader de participer au projet pour gagner un peu plus de confiance en elle.

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« Beaucoup de personnes se sentent isolées », selon Michelle. « J'ai reçu un message de la part d'un garçon qui disait "Je ne savais pas que nous étions autant" – pourtant, j'ai photographié moins de 50 personnes. Mais le simple fait qu'il puisse voir un amas de personnes auxquelles il pouvait s'identifier, c'est une chose plutôt positive. »

Francis Johnson, un danseur bristolien de 24 ans, m'a dit : « Je ne me suis jamais vu comme une personne différente des autres, mais on me le rappelait fréquemment, souvent par le biais d'agressions. Certains autres enfants ne comprenaient pas pourquoi j'avais une coupe afro, des taches de rousseur et de naissance. Je me suis très souvent demandé qui j'étais. Ma mère et ma grand-mère sont toutes deux rousses et présentent des origines écossaises. Mais les ancêtres des Celtes peuvent remonter jusqu'à l'âge des Vikings », a déclaré Johnson. « Mon grand-père paternel avait également la peau pâle. C'était un Jamaïcain blanc aux yeux verts qui présentaient des traits afro-américains. »

Rosemarie Easom, née à West London et âgée de 35 ans, a témoigné : « Je n'aimais pas le fait d'être rousse quand j'étais plus jeune, [mais] ça ne me dérange plus aujourd'hui, sachant que c'est une des premières choses sur laquelle les gens me complimentent. La plupart des gens pensent que c'est une teinture – même ceux qui me connaissent depuis des années. »

Au vu du manque de recherche sur le sujet, il est impossible d'établir la prévalence historique des rouquins métis. Étant donné que la population métisse du Royaume-Uni ne cesse de croître, on peut espérer en voir de plus en plus. Récemment, la discrimination à l'encontre des roux a considérablement chuté. « Le seul truc qui m'ennuie, c'est que ça devient tendance », m'a expliqué Coral Kwayie, une styliste londonienne de 23 ans.

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Il existe même un nouveau magazine dédié aux roux, qui s'appelle également MC1R. La toute première édition anglaise est sortie récemment, avec des sujets portant sur les roux à travers le monde entier, de la part d'artistes tels que Phillip Gätz, Jens Kaesemann et Thomas Knights – ce dernier est d'ailleurs à l'origine de la très populaire série Red Hot, qui visait à redéfinir le stéréotype de l'homme roux. Thomas a également publié un calendrier présentant uniquement des femmes rousses. L'argent récolté est versé à des organisations qui œuvrent contre le harcèlement.

En France, on a notamment pu assister à la naissance d'événements tels que les ginger parties, qui existent également dans des pays comme l'Irlande et les Pays-Bas.

En ce qui concerne son projet photo, Michelle espère attirer l'attention de généticiens car elle aimerait ajouter une « caution scientifique » à sa série. « J'ai besoin d'ajouter quelques faits qui me permettraient de faire une déclaration finale », a-t-elle détaillé. Elle espère pouvoir exposer sa série dans un futur proche, peut-être à l'aide d'une campagne Kickstarter.

« J'aimerais vraiment altérer la perception que les gens ont des roux, que tout le monde imagine être Caucasiens et de descendance celtique », expliquait-elle à VSCO un peu plus tôt dans l'année. « Bien qu'il y ait une connexion irlandaise/écossaise sous-jacente au gène MCR1, je ne suis pas sûre qu'être roux signifie uniquement être Écossais, Irlandais, Gallois – ou même Blanc. »

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