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politique fiction

Les têtes de turc de la politique : Dupont-Aignan l'incompris

L'humoriste Sébastien Thoen a confessé le fondateur de Debout la République. Enfin...dans sa tête.
Photo : Martin Bureau / AFP

Alors je vous préviens, je vous arrête tout de suite. Je sais, je viens tout juste de commencer, ça n’a pas de sens mais en fait… si. Je suis sur Vice et j’en suis fier, mais je ne vais pas vous dire que le skate c’est sympa, que la banlieue c’est joli et que Juliette Armanet est la nouvelle Véronique Sanson. C’est mon premier article, je ne souhaite pas vous décevoir. D’autant que je rappelle que j’ai beaucoup de respect pour les internautes en général, et la technologie Wi-fi en particulier.

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Récapitulatif léger : l’état-major de Vice m’a demandé d’interviewer Nicolas Dupont Aignan. Alors je l’ai fait. Pour toi, pour lui, pour vous, pour nous. La préparation du papier est calamiteuse : Dupont est difficile à joindre, refuse toute rencontre, je téléphone à son attaché de presse trois fois par jour en vain, mon forfait trois heures soir et week-end fond comme neige au Sahel… mais je m’accroche et il finit par dire oui. Rendez-vous est pris dans une brasserie située dans cette région mystérieuse et improbable de l’occident : le 12e arrondissement de Paris. Avant toute chose, je tiens à déclarer que je n’ai jamais éprouvé la moindre sympathie pour les idées et les valeurs de Dupont Aignan.

Parallèlement, je tiens à préciser que je ne suis pas non plus de gauche, parce que j’aime mon pays. Face à Dupont, je suis donc dans un état d’esprit parfaitement neutre et objectif. Le jour J, Nico arrive à l’heure, mais en sueur… il me confie qu’il vient de jouer trois heures au baby-foot au siège de la LGBT. Puis il me flatte en me disant qu’il hallucine sur le succès de Dany Boon et des Chevaliers du Fiel pendant qu’Action Discrète, dont je fais partie, a disparu dans l’indifférence la plus complète et totalise au mieux 35 followers sur Instagram. La vieille tactique du politique pour amadouer le bouffon… ni une ni deux, je lui réponds que l’humour c’est comme la politique : les gens n’y comprennent rien. Cette maxime en bronze a non seulement le don de saluer mon talent de punchliner mais aussi de mettre carte sur table : à moi, on ne la fait pas, je veux le vrai Nicolas. Ce dernier me répond « tant mieux Sébastien, je n’ai que 3 minutes à t’accorder. Je me mens, je vous mens, j’en ai assez ! je veux montrer le vrai Dupont Aignan à Vice ». BADABOUM !

Dans la foulée, Nico commande un Tango. Attention, un Tango c’est un Monaco mais sans limonade, c’est important. La grenadine c’est pour les gosses, certes… Mais la bière, c’est pour les bonshommes… et quand un politique fait « sa limonade » c’est qu’il vous endort… Or, ici, il n’y a pas de limonade. La symbolique est forte et gravée dans le verre : ce soir, face à moi, Nicolas sera léger mais direct et sincère. Et il enchaîne, les yeux dans les yeux : « Seb, tu crois que je n’aime pas l’émission de Yann Barthès parce qu’elle m’épingle souvent ? NON ! c’est parce que Barthès est un ragondin qui envoie ses stagiaires lycéens comme Martin Weil au milieu des bombes en Syrie pendant que lui est tranquille au chaud sur son plateau ! Couleur arc-en-ciel en plus ! comme si la vie était belle et ensoleillée ! les vieux qui envoient les jeunes au casse-pipe et refusent de voir la gravité de ce monde, c’est moralement impossible pour moi ! » et BIM ! on dirait Louis Aragon quand il fustigeait la vénalité de la presse en 14/18. Sur les genoux je suis. Et il ajoute : « tu crois que j’ai tendu la main à Marine Le Pen parce que je suis d’accord avec son programme ! NICHT ! c’est parce que dans notre société phallique, quand une femme ose se mettre en avant, on lui tombe dessus, on la souille, on la bifle. Alors oui, face à tous les Harvey Weinstein de ce pays, j’ai tendu une main amicale et désintéressée à cette femme esseulée et rejetée, par simple affection et respect du sexe opposé ». Et BAM ! on dirait Michel Denisot quand il évoquait les années du Grand Journal… sur le cul je suis.

Il m’avoue ensuite qu’il déteste Laurent Wauquiez, qu’il va régulièrement au Hammam avec Christiane Taubira, qu’il est friend avec un migrant sur Facebook, qu’il a un neveu zadiste, un oncle fanzouze et une tante antifa et qu’il ne peut rien faire tout seul contre le grand capital qui ruine nos vies et notre planète, qu’il a besoin de moi et de toutes les forces vives de la TNT ! La vache… mais il est pressé, se lève d’un coup, me laisse l’addition et m’adresse en guise d’au revoir, un solennel « à très vite camarade ». Je n’en reviens pas, je suis sous le choc. Dupont-Aignan s’est livré comme jamais, détruisant cette image d’Épinal qu’il a longtemps entretenu lui-même et qui le faisait passer tantôt pour un arriviste, tantôt pour un affairiste, tantôt pour un détraqué, tantôt pour un demeuré. C’est le reportage de l’année. Mais une douzaine de secondes plus tard, je reçois un sms de lui ou il écrit : « On a les politiques et les comiques qu’on mérite… tu m’as cru ah ah ? ! » en regardant vers la rue, je l’aperçois, sourire aux lèvres, s’engouffrer dans une limousine et m’adresser un bras d’honneur.

Et oui, tout était faux, tout était « fake », comme on dit sur la toile. Je suis rentré chez moi, sans trottinette, sans vélo pliable, sans segway, juste avec mes pieds et ma mélancolie. J’ai beau avoir 15 ans de caméra cachée, ce jour-là, je me suis fait piéger. Et je ne vous parle pas du prix du tango : 6 euros. Le serveur aussi était de mèche ? Mais je ne lâcherai pas, l’investigation a un prix et je suis prêt à le payer. Prochain invité : Tex. Ça va envoyer. Je vous raconterai. Bien à toi l’internet.