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L'église athée rendra-t-elle les non-croyants un peu plus sympa ?

La Sunday Assembly rêve d'un monde rempli de gentils.

Photo : Campagne de l’Atheist bus au Canada.

Je suis devenu athée pour pouvoir rester chez moi le dimanche matin. C’est vrai qu’en grandissant, j’ai découvert tout un tas de bonnes raisons de ne pas croire en Dieu qui ont conforté mon choix mais quand j’avais 11, 12 ans , j’avais surtout besoin d’une bonne excuse pour rester jouer aux jeux vidéos ou lire des bandes dessinées plutôt que d’aller à l’église. Écouter s’enchaîner les hymnes et les sermons, assis sur un banc pendant des plombes était pour moi la pire chose au monde, à égalité avec les cours de catéchisme. Les profs et les enfants s’exprimaient dans un langage Jésucentré qui m’échappait complètement. J’ai donc déclaré que je ne croyais pas en Dieu, et ai enfin eu le droit de ne plus aller à l’église.

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Récemment, je me suis demandé si je ne passais pas à côté de quelque chose en refusant d'aller à l’office. L’absence de Dieu dans ma vie ne me perturbe pas, puisque j'ai la certitude que Dieu n’existe pas. Mais j’ai peut-être tourné le dos à une communauté avec laquelle j’aurais pu communiquer, voire bien m'entendre. Et comme je suis athée, je vais étayer mon argumentation avec des faits concrets : des études ont démontré que les gens qui vont à l’église sont plus heureux, plus optimistes et en meilleure santé que les autres. Assister à des services religieux permet aux jeunes enfants de combattre la dépression et d’après certaines sources, cela les rendrait également plus charitables. Je sais qu’aucun athée sain d’esprit ne prendrait son pied dans une salle remplie de personnes qui passent leur temps à implorer un être imaginaire, mais peut-être qu’eux aussi pourraient profiter des bénéfices offerts par la religion s’ils se retrouvaient dans un lieu qui ressemble à une église.

Beaucoup de gens ont réfléchi à ce sujet et aujourd’hui on voit de plus en plus de ce qu’on doit appeler – faute de mieux – des « églises » laïques. Celle de Baton Rouge, en Louisiane, est dirigée par l‘ancien pasteur pentecôtiste Jerry DeWitt ; Korey Peters a créé la sienne à Calgary, au Canada ; et en Grande-Bretagne, Sanderson Jones et Pippa Evans ont lancé les Sunday Assemblies, l’église athée la plus connue aujourd’hui.

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Nimod Kamer à la première Sunday Assembly, à Londres.

Les Sunday Assemblies, dont le slogan fédérateur pourrait se traduire par « Vivre ensemble, s’entraider souvent, s’extasier plus souvent », existent depuis janvier dernier. Elles ont vite rencontré le succès dans les cercles athées du Royaume-Uni. C’est pourquoi, comme de nombreux évangélistes  avant lui, Sanderson est parti sur les routes pour répandre la bonne parole aux États-Unis. Il y a deux semaines, le groupe organisait son premier événement aux États-Unis, dans l’arrière-salle de Tobacco Road, un bar à hôtesses du centre de Manhattan.

Quand je suis arrivé, quelques minutes avant le début de l’office, une petite dizaine de personnes faisaient déjà la queue devant la porte du fond. On entendait le groupe répéter derrière le rideau. Les barmaids n’étaient pas en bikini, sans doute par respect pour l’événement. Devant le bar, un manifestant solitaire tenait un panneau sur lequel on pouvait lire « DES DEMONS HYPOCRITES SE SONT EMPARÉS DE LA RELIGION ». Les athées redoublaient de joie : quand quelqu’un vous déteste assez pour venir agiter des slogans sous votre nez par une belle journée d’été, c’est que vous faites quelque chose de bien.

Lorsque l’office a débuté – c’est-à-dire quand le groupe a commencé à jouer « With a Little Help from My Friends » en demandant à la foule de reprendre en chœur, il devait déjà y avoir 75 à 100 personnes esquichées dans cette petite salle, debouts pour la plupart. Je n’ai pas été surpris de voir des tonnes de Blancs assez jeunes dans mon genre, mais il y avait aussi quelques couples de personnes plus âgées. Tout le monde a tapé des mains en reprenant « Little Help », mais « Crazy Little Thing Called Love » et « Don’t Stop », qui ont été jouées plus tard, ont rencontré beaucoup moins de succès.

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Les églises athées soulèvent une question primordiale : « Que faire une fois qu’on a rassemblé plein de non-croyants ? » On sait que les religions fédèrent leurs communautés et connectent les gens entre eux, et c’est précisément ce que les non-croyants leur envient. Mais on ne peut pas rassembler des gens dans une salle juste pour leur dire : « Levez la main, ce qui pensent que les dieux n’existent pas. Super, moi non plus. » Après tout, on peut voir le fait de croire à un vieux barbu comme une excuse pour se retrouver et passer du temps ensemble. Mais dans ce cas, quelle est l’excuse des athées ?

Sanderson répond à cette question en évitant d’évoquer la non-existence de Dieu et en mettant l’accent sur la beauté de la vie : « Vous êtes le rassemblement d’atomes qui passe le meilleur moment de tout l’univers ! » a-t-il dit, pendant ce que je vais appeler, faute de mieux, son sermon. L’orateur barbu alternait blagues et plaidoyer sincère sur la beauté de la vie dans la même phrase, tout en occupant la totalité de l’espace devant le public.

Entre ces sermons et un répertoire classic rock plutôt efficace, on a eu droit à la projection de la bande-annonce d’un documentaire sur des prêtres et des pasteurs ayant perdu la foi, à la lecture de The Man in the Arena de Roosevelt, à un moment de contemplation silencieuse les yeux fermés – qui ressemblait étrangement à une prière – et à un discours de Chris Stedmen, l’auteur de Faitheist: How an Atheist Found Common Ground with the Religious. L’histoire de Chris est assez intéressante : il a été élevé dans un environnement non-croyant, est devenu born-again à l’adolescence avant de soudain découvrir qu’il était gay. Il a commencé par se détester, puis a accepté sa sexualité et à la concilier avec ses croyances. Chris a ensuite étudié la religion dans une fac chrétienne, où il a réalisé qu’en fait, il ne croyait pas en Dieu. Aujourd’hui, c’est un « aumônier humaniste » à Harvard : il organise des réunions hebdomadaires et monte des projets pour améliorer la vie de la communauté.

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Chris et Sanderson sont deux exemples de ce qu’on pourrait appeler « des athées tolérants », c'est-à-dire des non-croyants qui ne voient pas la religion comme un mal absolu dont il faudrait impérativement se débarrasser, et qui ne considèrent pas les pratiquants comme des débiles sur pattes. Lors de la  Sunday Assembly, quand quelqu’un a dit pour plaisanter qu’il aimait tout le monde « tant qu'il ne s'agit pas de chrétiens, bien sûr », Sanderson s'est réemparer du micro pour expliquer que tout le monde était le bienvenu ici et qu’il n’avait rien à reprocher aux croyants. On est très loin de la pensée du Nouvel athéisme promu par des gens comme Richard Dawkins et Christopher Hitchens, qui ont écrit plusieurs livres pour expliquer que Dieu n’existait pas et qu’il était«  ridicule d’y croire », ces derniers combattant même l’idée de l’existence de Dieu lors de débats publics.

« Personnellement, je trouve que ce débat autour de l’existence de Dieu n’est pas constructif », m’a dit Chris après la cérémonie. « Je ne comprends jamais ce qui ressort de ces débats, et je ne vois pas quel est leur intérêt. Souvent, dans ces débats, les deux côtés s’autofélicitent, comme s'il s'agissait d'un match de basket. » Chris travaille beaucoup avec les différentes communautés religieuses (ce qui lui a valu de nombreuses critiques d’athées très militants, qui veulent rompre toute relation avec la religion) et pour lui, si « la croyance en Dieu l’inspire à plus se préoccuper des autres, à s’engager dans les combats de justice sociale, elle est tout à fait positive… Je ne vois pas l’intérêt de convaincre telle personne de ne plus croire en Dieu. »

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Sanderson était plus ou moins sur la même longueur d’onde pendant son sermon. « Je trouve l’athéisme assez chiant, a-t-il dit. Pourquoi se définit-on par une chose en laquelle on ne croit pas ? » Ce message m’a beaucoup plus touché que la perspective de se retrouver pour chanter Bruce Springsteen tous les dimanches. Tant mieux pour eux si les athées forment un groupe soudé, mais là où ça devient vraiment intéressant, c’est quand ils arrivent à créer quelque chose, plutôt que de se contenter d’entretenir leur rejet de Dieu. Il est toujours bon de s’indigner contre les exactions perpétrées au nom de la religion, mais les fondements d’une communauté pacifique ne peuvent pas reposer sur la simple haine de Dieu. Et si le message de la Sunday Assembly et des autres églises athées peut se résumer à « soyez gentils, parce que comme ça le monde se portera mieux », j’ai déjà vu des idées plus débiles.

La Sunday Assembly de New York a eu un succès retentissant. Les gens sont venus, se sont amusés, ont donné du blé quand le panier a été passé dans la foule (ces événements coûtent de l’argent, comme ceux de l’église). Il devrait y avoir une autre réunion à Tobacco Road le 28 juillet, mais on ne sait pas trop ce qu'elle donnera sans Sanderson, qui sera depuis revenu au Royaume-Uni. Et le problème de la nouveauté se pose aussi : c’est marrant d’aller dans une église athée pour voir à quoi ça ressemble, et c’est une bonne excuse pour boire des coups en plein après-midi. Mais sacrifier un dimanche par mois à la cause athée demande un vrai engagement.

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Pourtant, l’intérêt, c’est justement l’engagement. C’est la seule manière de construire quelque chose de durable et c’est assez gratifiant d’imaginer qu’en se pointant à l’un de ces premiers rassemblements athées, on participe aux fondements de quelque chose de bon. À un moment, Sanderson a expliqué à la foule qu’il voulait que les gens considèrent la Sunday Assembly comme une seconde maison, un endroit où les gens se retrouveraient pour les mariages, les enterrements, les baptêmes de leurs enfants… « Oulah non, pas de baptême ! s’est-il repris. Désolé, c’est l’habitude. On fera des cérémonies du prénom. »

Harry est sur Twitter: @HCheadle

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