Il serait peut-être temps de prendre Young Dolph au sérieux

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Il serait peut-être temps de prendre Young Dolph au sérieux

Le rappeur de Memphis a dominé l'année qui vient de s'écouler, mais personne ne semble vouloir le reconnaître.

Il y a quelques jours, Young Dolph a sorti un nouveau titre intitulé « Bagg » avec Lil Yachty, et a annoncé la sortie de sa prochaine mixtape, Gelato, son cinquième projet en à peine un an. « Bagg » est tout ce qu'on pouvait attendre de Dolph, il le décrit lui-même comme « un hymne de street hustler sur le fait de posséder ce qui se fait de mieux dans la vie. C'est un bon morceau club. C'est un morceau taré aussi, cette merde est bourrée d'énergie. » Tout est vrai.

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Malgré ces nouvelles excitantes, beaucoup d'entre vous n'ont même pas pris le temps d'écouter ce titre, et encore moins tout le boulot qu'il a abattu durant l'année 2016. La preuve, il a été absent d'à peu près tous les tops publiés en fin d'année. Young Dolph, 31 ans, originaire de Memphis, est un rappeur qui se démarque davantage par son style très cru et son débit brutal que par ses prouesses mélodiques. Hormis une paire de couplets fabuleux sur « Cut It » de OT Genasis et « Bling Blaww Burr » de Gucci Mane, il a publié 4 albums l'an dernier (King of Memphis, Bosses Up, Bosses and Shooters, Rich Crack Baby) qui méritent chacun qu'on les salue. Dolph n'est pas simplement là pour ajouter du bruit au brouhaha ambiant, il est là pour livrer sa version de la vérité. Alors que chacune de ses récentes sorties est une preuve qu'il a été criminellement sous-estimé ces 12 derniers mois, c'est le premier d'entre eux, King of Memphis, qui illustre le mieux le chemin que Dolph a parcouru en 2016.

Dès l'intro de « Facts » produit par Mike Will Made It et Resource, vous savez que les 3 minutes qui vous attendent seront de haute volée. Chaque ligne est ponctuée d'une accroche qui pourrait synthétiser à la fois le morceau, l'album, la vie ou l'être profond de Dolph :

« Young nigga blessed
I feel like everyday God's putting me through a test
Since I was 17 I ain't been able to get no rest
Bill time coming up, and guess who's payin' the rent? »

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Et le reste de l'album, avec ses productions signées Zaytoven, Nard & B, et une palette d'autres gros noms de la trap, n'est pas en reste. Dolph y parle de son passé, se vante de ses progrès, et rêve d'encore plus pour le futur. C'est quasiment du Thug Motivation:101, un manuel de confiance en soi, au point où, à la moitié du disque, on ne sait plus trop si on est en présence d'une oeuvre musicale ou d'un guide de vie. Les punchlines de Dolph pourraient très bien sortir de la bouche d'un yogi ou d'un coach personnel. Je ne connais aucun disque qui réussisse à ce point à recharger vos batteries.

King of Memphis contient trop de bons titres pour en extraire un en particulier. Le très club « Let Me See It » est assez similaire à « Facts », et son deuxième couplet vous emmène faire un tour des meilleurs strip clubs du coin. Sur « Royalty », Dolph partage avec vous le sentiment que lui procure le fait d'être un roi, vu que ça ne vous arrivera sans doute jamais. Des phrases comme « My great great granddaddy used to be a slave » ou « I'm always on the way to get the money, don't ever ask me where I'm going » aident à mieux cerner Dolph et à comprendre comment il est devenu celui qu'il est aujourd'hui. Dans « USA », il revient à nouveau sur son passé et sur les opportunités générées par tous ses efforts :

« Drop a four in the Faygo
Remember all them days we had to eat hot dogs and potatoes?
Ain't no love in the streets, man
Come take a walk in these Givenchys on my feet, man
You ever been so hungry you couldn't go to sleep, man ? »

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Trouver des points faibles à King of Memphis est une tâche difficile. Il y en a, évidemment, tout comme des moments cruciaux, mais ils disparaissent à chaque nouvelle strophe, terrassés par un élément omniprésent qui éclipse tout le reste : la Vérité. King of Memphis est un plaidoyer pour la Vérité, et c'est ce qui en fait une oeuvre unique. Mais qu'est ce que la Vérité au juste ? Eh bien, il existes des vérités, des choses qui nous parlent, que nous avons pu expérimenter nous-mêmes et dont parlent de nombreux autres artistes. Elles sont différemment appréciées, selon votre parcours, votre origine, votre identité. Et puis il y a la Vérité. La Vérité est une force bien plus rare et forte. Peu importe la façon dont la Vérité est dite ou présentée, elle fait aussitôt vibrer celui ou celle qui l'entend. Ses spécificités ne comptent plus, la Vérité ne réside pas dans les détails ou les formalités, mais dans son caractère universel. Classe, race, religion : elle fait fi de tous les facteurs sociaux.  Voilà pourquoi la Vérité est effrayante.

Le public en général n'est pas habitué à entendre la Vérité. Quand elle éclate au grand jour, les réactions les plus courantes sont le rejet et la peur. Il faut parfois accepter le fait que tout ce à quoi vous croyez est faux, et que vos idées sur les autres gens, lieux et situations doivent changer. Beaucoup de gens doivent se confronter à la Vérité bien plus tôt que d'autres. Certains n'ont jamais eu à l'accepter, et ont choisi de rester dans leurs bulles, refusant de voir le monde tel qu'il est. Il est beaucoup plus facile de rester tel que vous êtes et de ne fournir aucun effort pour s'améliorer. Mais la Vérité ne peut pas être battue sur la durée. Parce que la Vérité est là depuis le début, elle est immuable. Vous pouvez tout faire pour réprimer les forces qui échappent à votre contrôle, acceptez, vous adaptez, vous projetez vers une voie toute tracée. King of Memphis est un exemple de ce qu'il se passe quand cette stratégie fonctionne parfaitement.

King of Memphis fait état d'un certain style de vie, mais la Vérité va bien au-delà de ça. Quand Dolph évoque son ascension, de la pauvreté et de ses combats contre l'addiction à ses réussites financières, la Vérité dont il parle, c'est la célébration du courage, l'opiniâtreté qui permet de tout surmonter et d'être une meilleure personne que vous ne l'étiez la veille, vous conduisant forcément à être celui ou celle que vous avez toujours rêvé d'être. Et, qui n'a pas envie de ça ?

King of Memphis parle de tout ce à quoi que les gens aspirent—pas nécessairement la parfaite version de vous-même, mais la plus complète. King of Memphis ne modifiera pas le cours de votre existence, mais il vous rappellera que la Vérité est toujours là, et qu'elle peut transcender n'importe qui. Elle peut vous permettre de déplacer des montagnes ou de scinder le ciel en deux. Ou juste vous pousser à vous lever le matin et éviter que le merdier qui vous entoure vous ensevelisse définitivement. Il y a une certaine beauté dans la musique qui capture un moment ou un sentiment unique, mais il existe aussi un type de musique qui parle de ce chacun d'entre nous endure au quotidien. Nous vivons tous des expériences différentes en lien avec l'amour, la perte, la réussite ou l'échec. Mais ce qui nous réunit tous c'est cette lutte, cette douleur, et ce envie qu'on a de devenir meilleurs. Parfois, le simple fait de réussir à exister est une chose dont on peut être fier, mais aucun de nous ne veut que cette baseline illustre son succès. S'il y a bien un sentiment que chaque être humain partage, c'est celui qui nous pousse à en vouloir toujours plus. Et c'est exactement ce dont parle Young Dolph. Sur King of Memphis et partout ailleurs.

Trey Smith préfère écouterYoung Dolph que lire La Dianétique. Il est sur Twitter.