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Culture

L’évolution des icônes gaies depuis Mariah Carey

Ce n'est pas sans raison que des divas traditionnelles de la musique, comme Mariah, Madonna, Cher, Kylie, Britney, Christina, etc., ont été associées à la culture LGBTQ.

L'article original a été publié sur Noisey UK. Pour un garçon gai de la classe ouvrière qui n'est pas sorti du placard, grandir dans un village du nord de l'Angleterre n'a pas été facile. Je voyais bien que je n'étais pas aussi traditionnellement masculin que les hommes autour de moi m'encourageaient à l'être. Je détestais jouer au soccer ou modifier des voitures. J'aimais mieux feuilleter des magazines. Mon film préféré était Mean Girls. Les garçons populaires, eux, étaient occupés à se battre dans la cour d'école, à boire du cidre dans le parc et à essayer de glisser leur langue dans la bouche d'autant de filles que possible. Ils me semblaient prétentieusement confiants, capables de donner un bon coup de poing et peu enclins à donner à tous ceux qu'ils ne trouvaient pas socialement acceptables un autre surnom que « pédé ». Ce n'est que plus tard que j'ai appris qu'il s'agissait de masculinité dans sa forme la plus caricaturale et occasionnellement toxique. Tout ce que je voyais, c'est que ces garçons avaient du succès, et pendant longtemps j'ai souhaité être plus comme eux.

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Dix ans plus tard, je suis extrêmement fier d'être gai. J'ai un jour quitté ma petite ville, rencontré une foule de personnes qui voyaient les choses un peu comme moi et apprivoisé mon identité sexuelle. Par contre, je n'étais pas préparé aux stéréotypes qui sont venus avec ma sortie du placard : des attentes me tournaient autour comme des mouches autour du miel. L'homosexualité ne suffisait pas : on s'attendait à ce que j'aie adopté un ensemble d'« intérêts gais », comme si on était en 2002 et que j'étais le meilleur ami de Carrie Bradshaw, Stanford, dans Sex and the City. Des fois, ces stéréotypes m'étaient aussi contraignants que ceux de ma jeunesse, quand j'essayais désespérément de passer pour un hétéro.

Les stéréotypes gais se présentent sous différentes formes, certaines plus subtiles que d'autres. Mais l'un d'eux m'a toujours paru étrange : le concept des icônes gaies. Comme si je devais idolâtrer des divas comme Mariah Carey, Cher et Madonna. Des filles sont devenues folles devant moi en entendant une chanson de Kylie Minogue et m'ont regardé en ayant l'air d'attendre quelque chose, peut-être qu'une sorte d'excitation aiguë et flamboyante m'embrase. D'autres ont essayé de deviner si j'étais le « dominant » ou le « dominé » à partir de mes listes sur Spotify. On me demande beaucoup trop souvent mon opinion sur un éventuel retour des Spice Girls sans Geri Halliwell. Même des gais m'ont déjà abordé dans un club pour savoir quelle était ma chanson méconnue préférée de Britney Spears. Comme si, à la puberté, on nous téléchargeait tout son catalogue dans la tête au cours d'une cérémonie de conversion à l'homosexualité.

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Avant de continuer, je dois insister sur un point : il n'y a rien de mal à adorer ces magnifiques et brillantes femmes. J'apprécie d'ailleurs autant leur musique que n'importe qui — gai, hétéro ou autre. Il y a déjà assez d'homophobie dans le monde sans les moqueries d'un gai à propos des intérêts d'autres gais, en particulier en faisant allusion à un côté « trop efféminé ». C'est le genre d'attitude qui se manifeste dans les préférences pour les « hommes qui ont l'air hétéro » de profils Grindr ou encore dans les commentaires de gais qui s'échangent des clins d'œil devant la flamboyance de personnalités publiques comme Alan Carr ou des drag queens à l'émission de RuPaul.

Ce n'est pas sans raison que des divas traditionnelles de la musique comme Mariah, Madonna, Cher, Kylie, Britney, Christina, etc. ont été associées à la culture LGBTQ. Beaucoup d'entre elles se sont rapprochées de notre communauté et ont pris la parole pour soutenir nos luttes. Il y a aussi des raisons moins tangibles. Certains ont avancé qu'en tant que femmes, elles ont affronté des oppositions semblables à celles des gais, et que leur force dans l'adversité a gagné l'admiration de notre communauté. « On peut analyser cette admiration au regard de ce que ces personnalités représentent : une féminité et une force hautement stylisées combinées à une extravagance, une sorte de situation de désir et de construction de soi surexposée et théâtrale », a expliqué au Huffington Post Heather Love, professeure d'anglais à l'Université de Pennsylvanie. Un article de Salon intitulé Où sont parties toutes les drag queens? va dans le même sens. L'auteur écrit que les drag queens imitent des femmes comme Judy Garland, Dolly Parton et Cher « parce qu'elles ont surmonté les insultes et les épreuves sur leur chemin, et parce que leur histoire reflète la souffrance que beaucoup d'hommes gais ont vécue en sortant du placard ». Cependant, depuis l'apogée d'artistes comme Madonna et Cher, la culture LGBTQ, et sa représentation dans la culture populaire, a beaucoup évolué. D'abord, le monde commence enfin à accorder de l'attention aux trans, queers, non-binaires et personnes de couleur, plutôt que de n'avoir d'yeux que pour les Blancs, cisgenres et gais. Grâce à ce progrès, la notion d'« icône gaie » tombe en désuétude et devient réductrice. Faire partie des LGBTQ signifie différentes choses pour différentes personnes, et toute généralisation culturelle va à l'encontre de la nature même de la communauté.

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Mais ce qui distingue peut-être le plus les icônes queers du paysage musical actuel, c'est qu'elles et les icônes pop ne sont plus interchangeables. Quand on a demandé à Missy Elliott pourquoi elle n'avait pas participé à la démonstration d'amour entre Madonna, Britney et Christina aux MTV Video Music Awards en 2003, elle a sursauté : « Non, non, non, a-t-elle répondu, le hip-hop ne ferait jamais ça. Jamais, jamais, jamais dans un million d'années. » Mais 13 ans ont passé et le hip-hop a emboîté le pas. De Le1f à Cakes da Killa en passant par Zebra Katz, Angel Haze et Frank Ocean, certains des rappeurs les plus talentueux et les plus populaires d'aujourd'hui sont ouvertement queers. Et il y a aussi des artistes comme Mykki Blanco, qui se soustrait complètement des genres, passant du hip-hop au punk, de la poésie au bruit. Pour moi, c'est l'exemple par excellence d'une icône LGBTQ. En refusant de s'enfermer dans une catégorie étanche, Mykki correspond parfaitement à une génération qui refuse elle aussi la catégorisation, devient ainsi un modèle auquel les jeunes queers du monde entier peuvent s'identifier.

Dans les dernières années, on a noté un changement des icônes queers, qui ne sont plus que des femmes hétéros. Au fur et à mesure que la communauté LGBTQ devenait plus visible, fière et audacieuse, les icônes ont changé et représentent maintenant sans doute avec plus d'authenticité la communauté. Par exemple, Anohni, artiste trans, prend constamment la parole publiquement au sujet des problèmes qui la touchent, en particulier dans sa vie professionnelle. « Dans ma vingtaine et ma trentaine, on me disait qu'il n'y avait aucune chance qu'une personne comme moi fasse carrière dans la musique… En tant qu'artiste trans, j'ai toujours occupé une place en marge de la culture populaire. J'ai payé le prix pour dévoiler ma vérité face à la haine et à la stupidité », a-t-elle écrit dans Pitchfork. En haussant la voix et en refusant de s'apaiser, Anohni a mérité qu'on la considère comme une icône LGBTQ très moderne.

Alors que le monde se tourne massivement vers une fluidité sexuelle (de récentes études montrent que un jeune sur deux ne se dit pas hétérosexuel à 100 %), l'« icône gaie » devient un concept trop archaïque pour exister. Héloïse Letissier, alias Christine and the Queens, s'est exprimée abondamment à propos de sa pansexualité : « Je suis déjà tombée amoureuse d'un garçon, puis d'une fille et puis d'une personne trans. Je me disais : "Putain, qu'est-ce qui se passe?" Mais ce ne sont que des sentiments, voilà tout. » Elle évoque aussi son identité sexuelle dans ses paroles de chansons : « She wants to be a man / but she lies / she wants to be born again / but she'll lose / she draws her own crotch by herself / but she'll lose because it's a fake ». Sa fluidité est représentative de l'évolution de la perception de la sexualité et les genres dans la population. Comment quelqu'un pourrait-il aujourd'hui penser que tous les non-hétéros aiment les mêmes choses?

Pendant toute mon adolescence, je me cherchais des modèles dans un petit village sans accès à la culture urbaine ni connaissance de l'histoire des queers. Comme personne dans mon entourage ne vivait les mêmes expériences que moi, je devais découvrir mon identité par procuration à l'aide des allusions de la télévision ou du cinéma, ainsi que des quelques artistes qui assumaient leur identité. Pour aider les jeunes queers d'aujourd'hui à accepter leur identité, il existe une panoplie d'artistes talentueux qui représentent chaque nuance de la palette de la sexualité et des genres et profitent d'une plus grande visibilité que jamais auparavant. C'est rafraîchissant. Il y aura toujours de l'espace pour les divas de la musique : dans une société qui déborde toujours d'hostilité, leur flamboyance et leur confiance inébranlable sont indispensables. Mais les personnes queers sont aussi complexes et diversifiées que les hétéros : ce n'est que normal que leurs brillantes idoles de la musique le soient tout autant.

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