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LE NUMÉRO TOUT CE QU'IL Y A DE PLUS PERSONNEL

L'Étrange obsession des jeunes parisiens pour la techno dure

Pourquoi tous les clubbers sont à fond dans Joey Beltram comme s'ils étaient nés 25 ans plus tôt ?

Cet article est extrait du numéro « Tout ce qu'il y a de plus personnel »

Déshumanisée, hyperactive et flirtant avec les esthétiques radicales de Front 242 et Cabaret Voltaire, la techno fait danser les masses dans une crise d'épilepsie géante. Elle est certes moins confidentielle qu'à ses débuts, mais ses racines sont toujours aussi fermement ancrées dans l'obscurité. Et, à une époque où l'EDM règne en maître dans la musique électronique mainstream (via notamment des mecs tels que Major Lazer), une autre partie non négligeable de la jeunesse s'indigne au rythme froid et inquiétant de la techno. Notamment en France, en bas de chez vous. La majorité à peine révolue, de nombreux jeunes issus des classes moyennes récitent à l›envers le répertoire d'Underground Resistance et répondent présents aux soirées dédiées au genre, du Rex Club aux portes de Paris.

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On pourrait d'abord voir ce retour à la techno traditionnelle comme une forme de révolte, glaciale, à l'encontre du mauvais goût du plus grand nombre. Il est néanmoins tout aussi possible que ce reflux soit dû à l'effet de mode actuel et au revival des années 1990. Ce qui est certain, c'est que si vous êtes un peu malin, que vous avez l'âge d'habiter chez vos parents et que les « zikos » du rock vous laissent de marbre, il y a pas mal de chances que vous soyez fan de Joey Beltram comme si vous étiez nés 25 ans plus tôt.

Parents, pas de panique. Personne ne dansera pieds nus à même la rouille dans une usine à l'abandon de la Ruhr. Vos têtes blondes sortiront dans un environnement sécurisé et organisé de A à Z, produit d›une communication rondement menée. Parfaitement intégrés au paysage de la fête, les événements techno ont pignon sur rue. Ils drainent une foule impressionnante et surtout, insatiable – le Weather Festival se décline aujourd'hui en éditions saisonnières et certaines soirées vous promettent « Berlin aux portes de Paris ».

L'opulence règne. Les artistes et leurs labels tiennent des rythmes de sorties effrénés proposant tour à tour albums, maxis ou mixtapes. De même, la masse de collectifs – Blocaus, Fée Croquer, Possession, etc. – s'échinent à offrir les line-ups les plus adaptés, répondant à des stratégies marketing de première main.

Enfants pourris gâtés, les jeunes amateurs de techno n'ont que l'embarras du choix. C'est pourtant avec fermeté que nos jeunes pousses exigent à l'avance les heures de passage de leurs artistes préférés et les tracklists détaillés une fois la prestation terminée. The Hacker et Arnaud Rebotini, signés sur le label Zone, font autant le passé glorieux que l'actualité du genre : si une partie inédite de sa collaboration avec Miss Kittin est rééditée par Dark Entries, The Hacker propose à la fois un nouveau live et un EP à venir sur Cititrax. De son côté, Arnaud Rebotini vient de sortir l'EP bombe Danger Zone. Même Solidays assume sa part d'ombre et le réclame, aux côtés du duo national Scratch Massive.

Alors oui, vous les fustigerez, ces kids qui adorent les lieux tenus secrets. Et vous la pleurerez, « l'époque rêvée des frees » où les murs de sons barraient la route au Dieu argent. Mais c'est un fait : la techno est cool à nouveau. L'obscurité se vend bien, à ce point que Givenchy et Louis Vuitton sont allés jusqu'à sortir des publicités sur des sons et esthétiques de Gesaffelstein, sacré – un peu vite – « Prince de la techno ». Et c'est tant mieux. Parce que c'est quand même mortel d'offrir une reconnaissance méritée à un style d'expérimentation brute et de n'avoir qu'à tendre la main pour en profiter.