Strokes 2001
Les Strokes en 2001 / Photo - Anthony PIdgeon/Redferns

FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Comment les Strokes, Interpol et DFA Records ont réveillé New York

En revenant sur la scène musicale new-yorkaise des années 2000 dans son livre « Meet Me In The Bathroom », Lizzy Goodman dresse le portrait de toute une époque, entre bouillonnement artistique et bouleversements technologiques.

Pour Lizzy Goodman, auteure de Meet Me In The Bathroom, histoire orale de la scène musicale new-yorkaise de 2001 à 2011, racontée par ses acteurs, l'épiphanie n'a pas eu lieu une fois, mais deux. La première lorsque les Strokes ont joué en tête d'affiche au Madison Square Garden, en 2011 ; la seconde au même endroit, le lendemain, alors qu'elle dansait au milieu d'une foule transpirant la drogue, au concert d'adieu de LCD Soundsystem. Pour le concert des Strokes, elle était entourée d'amis et de collègues – mais aussi de jeunes ados accompagnés de leurs parents. Le soir de LCD Soundsystem, elle a vu des banquiers dans le public, des limousines ronronnant au point mort devant l'entrée, et Susan Sarandon, attentive, à gauche de la scène.

Publicité

« Ces deux soirées ont définitivement rompu le charme du truc. J'avais l'impression de vivre une expérience très particulière, et d'un coup, j'ai réalisé qu'il fallait considérer tout ça d'un point de vue beaucoup plus global » m'explique-t-elle au cours d'un dîner à Williamsburg. « D'un coup, j'ai pris conscience de la connexion qui existait entre des artistes que j'adore, et qui font partie des grands standards du rock, comme Tom Petty, et ces musiciens-là. Les Strokes et LCD Soundsystem étaient désormais nos Tom Petty. C'est juste arrivé plus vite que prévu, à cause d'internet. D'un coup, c'est comme si quelque chose s'était terminé. Mais ce n'était pas une fin au sens négatif du terme, plutôt : voilà, ça y'est, on a réussi ! »

Meet Me In The Bathroom (un titre tiré d'un morceau des Strokes de 2002) chronique l'ascension des Strokes, des Yeah Yeah Yeahs, d'Interpol et de DFA Records. Des artistes dont la musique et l'énergie ont redonné vie à la scène new-yorkaise, et ont inspiré des tas d'autres groupes à travers le monde, de Franz Ferdinand aux Libertines en passant par les Vines et Arctic Monkeys. « C'était comme un coup de feu » explique Lizzy. Mais qui tenait moins du coup de semonce que du signal de départ : « C'est notre tour, on peut le faire. » Comme Karen O le criait sur le premier EP des Yeah Yeah Yeahs : « It's our time, our time ! » [C'est notre tour, notre tour !]

Publicité

Journaliste musicale débutante basée à Londres, j'ai pu assister en temps réel à l'explosion de ces groupes, les yeux écarquillés, nombre d'entre venant se rôder en Angleterre avant de retourner chez eux triomphants, surfant sur la vague de hype initiée par la presse britannique, NME en tête. Malgré tout, nous étions nombreux à lorgner vers l'autre côté de l'Atlantique, le visage collé à la vitre. Bien sûr que les sols crades et collants du Camden Barlfy étaient funs, mais moi, je voulais faire la fête au 2A, et dans le sous-sol du Black & White. Fin 2001, j'ai pris l'avion pour New York, missionnée par le NME pour couvrir le concert que les Strokes donnaient pour le jour de l'an, et mon coup de cœur pour la ville s'est transformé en histoire d'amour incandescente. Peu de temps après, par le biais un réseau hétéroclite de journalistes, blogueurs, DJs, gamins rencontrés aux concerts et membres des groupes, je suis devenue amie avec Lizzy. Nous partagions tous la même excitation ; aujourd'hui, nous partageons une histoire.

C'est ainsi qu'à l'automne 2012, 18 mois après les concerts du Madison Square Garden, et probablement dix ans après notre première rencontre, j'ai rejoint Lizzy à la table d'un restaurant français du nord de Londres, pour ce qui devait être l'une des premières interviews destinées à son livre. On a acheté une bouteille de vin rouge, et nous sommes mis en tête de nous bourrer consciencieusement la gueule. Je lui ai lu de longs passages tirés de trois carnets dans lesquels j'avais gribouillé du début de 2001 – lors de ma première interview des Strokes, pour le journal de la fac – jusqu'à un jour de 2002, où j'avais interviewé Interpol, et on a ri à se pisser dessus. Aucun de ces souvenirs n'était vraiment approprié pour pouvoir être repris dans Meet Me In The Bathroom, qui est devenu un projet titanesque de 640 pages, dont la réalisation a pris 5 ans et nécessité plus de 200 interviews (mais on s'est quand même bien marrées).

Publicité

Meet Me in the Bathroom dresse le portrait d'une époque ; c'est un récit oral qui témoigne des répercussions du 11 septembre, de l'avènement d'internet et de ses effets sur ces artistes et sur l'industrie de la musique dans son ensemble. Mais le plus saisissant, c'est le degré d'intimité que Lizzy a réussi à instaurer avec les gens qu'elle a fait témoigner. Au-delà de la description de la scène, et des remous qu'elle a provoqué dans l'océan de la pop culture, plus que les récits croustillants de baise, d'abus de drogue et de scène de débauche, elle a réussi a obtenir des confessions et des réflexions proprement poignantes. Tous ces souvenirs, les lieux incontournables, et les (parfois) différentes versions des faits de tous les protagonistes, sont consignées dans cet ouvrage qui capture le bordel chaotique et glorieux de New York – personnage central du livre –, une ville peuplée, comme le dit Lizzy, « d'humains qui cherchent de toutes leurs forces à comprendre qui ils sont. »

1495742209574-strokes-etc

Les Kings Of Leon, les Strokes et Regina Spector à Chicago en 2003 / Photo - Richard Priest, utilisée avec l'aimable autorisation de Lizzy Goodman.

Noisey : Ça fait des années que tu écris sur la musique – pour le NME, Rolling Stone, et le New York Times – mais ça a été quoi, ton point d'entrée dans cette scène ? Je sais que tu ne voulais pas la publier, mais tu as une superbe intro à ce sujet dans le bouquin. Lizzy Goodman : Mon éditeur avait raison en ce qui concerne cette introduction, et j'en suis contente aujourd'hui, en partie parce que ce monde m'a sauvé. Je n'avais pas de problèmes. Mais New York, et la musique, le sentiment de possibles, de liberté que représente la ville, et qu'elle a toujours représenté pour de nombreux artistes – ça a été tellement central dans mon développement personnel. Je n'étais pas sereine. J'étais l'enfant modèle typique, issue d'une bonne famille, qui va dans une bonne école, et en même temps je n'étais vraiment pas à ma place. J'ai fait ma scolarité à Philadelphie, et je suis partie à New York pendant l'été après ma première année de fac ; j'ai trouvé un job dans un resto et j'ai rencontré un type, qui bossait là aussi, et qui jouait dans un groupe qui s'appelait The Strokes. Nick [Valensi] est devenu le point d'entrée à tout ce dont je viens de parler et que New York incarne.

Publicité

Nick était un cynique romantique, et à travers lui, j'ai rencontré un certain nombre de personnes, qui occupent une place centrale dans mon livre, mais j'ai aussi découvert les groupes de New York, et des gens de mon âge qui faisaient de la musique – The Realistics, Longwave –, ces artistes qui n'ont pas vraiment eu de succès, mais qui l'auraient mérité.

Mon Dieu, j'adorais The Realistics !
Le grand groupe oublié de cette période ! Mais oui, grâce à Nick et les Strokes, j'ai eu accès à ce New York-là, qui a totalement changé ma vie : je me suis autorisée à être un peu plus libre, un peu plus détendue, un peu plus confiante. J'ai rencontré une communauté d'hommes et de femmes dont personne n'aurait cru qu'ils deviendraient célèbres, mais qui étaient sur la même longueur d'onde. Ça faisait tout. La musique que j'ai découvert découlait d'un intérêt pour cette ville, comme le punk des années 70 – je me souviens, j'écoutais Television et les Clash et tous ces trucs que je ne connaissais pas, à l'époque où j'étais ado, au Nouveau-Mexique.

Pour moi, toute la partie sur DFA a été la grande révélation du bouquin. Je n'avais jamais vraiment réalisé à quel point James est marrant, ni à quel point la brouille entre lui et Tim Goldsworthy était tendue, et l'est toujours. Lorsque Tim ou James, ou n'importe qui d'autre dans le cercle DFA parle de cette époque et de ce qui s'est passé, leurs souvenirs et leurs émotions donnent l'impression d'être toujours aussi actuels, toujours autant à vif.
Complètement. C'est important de noter que le livre ne couvre pas vraiment l'histoire de LCD Soundsystem – il parle des débuts de DFA, parce qu'à l'époque où LCD a décollé, l'histoire que je raconte avait déjà évolué vers autre chose. Il est facile d'imaginer James comme le grand manitou de la scène, mais au début de l'histoire, il croit que sa carrière est terminée, il se voit comme le mec au bout du rouleau qui n'a jamais vraiment réussi à percer. Il zone à droite à gauche, cramé, dans le New York de la fin des années 90, genre « cet endroit est affreux ». Et puis arrive ce mec cool, Tim Goldsworthy, rock star, qui jouait dans Unkle en Angleterre, et qui vient de ce milieu hyper branché. On n'en parle pas vraiment dans le livre, mais il connaissait les Beastie Boys, et comme le répète beaucoup James dans le livre : « Tim était cool, et moi non. » Il avait ce genre de pouvoir.

Publicité

C'est vraiment marrant de voir les choses comme ça aujourd'hui.
C'est complètement taré ! Il y a cette constante que tu retrouves avec tous ces groupes – Interpol c'est sûr, Yeah Yeah Yeahs, Strokes, LCD Soundsystem, même Longwave et les Realistics, TV on the Radio aussi, mais un peu plus tard – ils pensaient tous pareil : tout est chiant, la ville est morte, donc autant faire vraiment tout ce qu'on a envie de faire. C'est comme si c'était une terre promise. La rencontre de James et Tim a donné naissance à une des grandes collaborations de l'histoire de la musique, et la mise en commun de leurs idées a contribué à créer une forme de rock qui pouvait passer en club. C'était révolutionnaire à l'époque – ce dont il est difficile de se souvenir aujourd'hui. Il est difficile de dire à quel point l'influence que ces deux-là ont eu sur la musique est importante, et c'est bien pour ça que leur brouille a vraiment été tragique, et que ça a été affreux d'y assister.

Tu fais témoigner des groupes qui n'étaient pas basés à New York. Quel a été le raisonnement qui t'a poussée à inclure des groupes comme Kings Of Leon, The Killers et les White Stripes ?
Le fil rouge que je me suis efforcée de respecter, ça a été : est-ce que tel artiste a utilisé New York, ou une certaine idée de New York – qui est le personnage central du livre – comme tremplin, d'une manière ou d'une autre ? L'histoire des Kings Of Leon est très liée à celle des Strokes, parce qu'ils tournaient énormément ensemble au début, mais aussi et surtout parce qu'ils disent eux-mêmes qu'ils n'auraient pas existé sans les Strokes, et il est clair que leur carrière n'aurait pas décollé de la même manière sans eux. Pareil pour les Killers. Brandon le dit : « Ce disque [des Strokes] est sorti, et ça a affecté ma manière de jouer dès le jour suivant. » Les Kings Of Leon font partie de mes protagonistes préférés, parce qu'ils prennent les choses genre, on va se marrer avec la façon dont tout ça s'est passé – ce sont des déconneurs professionnels. Les Strokes ont autorisé les gens à penser qu'il était possible d'être des rock stars, ce qui n'était pas le cas pour les groupes à guitares, en l'an 2000.

Publicité

Quelle a été la personne la plus difficile à convaincre de participer ?
Jack White, de loin.

Qui tu voulais avoir, mais que tu n'as pas pu convaincre ?
Ce putain de Carlos D.

1495733828909-interpol-getty

Interpol sur scène aux Pays-Bas en 2000 / Photo - Paul Bergen/Redferns

Bien entendu ! Carlos D. d'Interpol, qui était probablement l'une des plus fortes personnalités de la scène, qui se pavanait aux quatre coins de la planète, à se comporter comme la plus excentrique rock star d'entre tous, a refusé de te parler.
Oui ! Il a complètement changé de vie. J'ai raté le coche. C'est un truc vrai sur Carlos : il a une personnalité extrême. Donc, quand il faisait ça, il y allait à fond, et si j'avais voulu lui parler en 2005, je suis sûre que ça aurait pu se faire.

Il aurait probablement sorti son attirail de drogues et essayé de t'embarquer dans un plan à trois…
C'est certain. Et j'aurais été honorée de me faire draguer par Carlos D. [Rires] Mais maintenant il mène une vie différente. Il y a beaucoup de gens qui auraient pu ajouter des choses, mais c'est lui qui manque vraiment.

Il a du être représenté par le biais des histoires des autres. Tout le monde a une histoire sur Carlos.
Exact. Et c'est aussi assez drôle, parce que maintenant, il n'est plus que le fantôme de ce personnage.

Qui remporte la palme du meilleur contributeur ?
Kim Taylor Bennet.

Haha !
Tu en fais vraiment partie ! Il y a deux ou trois catégories dans le domaine. Je pense que James a une position unique. Quand j'imaginais la conception du livre, je le voyais divisé en 3 actes : pré-11 septembre, pré-explosion de tous ces groupes, et ensuite l'émergence et l'ascension globale de cette idée de New York. Le troisième acte, c'est la globalisation du « cool à la new-yorkaise », Brooklyn qui devient un concept, toute cette merde. James est la seule personne qui joue un rôle central dans chacune de ces étapes. Dans Please Kill Me, dont ce livre est inspiré, c'est Iggy Pop qui occupe cette place : il fait le guide touristique, il est présent partout, et il a une vraie capacité à faire la voix-off, même quand il raconte sa propre histoire. James a le même talent, dans sa manière de raconter.

Publicité

Ses passages font partie de ceux qui m'ont fait le plus éclater de rire.
N'est-ce pas ? Je veux dire, ce mec est un génie ! Ce livre n'aurait pas non

plus été possible sans les journalistes : Rob Sheffield et Jenny Eliscu de Rolling Stone, et Marc Spitz du magazine Spin. Tous les trois étaient parfaitement qualifiés pour l'emploi – ils étaient là, ils étaient fans, et jouent leurs rôles de personnages dans cette histoire – mais ils ont réussi à conceptualiser des aspects de cette période, seulement à l'aide de trucs qui tiennent de l'anecdote. Comme Jenny qui raconte la fois où les White Stripes ont joué pour les Video Music Awards, et où MTV voulait faire une « Battle of the bands » avec les White Stripes et ces autres groupes de garage. Au lieu de ça, les Strokes ont joué dans une after party aux Milk Studios. C'était vraiment au début. Et elle raconte cette anecdote, où elle est allé à l'after party, et devant la porte il y a une fille avec une liste, et elle n'a pas pu réussir à rentrer tout de suite. Elle s'est dit : « merde, il se passe quoi ? ». La façon dont elle en parle est très particulière – et je me souviens de ce sentiment, moi aussi – genre, « ils ne nous appartiennent plus ».

Marc Spitz est décédé en février dernier et tu pleures encore la perte de ce journaliste à la fois très proche de toi personnellement et tellement déterminant dans l'existence de ce livre.
Le livre est dédicacé à Marc pour une raison simple : il n'existerait pas sans lui. C'est la vérité, de par ce que tu peux lire dans le texte, mais aussi vrai parce que c'était mon coach. Je regarde beaucoup de tennis, et dans certains tournois, entre les jeux, le coach peut descendre sur le court et parler avec son joueur, et Marc a joué ce rôle pour moi. Marc était la voix à l'autre bout du fil, tout au long du livre. Pas besoin de le dire, il est impossible de comprendre qu'il sorte sans que Marc soit ici avec nous, mais je sais qu'il en était vraiment fier.

Publicité

Mais il l'a lu avant de mourir.
Oui. La seule chose sur laquelle il s'est plaint, c'est qu'il n'y avait pas assez de lui dedans.

Ah ! Il y a des tonnes de lui dedans. Et il est tellement malin. À chaque fois, il met en plein dans le mille.
[Rires] Marc avait beaucoup d'esprit pour ces choses-là, il a dit des trucs vraiment gentils sur le bouquin, mais il disait toujours « Tu avais vraiment besoin que ça soit cette personne qui dise ça ? J'aurais pu le dire moi ! » À l'entendre, il y aurait toujours pu avoir plus de Marc.

Et maintenant ? J'ai ce genre de débats avec mes amis et mes collègues journalistes : Où est le rock ? Et est-ce que le hip-hop va dominer la planète à tout jamais ?
C'est drôle, parce qu'on en était là quand tout à commencé : le truc cool, c'est le hip-hop – en tout cas, c'est sûr qu'à New York, les gens disaient « On a pas de groupe de rock, on a Biggie. » J'allais dire que ces choses-là sont cycliques, et que pour moi, le rock'n'roll n'est pas vraiment le son d'une musique. C'est une notion, une attitude, une rébellion, c'est tout ce qui m'a d'abord attiré à New York. Il y a un continuum de sensations et de sensibilité générés par la musique que d'autres formes d'art peuvent également apporter. C'est impossible à exclure du calcul. Le seul truc qui me gêne à ce propos, et c'est ce dont ce livre parle en partie…

C'est l'émergence d'internet et ses effets sur l'art.
Exactement ; la façon dont la culture digitale a affecté la production artistique est encore impossible a appréhender dans son entièreté aujourd'hui. Tu en penses quoi, toi ? Ça a créé énormément d'opportunités, mais tu as ce bourbier indie rock, hyper tièdasse, moyen, très classique, et aucun groupe qui ne sort du lot.
Ouais. Mais je pense que ce qui ne change pas, c'est les choses qui te poussent vers le rock : internet n'a pas fait disparaître le besoin qu'ont les gens de se rebeller, de se libérer…

Publicité

Mais aujourd'hui, tout est tellement documenté. Ça a affecté la façon dont les comportements rock'n'roll se manifestent, et le degré de liberté avec laquelle on évolue. On n'aurait pas fait la moitié de ce qu'on a fait si on s'était dit que ça finirait dans une story Instagram.
Oui, et c'est un aspect vraiment important. Un des concepts auxquels je suis restée fidèle pendant la rédaction du livre, c'est celui des « Dernières Vraies Rock Stars ». Daniel [Kessler, guitariste d'Interpol] a une vision très perspicace de tout ça. Il explique que le premier album d'Interpol fait partie d'une certaine période créative, et que leur deuxième album est issu d'une période complètement différente.

Parce qu'Antics a fuité.
Exactement ! Il aurait pu s'écouler un siècle entre ces deux albums, en terme de différence de paysage musical, à cause de la fuite. Il est important de garder à l'esprit que ces artistes qui, à mes yeux, demeurent la dernière incarnation globale de ce qui est cool, sont issus, en terme de créativité, du monde pré-internet. Dave Sitek parle beaucoup du pouvoir de l'ennui dans le livre.

Ce dont Julian Casablancas parle également beaucoup : il n'a pas de téléphone parce qu'il veut se faire chier dans les ascenseur, pas lire ses mails. C'est important d'être déconnecté, pour que l'esprit reste fertile.
Parce que cette agitation que, comme je l'ai expliqué, tous ces artistes ont en commun, elle vient du manque de stimulation, qui te donne envie de bouger, de rire, de pleurer et de péter les plombs, et qui te force à trouver des gens comme toi, pour créer ça avec eux. Ce besoin existe toujours, mais la façon dont on mène nos vies aujourd'hui entre en opposition avec cet espace. Dave Sitek a déménagé à L.A en 2005, ce qui est censé être le moment où tout a commencé à marcher. L'énergie s'était déplacée. Je me considère comme chanceuse de m'être ennuyée quand j'avais 20 ans, parce que j'en ai conservé la mémoire musculaire, et je me force à la réactiver quand je travaille. C'est ce que fait Julian, et c'est aussi ce dont parle Dave. Mais ce serait très prétentieux de dire « Ah, les kids d'aujourd'hui… »

Bien sûr. La génération suivante trouvera une façon de faire qui va nous surprendre totalement, et à laquelle on n'aurait jamais pensé…
Parce qu'on est trop vieilles ! Mais regarde : « Sex, drugs and rock'n'roll », ça ne sonne pas moins attirant juste parce que tu as un iPhone. Les gens ont toujours envie de baiser, ils ont toujours envie d'écouter de la musique trop fort, ils ont toujours le besoin de courir après la jeunesse et l'abandon. Ce après quoi tu courrais, et après quoi je courrais, et ce qui m'a amené à faire ça. La manière dont ils font ça, ce n'est pas à la génération précédente d'y réfléchir trop en détails. Ça arrivera. Je ne comprends pas vraiment comment, parce que ce n'est pas à moi de le faire.

Meet Me in the Bathroom: Rebirth and Rock and Roll in New York City 2001-2011 est édité chez Harper Collins. Aucune traduction française n'est prévue pour le moment.

Kim Taylor Bennett est sur Twitter.

VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.