La gérontophilie est-elle un passe-temps comme un autre ?

Le rideau de douche s'écarte sur fond de notes de pianos. Derrière la toile de plastique, un jeune homme nu dans une baignoire, peau blanche et abdominaux saillants. Surgit Edmund White. L'auteur iconique d'Un jeune Américain se trimballe en peignoir, tripote les pieds du jeune homme, avant de les lécher pendant de longues minutes. Créée par Salva Mogutin, cette oeuvre-vidéo qui met en scène un jeune éphèbe et l'un des plus éminents représentants de la littérature homosexuelle, sera présentée dans le cadre de « Gérontophilia. Statement 1 », une exposition qui vient de débuter au Point Éphémère.

Gérontophilie. Classé dans les paraphilies – c'est-à-dire les attirances sexuelles en dehors de la norme – et généralement défini comme « l'attirance sexuelle pour des personnes âgées », le terme recouvre un phénomène plus précis : l’excitation à la vue de rides, de poils blancs et de peau tombante. Mais au-delà de dimension purement sexuelle, les curateurs de l’expo ont voulu tisser un récit plus large et finalement, plus sentimental. « L’exposition raconte l'intime, la tendresse, l'amour », précise Jérôme Nivet-Carzon, qui a pensé l'exposition avec Azad Asifovich.

Les œuvres Soufiane Ababri, Anne Deguelle, Matthew Morrocco, François Marc, Slava Mogutin et Josquin Champion-Despré traitent finalement de la même chose : « La question du corps âgé et les réactions qu'il provoque » et la gérontophilie « dans le sens de l'attirance, pas purement sexuelle, mais pas non plus purement intergénérationnelle, entre des personnes âgées et d'autres plus jeunes ». Reste que l’expo s’inscrit dans le cadre de Jerk off, un festival d'art résolument militant, puisque proposant des imaginaires qui ne sont pas ceux de la norme hétérosexuelle dominante. « L'idée de base était de créer un "off artistique" de la marche des fiertés », explique Bruno Peguy, directeur et fondateur de Jerk off.

Étonnamment, peu d'artistes ont exploré la thématique de la gérontophilie. « J'ai trouvé beaucoup de choses très littérales, des gens qui utilisent ça pour parler de vieux meubles… », soupire Azad Asifovic. Un travail d’autant plus complexe que les deux curateurs ont tenu à illustrer les différentes facettes de cette relation intergénérationnelles. « La problématique n'est pas abordée de la même manière selon les sociétés », pointe Azad qui prend en exemple du travail de l’artiste Soufiane Ababri qui décortique les mécaniques postcoloniales au Maroc. Un élément revient néanmoins partout, quelque la culture du pays : « Que les vieux soient attirés par les jeunes, on l'accepte. C'est l'inverse qui pose problème », note Jérôme Nivet-Carzon.

Une large partie des œuvres présentées s'intéressent aux relations LGBTQ+ C'est le cas pour Salva Mogutin, mais aussi pour Mathew Marocco, dont la série photographique Complicit, consacrée aux « vieux gays » sera exposée. « Le projet est né en 2010, cinq avants la légalisation du mariage entre les couples de même sexe aux États-Unis. Je voulais raconter une forme d'intimité finalement absente de l'espace public ». Et là, encore Mathew Marocco entend moins parler de sexe que de tabou : « À certains égards, le vieillissement et la mort sont plus tabous que la sexualité. Je voulais faire de l'art qui parlait de ça et qui racontent les liens physiques – mais aussi émotionnels – qui existent entre les générations ».

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