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Music

On invite Jardin et Daisy Mortem à notre bar éphémère à Bordeaux

Ça se passe ce vendredi, et on vous explique pourquoi ça va être la fin du monde.
Marc-Aurèle Baly
Paris, FR
Daisy Mortem à la Pointe Lafayette, photo : Eva Quillec

Comme chaque année, Vice invite des gars et des filles pas bégueules à se produire pour notre soirée du Repaire Jägermeister. Mais cette fois, le cadre est un peu spécial : en pleine Coupe du Monde, on investit un bar de Bordeaux qu'on va retaper comme des zazous. Vendredi (demain donc), quelques heures après la victoire (ou la défaite) de l'équipe de France, deux artistes qui n'en ont probablement rien à carrer du foot (parce que pourquoi pas, tiens) vous en colleront une bien bonne quoiqu'il arrive. Car même si ces deux spécimens du cru aux contours bien distincts que sont Jardin et Daisy Mortem diffèrent de corps et d'esprit, ils partagent tout de même un certain goût pour la fête déniaisée et les coups de tatanes dans vos tétons percés et vos fessiers rebondis – je vous idéalise peut-être un peu là.

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Car qu'on célèbre un triomphe ou qu'on subisse une déconfiture, la musique de ces deux-là est de celles faites pour tout endurer. Qu'ils produisent une sorte de house triste pour libidineux aguerris ou une electro pop tendance noise et coquine, les deux, à chemin entre le mix chanté et le live samplé, chahutent un peu l'époque, la prennent par le col et la secouent pour mieux en tirer toute la sève cahoteuse. Jusqu'à donner l'impression qu'à force de manipuler toutes sortes de références, notre ère-Internet tellement clignotante était arrivée à une sorte de point de rupture, et ne pouvait désormais plus s'exprimer que dans la surenchère ou la sur-affectation.

Jardin, alias Leny Bernay, est passé en 2-3 ans de la house pour raveurs tristes de son premier album à quelque chose d'un peu plus violent, en atteste son dernier clip « Epée », (lequel annonce son nouvel album du même nom pour la rentrée), plein de noise et de furie, de seins et d'insultes. « Je vais pas me mentir, ce que je fais est assez radical et ça me semble tout naturel car il y a clairement de quoi l'être en ce moment. N'oublions pas la disparition de l'ISF en France, une belle puanteur de xénophobie, de peur de l'autre, de toute différence… en vérité c'est pas ma musique qui est radicale mais nos gouvernants, les gens qui ne croient qu'en l'argent, la bonne culture de l'idiotie qui se déploie massivement partout. »

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« Finalement je ne ressens pas assez d'explosion ou de nihilisme si on parle de musique. Je ressens surtout une digestion de ce qui s'est fait et souvent pour le rendre accessible et consommable. À la limite ça peut être intéressant car ça diffuse des idées, des postures, des esthétiques mais finalement y'a là quand même un adoucissement des pratiques et des propos. »

Daisy Mortem, eux, un trio qui a sorti son dernier maxi en mars dernier et qui joue en toge sur scène quand il ne juge pas mieux de se désaper, est plutôt du genre à pondérer : « Je trouve que le paysage musical actuel est excitant mais qu’encore plus de bizarreries, de richesse et de radicalité artistique, ce serait encore mieux. En tous cas, je trouve ça cool de casser ses jouets, pour en créer de nouveaux ou pour voir comment ils fonctionnent à l’intérieur. »

Il y a forcément un côté zonard des Beaux-Arts dans tout ce tintouin qui donne l'impression d'être trop malin ou trop poseur pour être honnête. Ce dont se défend Daisy Mortem :

« On a découvert sur le tard Death Grips ou SOPHIE, on a toujours été super en retard sur les tendances. On a passé notre adolescence à faire les cons, avec des teufeurs, avec des cailleras, un peu de tout, on a formé des projets aux esthétiques douteuses … Après le lycée, j’ai fait une fac de Lettres, et puis j’ai travaillé comme télé-performeur, un truc ultra pété, payé à la commission. Sam a étudié l’architecture puis il a bossé dans le bâtiment. Donc non, on a jamais été aux beaux-arts, j’aurais bien aimé franchement, apprendre à faire de la vidéo etc… »

Jusqu'à écrire un morceau sur le sida, qui a plus l'air d'une provoc' de sale gosse plutôt que d'un appel à un improbable revival de Guillaume Dustan. Denis : « On m’a déjà demandé si j’avais pas eu de problèmes en la jouant. Mais non, en fait, jamais. On a pas écrit cette chanson pour faire de l’humour noir ou pour choquer. Musicalement, y’a un coté fête foraine qu’on trouve drôle, avec les voix pitchées etc. Mais c’est pas une blague. Un proche de Sam en est mort. Perso, j’ai passé des journées dans l’angoisse parce-que j’avais pris des risques, je suis allé faire des tests anonymes, tous ces trucs. J’avais juste envie de faire une chanson sur cette angoisse. »

Jardin. photo de Guillaume Hery, style par Juan Corrales

Pas sûr, au final, ce qu'ils veulent bien nous dire tous les deux sur l'époque, ni même s'il nous disent vraiment la même chose : ce qui est certain en tout cas, c'est que ça fait du bien d'être débarrassé d'une ironie contemporaine souvent trop commode. Jardin : « J'ai peut-être moins envie de faire des lives qui viraient expé-trash-hurlement devant un public déjà converti par ces esthétiques et ces idées, j'avais envie de me mettre plus en danger et d'essayer de canaliser ma colère, ma tristesse, mon agressivité pour essayer d'emmener d'autres publics. En fait ce qui devient radical à notre époque et ce qui me semble fou, c'est finalement d'avoir des rêves positifs, de faire le choix d'être heureux et de construire quelque chose pour l'avenir. J'en suis encore qu'au balbutiement mais c'est ce que j'ai de plus en plus envie de partager. » Ce qui n'empêche pas, bien sûr, de se la coller comme des gros sagouins.

Jardin et Daisy Mortem joueront demain à Bordeaux à la soirée VICE présente Le Repaire Jägermeister. Toutes les infos sont disponibles ici.