Publicité
Benoît Furet : Nos activités de recherche nous ont amenés à travailler sur des problématiques de fabrication d'objets de grandes dimensions. L'analyse du besoin industriel a montré qu'il y avait de nombreux travaux en fabrication additive pour le domaine du métallique et les petites dimensions ; mais rien ou peu de chose pour la grande – voire très grande – dimension. Notre travail a été en premier lieu de concevoir un système exploitable pour des besoins industriels. Nous avons donc conçu notre imprimante 3D géante à l'aide d'un grand robot.
Publicité
C'est à cause du manque de possibilités proposées en cas de catastrophe naturelle que nous avons imaginé cela. Regardons ce qui s'est passé au Népal, par exemple. En cas de catastrophe, les ONG ou les États interviennent avec une logistique lourde : engins, containers et matériels divers. Notre idée, c'est de mettre notre Innoprint3D dans un container avec les bidons de matière première à l'état liquide. Sur place, le système est déplacé et peut construire un habitat d'urgence. Il s'agit d'un abri étanche à l'eau et l'air et isolant de la chaleur ou du froid pour plusieurs mois. Ce n'est que provisoire, bien sûr : en attendant que des solutions plus pérennes soient proposées.À quoi ressemble un habitat d'urgence construit par Innoprint 3D ?
À une sorte de yourte ou de tente canadienne en chantilly, si l'on veut.Quels sont les matériaux utilisés ?
Pour le moment, un composé polyuréthane. Nous continuons notre recherche afin de trouver un matériau local, plus facilement recyclable sur place.Concrètement, combien coûterait un habitat d'urgence construit par Innoprint 3D ?
Entre 80 et 180 euros.C'est très peu. De fait, j'imagine que vous avez déjà été contacté par des ONG ou des gouvernements qui souhaiteraient faire l'acquisition de l'imprimante.
Oui, une entreprise de la région de Lille nous a contactés à ce sujet. Ainsi qu'une autre entreprise en Bretagne, qui fabrique déjà des modules habitables d'urgence. De même, un collectif qui a la volonté de créer « l'Armada Crox », une flotte d'anciens cargos rénovés et équipés pour des interventions en cas de catastrophe. Tous nous ont contactés pour que nous leur chiffrions une solution complète d'Innoprint 3D.
Publicité
Nous avons initié un travail scientifique qui combine l'étude de matériau – genre béton de chanvre plus terre crue, etc. –, la cinétique de l'évolution du matériau pendant la mise en œuvre par Innoprint 3D, la tenue mécanique des parois, la performance thermique et les aspects économiques. Innoprint 3D est donc devenu « Batiprint 3D »… Nous réalisons actuellement le couplage de notre robot polyarticulé de 4 mètres avec un robot mobile, un AGV [pour Automated Guided Vehicule], ce qui nous permet de couvrir la surface d'une maison traditionnelle, avec une hauteur pouvant aller jusqu'à 7 mètres.À l'avenir, sera-t-il possible de construire des villes entières avec ce type de technologie ? La Chine travaille en ce sens, il me semble.
Oui. À ceci près que les projets chinois sont basés sur une énorme machine cartésienne dans laquelle ils produisent, avec des matériaux pas forcément green, des modules de maisons qu'il faut ensuite déplacer. Nous, nous souhaitons déplacer le moyen de fabrication. Nous souhaitons emmener Batiprint3D sur le lieu de réalisation de la maison.Diriez-vous que la France est en avance en matière d'imprimerie 3D par rapport à ses concurrents internationaux ?
La France n'est pas en retard. Les universités françaises n'ont pas à rougir, leurs travaux scientifiques sont à la hauteur. En fabrication additive, c'est aussi le cas. En revanche, il faudrait peut-être que le passage des activités de recherche aux exploitations industrielles soit facilité ou, au mieux, accéléré.
Publicité
L'impression 3D ne remplacera pas tout mais va contribuer à l'évolution des procédés de fabrication. Ce que l'on verra arriver dans le futur, ce sont des moyens de type multi-procédés complémentaires. En gros, on combinera différentes façons de faire.De fait, j'ai l'impression qu'on assiste à une nouvelle révolution technologique où les imprimantes 3D remplaceront les usines et permettront de fabriquer tous les objets de notre quotidien : maisons, voitures, fours, canapés, vêtements, etc.
C'est le cas. Mais l'impression 3D n'est pas le seul levier qui va faire évoluer le monde de la production. La TRIA, pour troisième révolution industrielle et agricole, a démarré et la fabrication additive va y contribuer en favorisant la production en local et les circuits courts. Les aspects énergétiques, environnementaux et sociétaux seront aussi les boosters de cette TRIA.Merci beaucoup, Benoît.Arnaud est sur Twitter.